La moustache de Mr Oizo
Homme d’images et de sons à qui l’on doit le phénoménal Flat Beat, Mr Oizo revient avec Moustache (Half a Scissor), un opus déstructuré et intrigant, voire irritant. Oeuvre magistrale d’un véritable provocateur, d’un génie avant-gardiste ou "foutage de gueule" signé par un gai -luron farceur. Ce nouvel opus offre dix-sept plages et tout juste trente-huit minutes et six centièmes pour se faire une idée.
Nouvel album déstructuré et intrigant
Homme d’images et de sons à qui l’on doit le phénoménal Flat Beat, Mr Oizo revient avec Moustache (Half a Scissor), un opus déstructuré et intrigant, voire irritant. Oeuvre magistrale d’un véritable provocateur, d’un génie avant-gardiste ou "foutage de gueule" signé par un gai -luron farceur. Ce nouvel opus offre dix-sept plages et tout juste trente-huit minutes et six centièmes pour se faire une idée.
En 1999, Mr Oizo, déclaré dans les registres de l’état civil sous le nom de Quentin Dupieux, pondait en tout juste deux heures et en toute liberté le projet de bande son d’un spot publicitaire pour une marque de jeans qu’il partait mettre en boîte dans la foulée à Los Angeles. Ce brouillon, cette base de travail à peine retravaillée, s’est écoulée depuis sa sortie au printemps de la même année, à plus de 3 millions d’exemplaires. De quoi faire pâlir d’envie tous les besogneux du beat, tous les laborieux de la musique assistée par ordinateur. A l’automne suivant, Mr Oizo piaffait de bonheur et installait dans les bacs, Analog Worms Attack, son premier long format réalisé comme son nom l’indique sur du matériel analogique. Bien que plus raisonnable, le succès était encore au rendez-vous.
Asphyxiant
Quoiqu’il en soit, Mr Oizo après ce premier envol, se fera plus discret. Un remix de-ci de-là, et l’oiseau Oizo rentre dans son nid. "En 2001, j’ai auto-produit et tourné un film ou plutôt un non-film" confie-t-il. "Ce film n'a pas eu d’exposition. Même, les festivals n’en ont pas voulu. Je l’avais fait dans mon coin, sans en parler à personne. Mieux vaut impliquer les distributeurs dès le départ pour avoir une chance ensuite" analyse-t-il, aujourd’hui. "Il sera peut-être disponible en DVD, un jour" ajoute Quentin Dupieux qui ne cherche pas à camoufler derrière ce numéro zéro, les raisons de sa lenteur. "La vrai raison est que j’ai modifié complètement mon studio, revu entièrement mon installation pour un tout binaire. Il m’a fallu quatre ans pour dominer les ordinateurs, quatre ans pour arriver à trouver mes repères, pour adapter ma méthode de travail, pour que ma musique retrouve sa personnalité."
Il est clair que ce nouvel opus ne manque pas de personnalité. Au contraire même, comme toute moustache qui se respecte, il serait presque irritant. Trop touffu pour avoir la sophistication de la fine ornementation qui ourle la lèvre supérieure d’un Clark Gable, Moustache se peigne en moins de 40mn chrono. "Depuis que mon nouveau studio est opérationnel, j’ai fait beaucoup de musique. Mais pour Moustache, je n’ai souhaité en présenter que les moments forts. Souvent, la musique électronique est chiante, pénible car longue à se mettre en place. C’est un problème structurel. Musique de club par définition, il faut laisser de la place, de l’air pour que le DJ puisse mixer" commente le producteur qui n’a conservé que la crème de son travail. "C’est un album dense, presque étouffant, asphyxiant" articule-t-il avec précaution pour qu’aucun cheveux insidieusement glissé sur la langue ne vienne démolir son discours.
Insupportable
Pour Laurent Garnier, producteur et co-responsable de F.Com, Moustache est tout simplement "insupportable". De quoi ravir son créateur qui préfère ça à n’importe quel commentaire mièvre ou formule alambiquée et apprêtée. "Insupportable, mais c’est génial de le sortir" aurait précisé le DJ, avant de donner son feu vert. Aujourd’hui en bac, Moustache est à prendre tel quel. "J’ai essayé de retrouver la magie de la création de Flat Beat, quand tu ne calcules rien. J’ai fait jusqu’à trois morceaux par jour. Ce n’est pas simple de ne plus réfléchir. Juste le titre est suffisamment obscur pour contrebalancer cette légèreté. Ça crée un mystère. Chacun peut y mettre ce qu’il veut" évoque ce drôle d’oiseau qui saute de branche en branche, ravi d’atteindre avec cet album ce point de rupture. "Ou bien je suis allé au bout de mon truc ou Laurent est trop vieux" clame-t-il. Dans un cas comme dans l’autre, Moustache n’est pas un opus de trop.Touche-à-tout
Faiseur d’images en mouvement, Quentin Dupieux travaille actuellement sur long métrage au générique duquel figureront Eric et Ramzy. "Comme les pubs, ça sera de l’art populaire, pas trop arty, mais pas racoleur, pas vulgaire non plus, une sorte d’expérimentation que ces deux comiques m’aideront traduire auprès du public. Il devrait sortir avant l’été 2006" annonce ce touche-à-tout qui aime bien rire, avant d’ajouter : "Si on ne prends pas en compte l’humour quand on écoute ma musique ou quand on visionne mes films, ça peut-être très chiant". Tout est dit.
Mr Oizo Moustache (F.Com) 2005