Alternatifs et résistants

Toujours décalés, souvent provocateurs, La Souris Déglinguée, Gogol 1er et Jad Wio restent en 2005 aussi atypiques qu’ils l’étaient à leurs débuts. Aucun de ces trois groupes n’a jamais décroché la timbale en or mais tous persistent à faire vivre l’esprit qui animait le rock alternatif français dans les années 80.

Le retour de ceux qui ne sont jamais partis

Toujours décalés, souvent provocateurs, La Souris Déglinguée, Gogol 1er et Jad Wio restent en 2005 aussi atypiques qu’ils l’étaient à leurs débuts. Aucun de ces trois groupes n’a jamais décroché la timbale en or mais tous persistent à faire vivre l’esprit qui animait le rock alternatif français dans les années 80.

      “Sur scène et dans les caves où elle répéta, La Souris fut peut-être le premier groupe de rock’n’roll français (jusque là, dans le meilleur des cas, on n’avait guère connu que des groupes franchouillards).” Extrait de la bio de La Souris Déglinguée (LSD) rédigée en 1990 par le journaliste et écrivain Laurent Chalumeau. Ce compliment bien tourné, qui suffit à décrire une réalité difficilement imaginable pour ceux qui n’ont pas vécu ces années-là, est révélateur de l’état d’esprit d’une génération. “La Souris ne se désigna aucun modèle anglo-saxon”, poursuivait-il. “Le rock, ses membres durent le réinventer, plutôt que l’apprendre ou le décalquer (…). La Souris joue le rock que lui dictent son histoire et son environnement. Pas celui qu’elle entend à la radio.” Quinze ans plus tard, soit un quart de siècle après la création du groupe, rien n’a changé.

International Raya Fan Club

Notre nouvel album qui arrivera avant la fin de l’année ressemblera à tout ce qu’on a fait depuis 25 ans”, affirme Taï-Luc, le leader du groupe lysergique. Pionnier ? Précurseur ? Peut-être, mais il ne semble pas porter grand intérêt à ces adjectifs. Disponible depuis la fin de l’année dernière, 25 ans aligne sur un double CD/DVD l’intégrale des sessions du studio Casanova, le film d’un concert à Toulouse en décembre 1982 et en bonus sur une troisième rondelle, Haine, Haine, Haine, le premier 45 tours paru en 1979. Aujourd’hui, Internet facilite les échanges et le groupe en profite pour renforcer les liens entre les membres de son International Raya Fan Club, une jeunesse urbaine mondiale. “Nous sommes de retour d’une tournée au Vietnam et Cambodge, où l’on a joué pour la télé dans un stade devant 40.000 personnes. Ça n’a rien coûté au contribuable ici, ce n’est pas non plus une étape dans un plan de carrière. Juste une histoire de connexions entretenues, de fans, d’amis.”

Chansons dangereuses, nouvelle croisade du rock en soutane

 

 Si le feu qui brûle en lui évoque plus l’enfer que le paradis, Gogol 1er escorté de sa Horde repart en croisière avec Chansons dangereuses dont la sortie officielle aura lieu le 11 septembre. “C’est une croisade de plus”, reconnaît celui qui n’a pas le hasard choisir la date de sortie. “C’est un combat positif, vers du mieux. Je n’ai jamais tué personne et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça ne m’arrive jamais”, avance l’homme en robe qui se souvient de ses débuts en 1982 : “Tu montais sur scène sans savoir jouer. Tu montrais ton sexe et ça le faisait. Ça m’a donné et me donne encore beaucoup de bonheur. Mais je n’ai désormais plus besoin de subterfuges pour me présenter devant mon public. Faire de la musique est aujourd’hui ma seule drogue, mon énergie positive. On nous a leurrés avec toutes ces histoires. J’aurais bien aimé que Jimi Hendrix ou Janis Joplin vivent encore pour écouter ce qu’ils pourraient créer en 2005. La drogue est peut-être un des moteurs du rock’n’roll, mais c’est un moteur polluant.” Gogol n’a pas perdu son sens de la formule. Souvent apparemment simplistes à l’image des gimmick punk sur lesquels il les couche, ses propos prennent de l’épaisseur avec le temps. “Je me suis construit au fil des deux dernières décennies. Dur de ne chanter que “J’encule mon père, j’encule ma mère”, quand toi même, tu as des enfants. Si je n’avais pas eu des notions de philo, je ne serais peut-être plus là”, remarque-t-il avant d’ajouter :“Le but de la vie ne consiste qu’à choisir le jour de sa mort. BB, lui n’a pas vraiment choisi le sien. Il est parti plus vite que Gainsbourg le 9 février dernier, emporté par un cancer des poumons, premier fléau en France devant le sida et les accidents de la route.” BB était le chanteur, guitariste et auteur-compositeur des Porte-Mentaux, autre fameux groupe des années énervées, des années 80. C’est pour lui que Gogol sera sur la scène parisienne du Bataclan le 8 septembre, avec d’autres artistes de la même mouvance réunis sous le nom de la Ligue Rock. Les bénéfices de ce concert non-fumeur seront reversés à des associations de lutte contre le cancer.Toxic-pop du troisième millénaire

 

    C’est par la scène que nombre de ces groupes sont nés, c’est là qu’ils ont livré le meilleur d’eux-mêmes. C’est aussi grâce à la scène que Jad Wio, groupe affilié à la scène batcave à ses débuts en 1985, s’est réveillé d’un long sommeil. Trois shows parisiens en 2004 ont suffi à rallumer une flamme pas vraiment éteinte. “Depuis 2000, je travaillais sur de nouveaux titres, sans me fixer de véritables objectifs. De toutes façons, pour Jad Wio j’ai toujours pris le temps de peaufiner les titres, de conceptualiser les albums, de leur choisir avec précisions les couleurs, les ambiances, les saveurs”, confie Denis, le fondateur et leader de Jad Wio. Attendu le 6 septembre, Nu Cle Air Pop sera célébré sur scène le 12 novembre à Strasbourg dans le cadre d’un imposant festival gothique, puis trois jours après à La Cigale (Paris). “Je vis chaque album comme un moment à part, proche dans l’idée de la Zone Autonome Temporaire décrite par Hakim Bey. A chaque fois, c’est une remise en question, une avancée sur un fil avec une petite équipe de gens, de fidèles avec qui je travaille pour certains depuis pratiquement le début.” Sa nouvelle aventure musicale irradie un univers qu’il définit comme “toxic-pop”. “Ce n’est pas tant par amour de la chose toxique, que pour dénoncer la chose telle qu’elle est”, répond Denis. “Aujourd’hui, ce qui est toxique, c’est le monde dans le lequel on vit. Ce qu’on boit. Ce que l’on mange. Ce que l’on respire”, précise-t-il. Avant de conclure :“J’ai toujours voulu être un sage.”

La Souris Déglinguée 25 Ans (Last Call/Wagram)
Gogol 1er
Chansons dangereuses
Jad Wio Nu Cle Air Pop (Exclaim !/Warner)