Versailles contre la pauvreté

L’ex-rocker irlandais Bob Geldof a frappé fort avec 10 concerts à travers la planète le 2 juillet, réunissant un million et demi de spectateurs. Une manifestation pour demander plus de justice dans le monde. En France, The Cure, Placebo, Youssou N’Dour ou Yannick Noah se sont succédés devant 100.000 personnes.

Le Live 8 français

L’ex-rocker irlandais Bob Geldof a frappé fort avec 10 concerts à travers la planète le 2 juillet, réunissant un million et demi de spectateurs. Une manifestation pour demander plus de justice dans le monde. En France, The Cure, Placebo, Youssou N’Dour ou Yannick Noah se sont succédés devant 100.000 personnes.

 

 Le soleil tape aussi fort que le son sur l’esplanade du château de Versailles, près de Paris. Il s’agit d’être entendu. Le 13 juillet 1985, Bob Geldof lançait le Live Aid, deux concerts de charité à Londres et Philadelphie rassemblant 162.000 personnes et suivis par 1,5 milliards de téléspectateurs. A l’époque U2, Paul Mc Cartney, Madonna ou Bob Dylan jouèrent pour sauver l’Afrique de la famine. Vingt ans après, ce 2 juillet 2005, l’objectif est tout autre : "Nous ne voulons pas la charité mais la justice" assène l’artiste. Ce Live 8, s’intègre à "Action globale contre la pauvreté", une grande campagne  internationale lancée par un collectif d’ONG pour forcer les dirigeants du G8 [les sept pays les plus riches et la Russie] à annuler les dettes des pays du Tiers-monde mais aussi augmenter leurs aides financières de façon substantielle.

Pour faire pression, il faut du public et donc des têtes d’affiches. Pendant cinq heures une cinquantaine d’artistes, tous bénévoles, se sont succédés sur scène. Quelques jours auparavant le Sénégalais Youssou N’Dour avait lancé la polémique : "Est-il normal de faire des concerts pour l’Afrique sans aucun chanteur du continent ?" L’appel a été quelque peu entendu. Après l’ouverture du bal par Passi, les Ivoiriens de Magic System présentent leur nouveau titre Bouger, bouger suivis d’Alpha Blondy qui aligne, imparable, Cocody Rock, Sweet fanta diallo et Opération coup de poing. Youssou N’Dour viendra clôturer la soirée après deux concerts le même jour en Grande-Bretagne.

Chocs des générations

 

    La programmation joue le chocs des générations. Les lycéennes aux cris stridents pendant la prestation de Matt Pokora restent dubitatives devant la voix du ténor italien Andréa Bocelli. La Colombienne Shakira fait sensation autant par sa musique que ses déhanchements à la limite de l’indécence. Craig David, habitué du r'n'b formaté supermarché, étonne, seulement accompagné d’une guitare sèche. Le problème avec ce genre de plateau très fourni, c’est l’attente. Entre chaque prestation d’une dizaine de minutes, il faut bien souvent patienter un quart d’heure, le temps d’installer et de régler le matériel. Un faux rythme qui tiendra toute la soirée, le public s’enflammant au coup par coup. De leur côté, les artistes se contentent bien souvent d’aligner deux tubes avant de tirer leur révérence.

Quelques duos apportent un peu de fraîcheur. Axelle Red, la chanteuse aux lèvres figées, et Cerrone avec un titre disco des plus dansant. Dans un registre classique, Florent Pagny invite la soprano Patricia Petitbon pour une reprise d’un titre de feu Freddy Mercury. Avec toujours aussi peu de voix mais tellement de charisme, Yannick Noah convie Disiz la peste, qui fait honneur à son pseudonyme. "Ce soir sur scène ce n’est pas très mélangé, je suis un peu le miraculé, le rap n’a pas sa place, je ne suis invité que parce que je fais le titre Métisse avec Yannick. Les autres chanteurs, je ne les connais pas, la plupart viennent parce que c’est un gros concert, l’Afrique, on s’en fout." Un discours un peu excessif mais qui tranche avec l’avalanche de bons sentiments de la soirée.

Concernés ?

 

 Louis Bertignac, ex-Téléphone, s’en sort lui avec les honneurs en personnalisant sa version du mythique Cendrillon : "Sur ma première guitare sèche quand j’étais petit j’avais composé une chanson qui s’appelait Music must save the world [la musique doit sauver le monde]. C’est possible, va savoir ? Je trouve que c’est bien de participer. Bon, Ok, c’est récupéré comme on veux, bien sûr, on le sait, mais l’intention est belle, ça nous tire vers quelque chose de bien et ça ne peut jamais faire de mal pour l’humanité". De fait, même si la plupart des 100.000 spectateurs est venue pour tel ou tel artistes, tous connaissent les motivations du concert. Camille et Anne-Sophie ont 17 ans, elles soutiennent l’initiative : "Les artistes sont très proches des jeunes, ils peuvent faire passer des messages, les concerner".

D’autres restent dubitatifs, trouvant l’idée louable mais un peu vaine : "Ce n’est pas en venant à un concert que l’on va changer le monde. Ce serait un peu trop facile" assène David, un Parisien de 22 ans "pas plus impliqué que ça". Après le concert, les débats portent effectivement plus sur les courtes prestations de Placebo ou The Cure, la chaleur, l’attente que sur la situation de l’Afrique. En utilisant la musique comme vecteur, Bob Geldof a certainement réussi un beau coup médiatique. Reste maintenant à savoir s’il peut porter ses fruits... Essayer, c’est déjà pas mal, non ?