Le Lyon Calling Tour

Vingt-cinq dates, dix-sept pays visités, dont l’ex-Yougoslavie, la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque, trois tour-bus, deux tonnes de matériel et trente-quatre personnes sur la route. On ne parle pas de quelconques Rolling Stones ou Oasis, mais du Lyon Calling Tour, qui du 1er septembre au 9 octobre 2005 sillonne l’Europe avec la crème des groupes hybrides nationaux, tous originaires de la métropole lyonnaise, Le Peuple de l’Herbe, High Tone et Meï Teï Sho.

Le Peuple de l’Herbe, High Tone et Meï Teï Sho en tournée

Vingt-cinq dates, dix-sept pays visités, dont l’ex-Yougoslavie, la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque, trois tour-bus, deux tonnes de matériel et trente-quatre personnes sur la route. On ne parle pas de quelconques Rolling Stones ou Oasis, mais du Lyon Calling Tour, qui du 1er septembre au 9 octobre 2005 sillonne l’Europe avec la crème des groupes hybrides nationaux, tous originaires de la métropole lyonnaise, Le Peuple de l’Herbe, High Tone et Meï Teï Sho.

 
Le Lyon Calling Tour est une première, à une telle échelle, pour des groupes français. Qu’ils mixent machines et instruments live comme Le Peuple et High Tone ou jouent intégralement en direct comme Meï Teï Sho, les trois groupes ont ce goût en commun pour le métissage des styles et des formes. Electro hip-hop, dub et drum’n’bass, afro-beat jazzy, tous les croisements sont bons dans le groove et le succès est au rendez-vous. Les trois groupes totalisent des centaines de concerts et près de 100.000 albums vendus par an, tout en conservant une indépendance revendiquée et synonyme de liberté d’action. Autre point commun, avoir tous plus ou moins officié chez Jarring Effects, le collectif lyonnais farouchement indépendant et multiformes : locaux de répétition, studio, management et organisation de tournées, festival Riddim Collision, label.

Si l’impulsion du Lyon Calling Tour (clin d’oeil au London Calling de Clash, référence majeure du métissage musical) est venue de la volonté des groupes eux-mêmes, la logistique du périple, lourde et complexe, a été assurée par l’équipe Jarring, secondée par les bordelais de Zoo Booking. Ainsi, après un an de préparation, la caravane s’est ébranlée pour une tournée héroïque à travers l’Europe qui se clôturera début octobre en Irlande. En plein débat constitutionnel, dans une Union semblant taillée pour les marchands et faisant globalement fi d’une vision sociale et humaine, il paraissait pertinent à ses instigateurs de proposer une vision alternative de la réalité des échanges. La volonté affichée fut de s’appuyer au maximum sur des collectifs locaux indépendants, de renforcer ainsi leur légitimité et de bénéficier de leur travail de terrain pour réunir partout un public réceptif aux bonnes vibrations. Car si l’idée est de générer des rencontres et de partager des expériences fortes, il s’agit également de faire la fête, de vriller les têtes.

Début de la tournée

 

    D’emblée, la traversée de la Suisse des squats a permis de constater la vigueur toujours renouvelée des utopies libertaires et autogestionnaires à l’origine de ces lieux. Public en nombre, conditions techniques parfaites, les musiciens et techniciens de l’aventure ont mangé là leur pain blanc avant la route des Balkans, nettement moins rodée à l’accueil de groupes et qui plus est parsemée d’embûches douanières. Zagreb tout d’abord, et son club alternatif en périphérie de la cité croate. Quatre cent personnes semblant sorties de nulle part, découvrant pour la plupart les trois groupes et reparties suantes et secouées après une soirée à prolongations. Ljubjana ensuite, splendide capitale slovène, dont l’isolement culturel semble extrêmement pesant aux jeunes gens rencontrés, malgré tout hilares et écarlates en fin de nuit.

Puis plongée en Bosnie, toujours marquée par cinq années de guerre civile, avec trois dates chargées de symboles : Banja Luka, fief des serbes bosniaques, Mostar, ville divisée entre croates et musulmans et enfin Sarajevo, cité martyre, assiégée durant trois ans par les serbes. Concerts d’une rare intensité, sous la bannière multiculturelle du collectif POP, basé à Banja Luka mais entretenant des liens forts avec des organisations de jeunes à travers tout le pays. Sans nul doute des moments qui resteront à jamais gravés dans les mémoires. Banja Luka reprenant les "peace and love" de Meï Teï Sho dans des choeurs à s’en exploser les cordes vocales, les murs en ruine de Mostar résonnant des basses de High Tone et du Free Education de MTS braillé à tue-tête. Que dire de Sarajevo et d’un No Escape du Peuple de l’Herbe appelant à l’échappée belle des corps, repris comme une chanson révolutionnaire dans un délicieux frisson de délire ? Des dizaines de jeunes gens venant accoster musiciens ou n’importe quel membre de la troupe pour raconter quelle expérience rare ils viennent de vivre, quelle motivation ils retirent de ce simple défoulement total des corps et des esprits.

Energie à Sarajevo

 

 Fatigués par les kilomètres et les conditions très précaires des concerts, les Lyonnais ne pouvaient qu’être transportés et galvanisés par de tels retours et donner des concerts d’anthologie, sur scène mais également autour. A Sarajevo, il fallut construire la scène et installer tout le son dans un squat aux vitres brisées planté dans un terrain vague. Puis, salle pleine à craquer de 500 personnes en furie, cris montant comme la houle à chaque accélération de tempo, conseiller culturel de l’Ambassade de France venu féliciter toute l’équipe, sincèrement impressionné par l’ampleur de l’opération, effacèrent les galères. C’était bien le moins devant l’énergie et le dynamisme d’une partie de la jeunesse bosniaque impatiente de tourner la page de la haine et affichant, bravache, ses idéaux de tolérance, de paix et de respect des autres. Des valeurs primordiales et fondatrices pour les musiques métisses du Lyon Calling Tour, poursuivant son équipée folle sur une Belgrade elle aussi très réceptive aux plaidoyers pacifistes. La route jusqu’à Dublin est encore longue et la trentaine de nomades risque bien d’en voir encore de toutes les couleurs, mais les souvenirs entassés en vrac en traversant "l’ex-yu" garderont un parfum inévitablement singulier, celui de l’espoir.