Génération musiques au Liban
Le programme lancé par l'Afaa, Génération Musique, permet au Liban d'accueillir des artistes français sur la scène du Music Hall à Beyrouth. Dans ce cadre et en partenariat avec RFI, Rachid Taha a donné un concert lundi 13 mai. Frédéric Pinard, l'attaché audiovisuel à la Mission Culturelle Française au Liban nous en dit plus sur cette opération particulière.
Rachid Taha en concert à Beyrouth
Le programme lancé par l'Afaa, Génération Musique, permet au Liban d'accueillir des artistes français sur la scène du Music Hall à Beyrouth. Dans ce cadre et en partenariat avec RFI, Rachid Taha a donné un concert lundi 13 mai. Frédéric Pinard, l'attaché audiovisuel à la Mission Culturelle Française au Liban nous en dit plus sur cette opération particulière.
"Voilà, voilà, que ça commence". Lundi 13 juin, Rachid Taha chante au Music Hall de Beyrouth et inaugure un nouveau rendez-vous musical dans la capitale libanaise, intitulé Cabaret du Monde, coproduit par le Music Hall et la Mission culturelle française au Liban. Désormais, une fois par mois, le public sera invité à ouvrir tout grand ses oreilles pour découvrir des artistes de la scène actuelle francophone.
Les concerts de cette ampleur sont rares à Beyrouth. "Dans les pays du Maghreb et du Moyen Orient, il n’y a malheureusement pas de structures qui nous permettent de tourner de façon normale", déplore Rachid Taha. Sur scène et dans son dernier album Tékitoi, il continue de mettre son doigt, ou plutôt son poing, là où ça fait mal. Parce que c’est son travail, dit-il. Artiste engagé ? "C’est un pléonasme. Un militaire est engagé. Pas un artiste".
Devant le public du Music Hall, Taha est assis, allongé, debout, à genoux. Il gronde, rit, parle. Chante, donc, en arabe et en français et avec une énergie à réveiller les morts. Les morts, il les rappelle, entre deux chansons : ceux de l’Algérie, victimes du fondamentalisme religieux, ou celle du journaliste libanais Samir Kassir, assassiné à Beyrouth début juin et à qui il dédie un morceau. Il parle aussi des oubliés, comme les réfugiés palestiniens, nombreux dans la région et au Liban. Il épingle surtout les vivants, partout et en particulier dans les pays arabes, où il va chanter et dont il dénonce les dictatures. "Moi je suis au coran alternatif" lance dans un rire celui qui croit malgré tout au rôle que peuvent jouer les artistes dans la société arabe, comme des "bouffées d’oxygène". Dans la salle, le public, d’abord timide, est prié de se lever, de bouger, de danser ou de monter sur scène si ça lui chante. Rachid Taha est là pour échanger et il est redoutable à ce jeu-là. A la fin du concert, il ne dit pas au revoir mais donne rendez-vous au public au bar du Music Hall. Des échanges, il y en aura d’autres au Cabaret du Monde. Le mois prochain, c’est au tour de Gnawa Diffusion de faire entendre sa musique métissée. Puis viendront Thierry Titi Robin, Arno, Dionysos, Yann Tiersen... Beau programme.
C’est dans le cadre de Génération Musiques que ce projet a vu le jour. Lancé en 2003 par l’Afaa (Association française d’Action artistique), ce programme vise à favoriser le développement des musiques du monde et de la scène francophone sur le pourtour méditerranéen, du Maghreb au Moyen Orient. Concrètement, depuis deux ans, les concerts, les rencontres et les ateliers de travail entre artistes venus d’horizons différents se sont multipliés dans une vingtaine de pays de la région. Sergent Gracia, Camille, les Fabulous Troubadors, Art Mengo... Plus de 200 artistes sont concernés par le programme. Rien qu’au Liban, en 2004, Génération Musiques a produit six concerts, dont ceux de Souad Massi, Lio ou Jeanne Balibar. Etienne de Crécy a également posé ses platines sur une plage du Liban pour une Beach Party sous les étoiles, Jean Guidoni est venu y travailler la scénographie de sa tournée française. Parfois, les rencontres donnent naissance à des projets, comme c’est le cas pour Françoiz Breut, qui revient en septembre à Beyrouth, deux ans après sa première visite, cette fois pour faire une création scénique avec des musiciens libanais.
L’idée a même fait des petits, en Amérique du Sud où Louise Attaque a entamé cette année une tournée dans le cadre de Génération Musiques. Voilà, voilà, des bouffées d’oxygène musicales en perspective.
3 QUESTIONS A FREDERIC PINARD
Attaché audiovisuel à la Mission Culturelle Française au Liban
En quoi consiste Génération Musiques au Liban ?
En mai 2004, nous [la Mission culturelle française au Liban] avons sollicité l’appui du programme Génération Musiques pour organiser avec le Music Hall une série de concerts de musique française actuelle, avec, en première partie, des artistes libanais. On a voulu y montrer plusieurs aspects de la scène française : musique du monde avec Souad Massi, du rock avec AS Dragon, du hip hop avec Clotaire K et de l’éléctro avec Etienne de Crécy. L’idée étant de s’installer véritablement dans un lieu pour fidéliser le public. La coopération avec le Music Hall s’est bien passée, on a donc décidé cette année de faire une véritable co-production avec ce lieu et d’orienter notre programmation plutôt sur les musiques du monde, toujours avec le soutien de Génération Musiques. Ce qui donne le Cabaret du Monde. "Cabaret" parce que le Music Hall en a vraiment l’allure et "du monde" parce qu’on souhaite y montrer des musiques du monde... produites en France. Il ne s’agit pas de faire de la chanson française, les artistes ne chanteront pas forcément en français mais auront tous comme dénominateur commun d’être produits ou d’avoir effectué une partie de leur carrière en France. L’idée est aussi d’en faire un rendez-vous, le premier dimanche de chaque mois, en reprenant, à terme, l’idée de premières parties avec des artistes libanais.
Comment ces concerts ont-ils été accueillis par le public ?
Bien, très bien. Souad Massi a très bien fonctionné bien sûr, mais la curiosité était là pour des groupes moins connus comme AS Dragon ou Clotaire K. Le public était satisfait de se voir proposer une musique de qualité qui ne rentre pas forcément dans les réseaux de diffusion classiques, disques ou radios. Pour l’instant ce public n’est pas énorme, on espère qu’il sera contagieux ! La programmation vise les 15-30 ans, qui sont sous perfusion de musique anglo-saxonne à la radio. Aujourd’hui, le Liban a une perception assez datée de ce qu’est la scène française, assez éloignée de ce qu’il se passe réellement en France. On essaye de changer un petit peu cette perception.
Que pensez-vous de la jeune scène libanaise ?
Elle existe ! On a trouvé des premières parties à chacun des concerts de mai 2004, du rap de Rayess Bek, au rock de Blend, en passant par la musique du monde de Soap Kills. Il se passe beaucoup de choses ! Malheureusement il n’y a pas de salles, d’infrastructures et de promoteurs pour les porter. J’espère que ça viendra.