Fais tourner
"Boîtes à chansons" chaleureuses et de salles de concert surexcitées, la ville de Jacques Cartier s’est imposée comme une grande capitale musicale. A Montréal, la musique est partout, mais la meilleure jaillit des enceintes des disquaires. Ceux-ci se sont regroupés dans deux quartiers très proches. Promenade dans la rue St-Denis et sur le plateau Mont-Royal alors que démarre la 17e édition des Francofolies.
Montréal, royaume du disque d’occas’
"Boîtes à chansons" chaleureuses et de salles de concert surexcitées, la ville de Jacques Cartier s’est imposée comme une grande capitale musicale. A Montréal, la musique est partout, mais la meilleure jaillit des enceintes des disquaires. Ceux-ci se sont regroupés dans deux quartiers très proches. Promenade dans la rue St-Denis et sur le plateau Mont-Royal alors que démarre la 17e édition des Francofolies.
Avenue du Mont-Royal, au croisement Saint-Hubert, les disquaires se suivent et ne se ressemblent pas. Le premier d’entre eux a pour nom "Fox-Troc". "Ici, rien au-dessus de 12$ (*) !", lance fièrement Alain, la cinquantaine vaillante. Sur les 10.000 titres dans les bacs, où l’ancien (caché) se mêle au très récent (en vitrine), beaucoup ne dépassent pas même les 2$. Les bandes originales sont à prix d’or : celles de Twin Peaks et de Reservoir Dogs se monnaient 8 "pièces" (8 dollars). Juste à côté s’ouvre "La Bouquinerie du Plateau". A Montréal, tous les genres se mêlent, les disquaires font bouquinistes, les bouquinistes font disquaires, "ainsi va la vie qui va !" chante le Québécois Jean Leloup. Dans cette quasi-bibliothèque, quelques disques valent toutefois le détour.
Sur le même trottoir, à quelques pas, LA référence s’appelle "Le Marché du disque". Comme la plupart des commerçants du quartier, Louis a ouvert il y a 15 ans, quand le Plateau a attiré jeunes et moins jeunes, artistes et touristes. L’intérieur respire la perle rare. Les chineurs, babas et bobos, ne s’y trompent pas, qui rendent l’accès périlleux ... Le prix est légèrement plus élevé (5 à 15$) qu’ailleurs, mais si les habitués sont légion, c’est qu’il y a une raison. Ce secret bien gardé vit au sous-sol, vaste caverne d’Ali Baba de la galette. Derrière un minuscule comptoir, un fin connaisseur vous fait miroiter des 45 tours originaux d’Elvis à 50$ et des milliers de 33T entre 1 et 12$, qu’il tire de cartons ouverts sur commande. En tout, des dizaines de milliers de références, toutes écoutables sur place.
Au mitoyen "Tuyau musical", le rangement fourre-tout vous garantit un bon torticolis. Au diable les cervicales quand on peut se régaler les oreilles ! Avec sa section enfants très bien garnie et ses Pink Floyd à 10$, "Le tuyau", c’est surtout l’occasion de parfaire ses connaissances musicales à peu de frais. Si vous êtes tentés de visiter le Québec, quoi de plus sympathique que de le faire en écoutant les artistes du cru, à découvrir dans la case "Compils Québec" ? Plus loin, l’entrée presque carcérale de "L’échange" risque de vous rebuter. Pas grave, l’intérieur n’offre rien d’affriolant. Privilégiez plutôt sa voisine, "Au Tourne livre", où les disques tutoient en bonne entente de vieux Larousse !
Célinothèque !
Après tant de réjouissances dans un tel mouchoir de poche (pas plus de 100 mètres de long), vous avez bien mérité une petite pause. La grimpette jusqu’au belvédère du parc Mont-Royal (une forêt en pleine ville !) s’impose pour le pique-nique. Pour l’histoire, c’est ici que Jacques Cartier, débarqué le 2 octobre 1535, baptisa le lieu Mont-Royal. Par extension, celui-ci devint ... "Montréal".
Après les généralistes, vous arrivez, rue Saint-Denis, sur les terres de spécialistes. Au chapitre de la déco d’intérieur, "Primitive" obtient la palme avec sa double nef de planches rouges. Sur le créneau de la soul et du r'n'b, c’est une des boutiques les plus célèbres du monde, en particulier pour ses 45 tours introuvables, une nouvelle fois à petits prix. En tout, près de 50.000 vinyles ! Parmi lesquels quelques classiques, tels de vieux duos Dutronc-Hardy. De l’autre côté de la rue, les 25.000 disques du "3809" (numéro de l’immeuble) réservent aussi de belles surprises. Plus loin, en redescendant en direction de "la" Sainte-Catherine, dégourdissez vos ouïes chez "Beatnick", un vrai disquaire, vinyle et sérieux !
Un peu plus au nord, une boutique discrète, "Francophonies", vous aura peut-être échappé. Les patrons, champions de la musique francophone à Montréal, sont français. Les Clerc, comme Julien qu’ils adorent, se prénomment Nathalie et Guy. En mai 2003, leur passion du Québec et de la chanson française s’est concrétisée avec l’ouverture du magasin. Si vous cherchez des airs de Serge, Eddy ou Sheila, vous êtes à la bonne adresse. Le couple a réussi en deux ans à faire de cette boutique un haut-lieu des rencontres franco-québécoises, notamment au moment des Francofolies de Montréal. En outre, impossible de parler de "Francophonies" sans évoquer sa "Célinothèque" ... "On en rêvait, on l’a fait !" exulte Guy. Admirateurs de Céline Dion, forts d’une impressionnante collection de 10.000 pièces consacrées à leur idole (disques, articles, couvertures de magazine ...), le couple lui a consacré tout le fond du magasin. Partageurs, ils reçoivent des fans du monde entier à la recherche de tel ou tel disque. Comme celui que Guy nous dévoile avec la précaution qui convient à une relique : Dion chante Plamandon, enregistrement de 1991, 150$. Décidément, il y a de tout chez les disquaires de Montréal !
(*) 1 euro = 0,61 dollar canadien. Donc un disque à 10 dollars revient à 6 euros. Attention toutefois aux taxes locales, qui majorent à la caisse tous les prix de 15 % environ.
Boutiques avenue du Mont-Royal Est (toutes sur le " trottoir Nord ") :
Fox-Troc : 819 ; La Bouquinerie du Plateau : 799 ; Le Marché du disque : 793 ; Le Tuyau musical : 783 ; L’Echange : 713 ; Au Tourne-Livre : 707
Boutiques rue Saint-Denis, Montréal, Québec :
Primitive : 3830 ; " 3809 " : 3809 ; Beatnik : 3770