Solidays 2005

Quelques jours seulement après le Live 8 de Bob Geldof contre la pauvreté dans le monde, Solidays, l’autre rendez-vous solidaire, organisé par l'association Solidarité Sida, a débuté le vendredi 8 juillet pour se clôturer le dimanche 10. En beauté, au-delà des premières inquiétudes. Compte-rendu.

De Hollywood Pornstars à Tiken Jah Fakoly

Quelques jours seulement après le Live 8 de Bob Geldof contre la pauvreté dans le monde, Solidays, l’autre rendez-vous solidaire, organisé par l'association Solidarité Sida, a débuté le vendredi 8 juillet pour se clôturer le dimanche 10. En beauté, au-delà des premières inquiétudes. Compte-rendu.

 

 Solidays est une manifestation qui compte dans le paysage français des festivals estivaux. Porté depuis ses débuts par la volonté implacable de ses initiateurs à ne pas laisser le problème du sida se fondre dans le brouillard médiatique. Des résultats toujours croissants, malgré quelques frayeurs conjoncturelles. Le spectacle vivant n’est pas à son beau fixe depuis plusieurs années. Le débat se resserre aujourd’hui avec une baisse générale constatée des fréquentations. A cela s’ajoute la volonté de certains médias à organiser leurs propres manifestations. L’offre s’intensifie, les partenaires se déplacent, au détriment parfois de la qualité.

L’année passée Solidarité sida, organisatrice de l’événement, décidait de changer la formule et de passer à trois jours au lieu des deux habituellement de mise. Paris réussi, l’édition 2004 remportait un franc succès avec 136.000 entrées. Cette année, U2 a failli miner les esprits. Deux concerts sont programmés le même week-end au Stade de France. La moissonneuse pop allait-elle emmener dans son sillon une partie du public ? "Lorsque nous avons appris la nouvelle d’une seconde date, nous avons contacté la production afin qu’elle change  cette seconde date. Sans suite. Au moins nous avons essayé" confie Luc Barruet, directeur-fondateur. Les premiers résultats recueillis dimanche soir permettent de minimiser l’impact de la machine irlandaise. Avec environ 135.000 tickets vendus et une recette d’1 million d’euros sur l’ensemble des trois jours, on souffle à l’association. Le préjudice est médiatique, sans conséquence réelle sur le bon déroulement de Solidays. Bien que les conditions climatiques défavorables la semaine précédente n’aient pas permis une prévente confortable. Toutefois, le beau temps cumulé, excepté vendredi, aura permis de rattraper le retard. La rigueur de l’organisation, l’image largement positive des éditions précédentes ont permis de fidéliser ses festivaliers. Peut-être aussi grâce à une programmation plus en adéquation avec le public visé, résolument jeune. Cette année aura marqué une forte orientation rock et chanson française. Profitant de l’engouement général actuel.

Vendredi

 

    40.000 visiteurs auront foulé l’herbe de l’Hippodrome de Longchamp. Les cinq scènes encadrant le village associatif toujours très riche en informations et préventions. En comparaison avec l’affiche du week-end riche de ses 60 concerts, la journée n’aura pas joué les timorées. Notamment grâce à une scène belge particulièrement active et donc dignement représentée. Les Hollywood Pornstars et Ghinzu assénant leur rock fiévreux, Arno obligé de monter la saturation de sa six-cordes pour couvrir une voix parfois hésitante. La réponse française viendra des Deportivo, rockers yvelinois costauds et des incontournables Mickey 3D. Emblématiques du milieu associatif, ces derniers seront accueillis à hauteur de leur prestation, dans la presque intimité du Dôme. Le public jeune fera une fête à ses représentants. Les new-yorkais de Morgan Heritage ainsi que les français de Sinsemilla apporteront la touche reggae aussi indispensables du festival. Attendue en tête d’affiche et adoubée par le Ministre de la Culture, Patti Smith sera faite Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres. Pour cette unique date française, la rockeuse profitera pour se lever contre l’industrie pharmaceutique, mise en cause dans l’accès aux traitements des populations touchées par le sida.Samedi

 

 Le festival trouve sous le soleil son rythme de croisière et cultive son éclectisme de foire qui sait recevoir mais aussi dispenser les prises de conscience. L’accent est mis sur le travail de terrain des associations locales venues du monde entier. D’Europe de l’Est, d’Asie, d’Amérique du sud et surtout d’Afrique. Le pays le plus touché par la maladie.

Tous en blanc les AS Dragon ne trouveront curieusement pas leur public. "Vous avez du son devant ? Je ne vois personne danser !" haranguera Natasha, la chanteuse déjantée. Le public, curieux, ne se manifestera qu’après quelques salves. Le groupe vient-il de trouver la limite à son rock érudit ? Moins référencés, les franco-camerounais de Umkulu distilleront avec ferveur un cocktail world de percus, saxophone et didgeridoos. Le chapiteau de la scène Forum Solidarité sida s’enivre sur leurs boucles hypnotiques. Plus tard, Bumcello et Les Ogres de Barback appliqueront une recette tout aussi foutraque et diablement efficace. Le duo batterie/guitare s’autorisant un final d’improvisation totale, mêlant blues gras et samba, jouissif de liberté maîtrisée. "Ça fait plaisir de jouer sur une grande scène", personne ne dira le contraire. Technique et bon esprit festif, "C’est Solidays" feront justement remarquer Les Ogres. "C’est l’orgie" ajoutera un festivalier dreadlocké. Dans un registre moins décadent mais incandescent, Saez, l’icône ado démontrera son savoir-faire dans le déroulée d’ambiances magnétiques. Dressé d’un costume noir, chemise blanche et cravate rouge graphique, il développe ses harmonies lancinantes et incantatoires. La cérémonie montera crescendo avec des morceaux plus rock, portés par une voix trop souvent nasillarde. Le public apprécie. La soirée se clôture avec les forces conjointes de Garbage, des Têtes Raides, du Peuple de l’Herbe et La Rue Kétanou.

Dimanche

 

    C’est dans la salle close et forcément surchauffée du Domino que le festival donnera ses meilleures surprises. Ridan tout d’abord que l’on attendait dans un répertoire intime guitare/voix. Galvanisé par l’affluence sous la tente, il dévoile une rage en marge de son  disque. Communicative. La salle ne le laissera partir qu’après deux rappels soutenus et rappés. Plus tard, Camille créera l’émeute. Une grande partie des festivaliers mettent un point d’honneur à applaudir la jeune chanteuse et se bouscule à l’entrée. Fantasque, maîtrisant l’espace scénique comme son jardin, son répertoire tachycardique riche en onomatopée met les spectateurs à ses pieds. Elle clôture dans un dernier élan rassembleur : "Putain, c’est vachement bien, on est quand même tous des européens." La prochaine fois en anglais pour y croire peut-être un peu plus. Les touristes viennent-ils à Solidays ? De son côté, Calogero tente un maladroit "Que la force soit avec la médecine et la recherche." L’intention y était. Pas chez tous les artistes. Symboliquement, le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly mettra fin à ces trois jours de festivités responsables.