TREMPLIN JAZZ DU FESTIVAL D'AVIGNON
Ils sont assez rares pour le signaler. En effet, alors que les tremplins rock ou chanson sont pléthores, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le jazz. L'initiative du Festival de jazz d'Avignon est donc à signaler, avec le rendez-vous annuel du Tremplin Jazz, ouvert sur l'Europe et piloté par Michel Eymenier. Rencontre avec un passionné.
Les jeunes talents du jazz à l'heure européenne
Ils sont assez rares pour le signaler. En effet, alors que les tremplins rock ou chanson sont pléthores, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le jazz. L'initiative du Festival de jazz d'Avignon est donc à signaler, avec le rendez-vous annuel du Tremplin Jazz, ouvert sur l'Europe et piloté par Michel Eymenier. Rencontre avec un passionné.
Créé en 1992, le Festival de jazz d’Avignon s’est imposé au fil de ses quatorze éditions, sans démesure, en s’appuyant sur la participation exclusive de bénévoles. De quelques centaines de spectateurs, ce rendez-vous de fin juillet/début août accueille désormais plus de 8.000 spectateurs ! Avec un budget de moins de 200.000 euros de budget, Avignon Jazz ne figure pourtant pas, loin s’en faut, dans les poids lourds (f)estivaliers. Si la réussite peut s’expliquer par une programmation qui respecte toutes les tendances actuelles du jazz, du plus électronique au tout acoustique, la clef du succès est surtout le Tremplin, un concours organisé pour les talents à découvrir avec un jury de professionnels (médias, musiciens, organisateurs de spectacles…) venus de toute l’Europe. Un Jury présidé en 2005 par le Norvégien Bugge Wesseltoft, qui a récompensé un jeune groupe venu de Budapest. Bilan et perspective, avec Michel Eymenier, le directeur de ce festival pas tout à fait comme tout autre.
Comment l’idée d’un Festival de jazz à Avignon est-elle née ?
Tout est parti d’une discussion autour d’un verre. Nous étions trois à la création du festival : Alain Pasquet, saxophoniste et directeur d’un centre culturel qui programmait du jazz sur la région, Jean-Paul Ricard, responsable de l’AJMI, très identifié sur les musiques improvisées en Avignon, et moi, qui venais de revenir au Conseil général après une expérience dans la Communication. Pour la première édition, le festival était hébergé dans un centre culturel, et puis nous avons pu bénéficier de l’aide des collectivités territoriales qui ont proposé de nous installer dans un square. Trois ans plus tard, en 1996, la Ville nous a ouvert les portes du cloître des Carmes, une véritable scène qui a permis d’étoffer la programmation et surtout un lieu magique où nous sommes toujours.
L’axe fondateur reste le Tremplin jazz, concours français devenu européen depuis ?
Jusqu’aujourd’hui, cela le reste. Pendant dix ans, nous avons prospecté exclusivement sur les nouveaux talents français. Et puis au moment où Avignon est devenue capitale européenne, nous avons répondu à un appel à projets en proposant de monter un concours à l’échelle du continent, ce qui nous a également offert la possibilité de proposer les deux concerts d’ouverture dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Ce concours, l’un des seuls structurés au niveau européen, est ce qui nous différencie du reste des festivals. Au départ le premier prix était une petite tournée organisée par la DDM. Et dès que nous avons pu, nous avons décidé de repositionner les dotations en réfléchissant aux besoins d’un jeune groupe : la notoriété sur scène et le disque. D’où le Grand prix qui permet au groupe de jouer l’année d’après lors du concert d’ouverture dans la Cour d’honneur et d’enregistrer, ainsi que de mixer, un disque au studio La Buissonne, l’un des meilleurs en Europe sur le jazz qui se situe non loin d’Avignon, à Pernes-les-Fontaines.
Le renforcement de la dimension européenne est-il l’objectif principal à moyens termes ?
Tout à fait. Nous travaillons actuellement à la construction d’un solide réseau qui nous permette très rapidement de renforcer la détection des groupes en amont et d’installer une tournée européenne sur les différents pays partenaires en aval. Notre intention est de coller au plus près à la réalité du terrain, une ambition difficile. Jusqu’en 2003, notre pré-selection ne reposait que des candidatures spontanées. Cette année, nous avons reçu des candidatures de dix-sept pays. Aujourd’hui nous avons six ou sept correspondants en Europe, qui permettent d’identifier de manière très locale les talents. La Belgique et la Norvège, qui ont envoyé plusieurs dizaines de dossiers tout sauf farfelus, sont ainsi nos deux pays tests. L’objectif est d’en compter une quinzaine dans les trois prochaines années. Il s’agit de tisser un maillage plus fin, en bénéficiant de l’expertise de personnalités reconnues dans leur pays. Aujourd’hui, Nous pourrons dès lors organiser des demi-finales sur place, une grande préselection avant la Finale à Avignon. L’Europe est notre horizon, à tous les niveaux. C’est pourquoi nous avons décidé de renouveler le Jury, bien moins franco-français. En 2005, certains membres étaient originaires de Suisse, de Norvège, d’Italie, du Danemark…
S’agissant du Tremplin, quel est le bilan en termes artistiques ?
Beaucoup de jeunes talents français qui font aujourd’hui l’affiche sont passés à Avignon : Manu Codjia, Matthieu Donarier, Alban Darche, Geoffroy Tamisier… ou plus près de nous le pianiste belge Pascal Shumacher. Ce qui tend à prouver que nous sommes une bonne pépinière. Depuis que nous sommes passés au niveau européen, le concours a pris une autre envergure et nous avons pu constater en direct les résultats des politiques culturelles menées dans les pays nordiques. L’exemple de la Norvège est le plus frappant : leurs jeunes talents sont nombreux, dans des esthétiques différentes, et ils séduisent aussi bien le public que le jury. Il y a beaucoup de qualité et de maturité !
Comment analysez-vous l’attribution du Prix du public, du jury et du soliste au quartet du Hongrois Gabor Bolla, un saxophoniste ténor de tout juste seize ans ? La prime à la jeunesse ?
IL y a trois choses à relever quant à ce prix : il récompense un ex-pays de l’Est, où il est évident que le vivier de jeunes talents est très important. Cela va sans doute motiver les futures candidatures des pays de l’Est comme cela le fut le cas pour la Norvège où suite au Prix d’interprétation et au Grand Prix, nous avons reçu beaucoup de projets l’année suivante. Ce prix est aussi la prime à la jeunesse, c’est vrai, surtout pour ce saxophoniste qui est très prometteur et dont on reparlera pour sûr s’il ne s’égare pas en chemin. Et puis, ce quartet a joué la carte de la générosité, ce qui a payé. Ils avaient un vrai plaisir de jouer, doublé d’un réel sentiment d’urgence. Le jazz, quoi !
LE TREMPLIN 2005
Grand Prix : Bolla Quartet (Hongrie)
Prix du meilleur instrumentiste : le pianiste Robert Lakatos (Hongrie)
Prix de la composition : Jarle Gatta de Bjorn Vidar du trio Solid ! (Norvège)
Prix du public : Bolla Quartet (Hongrie)