L'autre vie d'Amadou & Mariam

Bien avant de connaître le succès cette année avec Dimanche à Bamako, Amadou et Mariam ont enregistré une série de cassettes dont certains titres sont aujourd’hui réunis sur 1990-1995 Le meilleur des années maliennes. Cette compilation donne un aperçu du répertoire qui a servi de socle à leur popularité en Afrique de l’Ouest.

La carrière africaine du couple malien

Bien avant de connaître le succès cette année avec Dimanche à Bamako, Amadou et Mariam ont enregistré une série de cassettes dont certains titres sont aujourd’hui réunis sur 1990-1995 Le meilleur des années maliennes. Cette compilation donne un aperçu du répertoire qui a servi de socle à leur popularité en Afrique de l’Ouest.

Amadou l’a écrit, Mariam le chante : "Kobè yé wati yé" ("Chaque chose en son temps"). La compilation dite des "belles années" est arrivée ! Et le moment semble donc venu de raconter, non pas une histoire, mais l’Histoire du couple, complice dès leur première rencontre en 1975 à l’Institut des jeunes aveugles à Bamako. Composée de seize titres triés sur le volet, la compilation 1990-1995 Le Meilleur des années maliennes pioche dans les cinq premières cassettes enregistrées par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia. L’ensemble des productions a été réalisé par Aliyu Maïkano, la plupart à Yopougon, la grouillante banlieue au nord d’Abidjan, la capitale économique de la Côte-d’Ivoire.

Premiers succès

      

Enregistrés au studio ADD, les Volumes 1 & 2, arrivent simultanément sur le marché fin 1988. À chacun son problème et Téré La Sèbè tournent en boucle sur la FM de Radio Côte-d’Ivoire. Le couple occupe régulièrement les plateaux de la télé. Il tourne en 1989 dans toutes les grandes villes ivoiriennes : Abidjan, Daloa, Gagnoa, Divo, Sinfra, Man, Bouaké, Korhogo… Partout, il gagne les cœurs. La télévision, la radio, les gares routières, les casse-croûtes à ciel ouvert, les dancing des hameaux, les sonos des fêtes de quartier, tous diffusent à longueur de journée les compositions proverbiales du couple venu du Mali. Leurs textes parlent d’humilité, de prise de conscience, d’humanisme, d’engagement et d’optimisme.

Attendries par ces complaintes tressées d’enseignements de la foi populaire des Bamanans (ou Bambaras) au Mali, toutes les chaumières admirent la force transcendante et la prose d’Amadou et Mariam. Un succès presque inespéré accueille leur formule minimaliste voix et guitare. À l’issue de cette tournée, ils regagnent les studios. Cette fois, sur certains morceaux, le duo intègre basse, batterie, claviers et enregistre une bonne fournée de titres au studio de James Scot, qui est à l’époque le chef et clavier de l’orchestre de la Radiodiffusion télévision ivoirienne.

Deux nouvelles productions arrivent sur le marché fin 1989 : Le couple aveugle du Mali, Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, volume 3 et volume 4. Les titres Kanasson ou Bêni Dakan explosent dans toutes les émissions de variété de la radio nationale. Le couple séduit tout le pays dans Afrique étoile, célèbre émission de la télévision. Des salles de quartier au Palais des congrès de l’hôtel Ivoire en passant par le Centre culturel français, Amadou et Mariam occupent à nouveau la scène et les média ivoiriens. Leur succès ne cesse de croître et de déborder dans les pays voisins, jusqu’au Mali, leur terre natale. En 1993, Maïkano poursuit la série et produit une cinquième cassette, enregistrée cette fois à Bamako, au studio Oubien.

Un radiocassette pour enregistrer

Ce que propose 1990-1995 Le Meilleur des années maliennes relève donc plus des années ivoiriennes que maliennes. Les compositions ont été écrites et jouées depuis des lustres à travers le Mali, mais pour la plupart c’est en Côte-d’Ivoire qu’elles ont été fixées. Et des bords de la lagune abidjanaise, elles ont rayonné sur toute la région ouest africaine.

 

    Ce franc succès au pays de l’ivoire est l’aboutissement de plus d’une décennie de pratique initiée à l’Institut des jeunes aveugles du Mali à Bamako. C’est là qu’ils scellent leur destin dès 1976 au sein de l’Eclipse, l’orchestre de l’établissement. Amadou, guitariste attitré de la formation, encadre les instrumentistes. Mariam, la chanteuse principale, dirige les chants et la danse. Avec l’ensemble artistique de l’institut, ils sillonnent le Mali : Kayes, Ségou, Sikasso, Mopti… Partout, ils démontrent par le théâtre, la musique et les ateliers que, malgré la cécité ou n’importe quel autre handicap, il est possible d’accéder à l’éducation et s’épanouir. Ils assurent leur mission de sensibilisation jusqu’en 1985, et décident à ce moment-là de quitter l’institutionnel pour une carrière professionnelle en s’installant l’année suivante en Côte-d’Ivoire, épicentre de l’industrie musicale de toute la région.

Déjà, leurs noms avaient commencé à circuler sur la scène africaine : en 1984, ils avaient signé le tube Djama sur le premier 33 tours (If You Came to Go) de l’Ivoirienne Nayanka Bell, chanson que l’on peut (re)découvrir aujourd’hui dans sa version originale sous le nom de Kobè Yé Watiyé. Aliyu Maïkano les découvre un peu plus tard dans une émission de variété d’un animateur-fouineur qui leur a fait faire six morceaux au studio de Radio Côte-d’Ivoire. Après les avoir auditionnés, le producteur enregistre une vingtaine de chansons à l’aide d’une radiocassette dans sa cour, au milieu des clameurs du quartier du cinéma Kabadougou à Yopougon. Ainsi débute en 1988 le deuxième épisode de l’odyssée d’Amadou et Mariam relaté en partie par Le Meilleur des années maliennes.

Après la tournée malienne de 1991, le duo ne retournera plus à Abidjan. En 1994, l’homme d’affaire malien Sékou "Vié" Minta fait jouer les deux musiciens pour la première fois en France, au restaurant Farafina et à Saint-Denis, en banlieue parisienne. L’aventure française ne commence véritablement qu’en 1998 avec Sou Ni Tilé, suivi par deux autres albums. Puis, c’est la rencontre avec Manu Chao et ce fameux Dimanche à Bamako

Amadou & Mariam 1990-1995, Le meilleur des années maliennes (Because Music/Wagram) 2005