Livres et notes

Avant l’été, une sélection de quelques livres sur – et de – quelques artistes francophones : une moisson contrastée et stimulante. RFI Musique vous propose aussi de découvrir le Dictionnaire des chansons de Bob Marley, écrit par Elodie Maillot, une de nos collaboratrices régulière.

De Pierre Perret à Bob Marley

Avant l’été, une sélection de quelques livres sur – et de – quelques artistes francophones : une moisson contrastée et stimulante. RFI Musique vous propose aussi de découvrir le Dictionnaire des chansons de Bob Marley, écrit par Elodie Maillot, une de nos collaboratrices régulière.

Pierre Perret : autoportrait en enfant

 

 Pierre Perret a déjà commencé à raconter sa vie dans Laissez chanter le petit, il y a six ans. Maintenant, il s’attarde sur Castelsarrasin, le bistrot de ses parents – le Café du Pont – et sa clientèle forte en gueule, les années d’Occupation et leurs dangers, les travaux des champs à la campagne et son initiation précoce au vocabulaire de l’oenologie, ses premiers pas dans la musique comme dans la sensualité, ses années d’études à Toulouse et sa découverte du monde du spectacle… Livre d’initiation autant que livre de souvenirs, ce volume est une manière d’autoportrait pris aux sources : pourquoi PP (ce sera son surnom d’enfance, comme le fameux "Pierrot" qui le suit partout) aime tant les plaisirs de la nature, vit dans une telle passion des mots, baigne dans l’amour de la chanson… Très joliment écrit, à la fois tendre et truculent, ce récit d’une vie presque ordinaire dans l’autre siècle est un joli document. Et puisque Pierre Perret rappelle dans les dernières pages de ce livre qu’une dizaine d’écoles portent son nom, on peut confirmer que courent dans les pages du Café du Pont le goût de la transmission.
Le Café du Pont, parfums d’enfance, par Pierre Perret, Robert Laffont, 318 pages, 20 €.
Zebda, en scène et dans la ville

 

 Faire de la musique un acte politique : le sous-titre de l’ouvrage de Danielle Marx-Scouras, universitaire française enseignant aux Etats-Unis, a la franchise des évidences. Comment en effet, aborder l’aventure du groupe toulousain sans la resituer dans son contexte politico-social (vingt ans pendant lesquels la France n’a cessé de se poser des questions sur "ses" Arabes) ni évoquer les épisodes électoraux ou militants de son histoire ? Des éducateurs qui ont donné le déclic d’énergie, de courage, de fierté, de confiance en soi et d’espoir à des gamins prêts à basculer dans les "bêtises", jusqu’aux dilemmes de stars presque quadragénaires coincées entre leurs envies et leurs responsabilités, Danielle Marx-Scouras raconte par le détail une des plus singulières épopées de la musique en France. Sans céder à la connivence ni se départir d’une fructueuse empathie, le ton du livre est juste, le récit est passionnant.
La France de Zebda, 1981-2004, par Danielle Marx-Scouras, Autrement, 210 pages, 16,95 €.

 
Les Bérus en images

 

 Des masques, des faux nez, des cris, des bonds, des poses, des rouges, des noirs : l’aventure des Bérus est aussi une aventure d’images – et même un combat d’image. Groupe punk mais aussi politique, groupe politique mais aussi vaste entreprise de destruction de la banalité, les Bérurier Noir ont donné au rock ses premiers augustes (et beaucoup plus destructeurs que le cirque d’Alice Cooper ou la pitoyable pantomime des Tubes). En 1986, ils ont fait de Roland Cros leur photographe complice (on ne peut pas dire "officiel") : ce livre, co-édité par Folklore de la Zone Mondiale, la structure de production du groupe, présente des images des dernières années du groupe ainsi que de sa résurrection éphémère en 2003-2004. Avec un avant-propos à la nostalgie incontestable de Virginie Despentes et un encart de huit pages de dessins de Laul, ce volume semé d’extraits de textes des Bérus est beaucoup plus que la célébration d’une saga passée. Au contraire, il court dans les images comme dans le texte une invitation à ne pas laisser s’éteindre la rage.
Bérurier Noir, ta rage n’est pas perdue, par Roland Cros, Les Bérus et Virginie Despentes, Vade Retro-Folklore de la Zone Mondiale, 160 pages, 29 €. 
Mike Brant, malgré la légende

 

 S’il est bien un artiste qui fait se pincer le nez aux arbitres du bon goût, c’est Mike Brant. La brièveté d’une carrière sans autre nuance que le rose de la presse à potins et le noir d’un deuil soudain (nombreux sont ceux qui se souviennent des pleurs des copines de collège ou de lycée à l’annonce de son suicide, en avril 1975) y est pour beaucoup, ainsi que quelques images qui peuvent prétendre à résumer toute son histoire : le cancre israélien surdoué pour le chant, l’hystérie des filles, la dépression d’un jeune homme dépassé par la gloire. Il faut donc une certaine audace pour oser une biographie de Mike Brant, et une biographie rigoureuse. Armelle Leroy s’est armée d’une méthode et de sources sérieuses – témoins nombreux, presse, bibliographie bien décortiquée – pour un ouvrage certes rapide mais instructif. De l’histoire dramatique de ses parents, rescapés de l’Holocauste, au monde haut en couleurs des variétés des années 70, le tableau est vif et révèle, sous les quelques anecdotes rebattues de la légende de Mike Brant, beaucoup de singularités d’une époque des musiques populaires presque étouffée sous les paillettes.
Mike Brant, par Armelle Leroy, Flammarion, 298 pages, 19 €.

Bertrand Dicale

Dictionnaire des chansons de Bob Marley

 

 Bob Marley aurait eu 60 ans en février 2005. Les festivités organisées pour l’occasion en Ethiopie, terre symbolique pour le mouvement rasta, ont montré une nouvelle fois que le roi du reggae était un artiste à dimension planétaire, 24 ans après sa disparition. L’opération médiatique a aussi permis d’achever le processus de mythification, de gommer les dernières subtilités pour imposer une image plus lisse, une légende. Cette version officielle et simplifiée n’est pas celle qu’a retenue Elodie Maillot dans l’ouvrage qu’elle consacre à la star jamaïcaine. L’auteur, journaliste et collaboratrice entre autres à RFI Musique, aborde la vie et l’oeuvre de Marley au plus près, en regardant à travers le prisme de ses chansons, répertoriées par ordre alphabétique. Au total, près de 400 titres, dont la plupart ont été composés pendant la première partie de la carrière du chanteur, avant qu’il n’accède à la reconnaissance internationale. Ce sont presque autant de chapitres, à lire dans un ordre que chacun est libre de choisir, qui reflètent toute l’évolution et la lente maturation artistiques, mais aussi le contexte dans lequel ces chansons sont nées. Le répertoire de Marley n’est pas monolithique : à côté de Get Up Stand Up, Africa Unite et de tous les autres titres qui ont fait de lui un porte-parole des opprimés, il y a les très nombreuses chansons d’amour. Sans oublier l’aspect mystique de certains textes majeurs, qu’il n’est possible de décoder qu’en ayant une bonne connaissance de la bible. Une clé que le Dictionnaire des chansons de Bob Marley apporte chaque fois que cela est nécessaire.
Dictionnaire des chansons de Bob Marley par Élodie Maillot (Editions de Tournon, 2005)

Bertrand Lavaine