Livres et notes d'automne

Pour la rentrée, RFI Musique vous propose une sélection de quelques livres sur l’univers des musiques populaires francophones, de la biographie d’Enrico Macias à l’essai au vitriol signé par André Halimi, en passant par une expédition au coeur de la planète French Touch.

Le monde de la musique vu de l’intérieur

Pour la rentrée, RFI Musique vous propose une sélection de quelques livres sur l’univers des musiques populaires francophones, de la biographie d’Enrico Macias à l’essai au vitriol signé par André Halimi, en passant par une expédition au coeur de la planète French Touch.

Dans l’intimité de la French touch

 

 Stéphane Jourdain, dont le carnet d’adresses est très bien fourni, raconte de l’intérieur l’histoire de la French touch, avec un document solide et touffu. De Daft Punk à Mr Oizo, de Motorbass à Air, il explique les racines, les connexions, les coups de chance et les coups de génie d’un groupe informel de jeunes gens qui se connaissent tous plus ou moins, sans pour autant oeuvrer ensemble. Des pionniers des raves en France à la rouerie commerciale des années 2000, il apporte à chaque épisode des éléments peu connus, des éclairages pertinents et souvent insolents. On goûtera ainsi le récit de la naissance de la “Versailles connection” et de son “rap sans rappeurs”, ou celui de l’explosion de Music Sounds Better With You de Stardust, mais aussi le mea culpa d’Etienne de Crécy disant sans détour : “Ce qu’on a fait, ce n’est pas le truc qui nous faisait vibrer au début.” Ecrit alors que la vague French touch retombe, mais alors que tous les témoins sont encore présents et les souvenirs très frais, un document à conserver.

French Touch, par Stéphane Jourdain, CastorMusic, 192 pages, 9 €.

Eternelles turpitudes du show business

 

 En 1959, un petit livre secoua le monde du disque et de la chanson française au point que son auteur, le jeune journaliste André Halimi, perdit son emploi à Paris-Match. Il y dénonçait les marchands de soupe, les plagiaires, les cyniques d’un art qu’il aimait passionnément et défendait avec furie lorsqu’il était incarné par Georges Brassens, Guy Béart ou Boris Vian. D’ailleurs, les deux premiers signaient les deux préfaces d’On connaît la chanson ! et le troisième participait à une passionnante table-ronde sur “le métier”, comme on disait à l’époque. Ce livre, que beaucoup de passionnés de chanson ont cherché chez les bouquinistes, est réédité à peu près tel quel (un chapitre a été retiré, qui stigmatisait certains puissants du show business d’alors). Le plus fascinant avec ce livre est de découvrir que les mêmes travers, les mêmes turpitudes et les mêmes vices existent des décennies avant la Star Ac’ et la toute-puissance supposée des majors du disque, des décennies avant les “hautes rotations” des tubes les plus médiocres et les ravages du formatage. Avec ses naïvetés, ses coups de colère et son credo en faveur de la chanson d’auteur, un livre férocement rafraîchissant.

On connaît la chanson !, par André Halimi, L’Harmattan, 210 pages, 19,50€.

Avec Roda-Gil

 

 Philippe Crocq et Alain-Guy Aknin ne s’en cachent pas : ce livre aurait dû être une manière d’autobiographie, de longue conversation avec Étienne Roda-Gil, mais la mort du plus célèbre parolier français, en juin 2004, a mis fin à l’entreprise. Il restait le récit d’une vie, des phrases que Roda-Gil jetait sur lui-même sans souci de bienséance ou de correction politique. Munis de ce viatique, ils explorent sa vie avec une familiarité exigeante. Et les compagnons des premières années de Roda-Gil en chanson, à commencer par Julien Clerc lui-même, témoignent avec une affection attentive et franche. Ces années pendant lesquelles une nouvelle chanson française s’invente sont ici décrites avec une attention prenante. Le livre aborde plus vite les années 80-90, au cours desquelles la puissance de Roda-Gil dans le paysage de la variété française est à son sommet, tandis qu’il connaît de rudes épreuves personnelles. Un livre admiratif mais honnête, d’une ferveur constante.

Etienne Roda-Gil, le maître enchanteur, par Philippe Crocq et Alain-Guy Aknin, Flammarion, 18,90 €.

Enrico Macias, en toute complicité

 

 Gérard Calmettes aime Enrico Macias avec la passion du cousin – tumultueuse, enthousiaste, joyeuse, volontiers emphatique. Il consacre au chanteur un livre qui n’est pas seulement une biographie. À chaque étape de la vie de Gaston Ghrénassia, il explique, éclaire, analyse. Aux coups d’oeil à l’Histoire, il ajoute une analyse méticuleuse des relations entre Enrico et son public – parfois chanson par chanson, couplet par couplet. La trame discrète et tenue de ce livre attachant est l’histoire d’amour entre la France et le chanteur qu’elle qualifie de pied-noir (c’est seulement avec l’exil consécutif aux accords d’Évian que ce juif de Constantine sera assimilé aux descendants des colons européens). Bleu du ciel et ciel gris, soleil d’un pays déchiré et grisaille d’un pays paradoxalement chaleureux : la méditation est souvent jolie.

Enrico Macias, rien que du bleu, par Gérard Calmettes, Christian Pirot éditeur, 160 pages, 18 €.