20 ANS AVEC LES YOUNG GODS
Du balai les instruments, place aux nouvelles technologies. En 1985, avec cette formule, les Young Gods révolutionnent un rock apathique. Après deux décennies et cinq disques, le trio suisse sort sa première compilation XXY. L’occasion de se rendre compte de l’importance du groupe dans l’évolution de la musique actuelle.
Les pionniers du rock électronique
Du balai les instruments, place aux nouvelles technologies. En 1985, avec cette formule, les Young Gods révolutionnent un rock apathique. Après deux décennies et cinq disques, le trio suisse sort sa première compilation XXY. L’occasion de se rendre compte de l’importance du groupe dans l’évolution de la musique actuelle.
Au milieu des années 80, le rock est en disgrâce. Pire, il piétine, se répète. Guitariste émérite, Franz Treichler, décide d’abandonner sa six cordes. Accompagné de Cesare Pizzi et Frank Bagnoud, il lance les Young Gods et sa formule inédite pour l’époque : un chanteur, un batteur et un sampler. Grâce aux nouvelles technologies encore balbutiantes, ils vont régénérer le rock à papa. Ils reprennent des séquences sur des albums de métal et de classique, y intègrent des sons concrets comme des coups de feu ou des cris de mouettes. Franz pose sa voix tour à tour aérienne et rugueuse, la batterie insufflent la vie. Leur premier album éponyme est élu Disque de l’année 1987 par le magazine anglais Melody Maker. Avec le deuxième L’eau rouge, ils s’offrent une tournée aux Etats-Unis.
Groupe de scène, les Young Gods surprennent. Franz s’en amuse : "On avait pas mal de fans du côté de la scène métal qui connaissaient nos disques mais sans avoir lu la composition du groupe. Ils ont été déçus en nous voyant parce qu’ils ne retrouvaient pas de guitares mais c’est ce que, justement, nous trouvions intéressant. Quand tu as un instrumentiste, tout devient prévisible, tu sais quand le guitariste va partir sur le refrain. Avec un sampler, le public ne sait jamais quel élément va sortir, c’est ce qui nous plaisait, cette surprise. C’est aussi pour moi, un des bons côtés du rock, quelque chose d’anti-conservateur à la base, qui ne voulait pas accepter un ordre établi et qui n’avait pas peur de le gueuler haut et fort. Quand tout commence à faire école, et que le rock devient une institution, un produit, je pense qu’il est bon de le remettre en question d’une manière ou d’une autre. Tout en sachant que l’objectif reste de faire de la bonne musique."
De Kurt Weill à Marilyn Manson
XXY n’est pas un testament, loin de là. Les titres ne s’enchaînent pas selon leur chronologie mais leur ambiance. Un néophyte n’y verra que du feu. Faisant fi des époques, il voyagera entre le très rock Gasoline Man, l’aérien Child in the tree et le sinistre Charlotte. L’occasion de se rendre compte de l’inventivité d’un groupe qui a influencé des pointures actuelles comme les Américains de Nine Inch Nails ou encore Marilyn Manson. Pionniers, les trois Suisses puisent pourtant leur inspiration dans la musique des années 70, voire même bien avant. En 1991, Al Comet a repris en main le sampler, les Young Gods sortent un album de reprises du répertoire de Kurt Weill. "Avec Berthold Brecht, il a été le précurseur de la pop. La musique sonne cabaret, c’est chanté à la limite du juste, les paroles sont un constat social avec dans l’ombre, la montée du nazisme. C’est un peu comme ça que je vois notre groupe : expérimental mais populaire."
Les artistes contemporains influencent aussi Franz, c’est grâce au Belge Arno qu’il décidera, dans un premier temps, de chanter dans la langue de Molière : "C’était la découverte de quelqu’un qui sans complexe pouvait chanter en français sans que ça sonne trop variété, il y avait un truc qui venait des tripes." Au gré des voyages et des rencontres, il intègre aussi l’anglais dans son répertoire. Une manière de toucher un plus large public. Et ça marche en 1992 avec l’album Only Heaven. Le titre Kissing the sun fait un carton.
Les "bienfaits" des drogues
Depuis avec, Second nature, et Music for artificial clouds, les Young Gods ont quelque peu calmé le jeu, en s’orientant vers une musique plus ambient. Avec un concept clé : le lucidogène. "Ce serait une drogue qui rendrait les gens lucides plutôt que de les abrutir, explique Franz. Dans nos sociétés dites moderne, la plupart du temps, les drogues sont utilisées pour fuir la réalité. Alors que dans des sociétés dites primitives, elles servent essentiellement à amener du savoir, résoudre des problèmes, soigner des gens." Cette idée lui est venue lors d’un voyage en Amazonie alors qu’il accompagnait une ONG. Depuis le groupe anime une conférence musicale : il propose des atmosphères ambient avec des sons enregistrés directement dans la forêt. En parallèle, l’anthropologue Jérémy Narby explique tout le bien que l’on aurait à apprendre de cette science dite primitive des tribus vivant en Amazonie.
Rarement une bonne idée, les compilations servent le plus souvent à rentabiliser un fond de catalogue. XXY est tout le contraire, il s’agit d’une porte d’entrée dans l’univers des Young Gods, un groupe qui ne cesse d’innover. Maintenant que le chemin est déblayé, vous pouvez vous plonger sans crainte dans leur discographie en attendant leur sixième album prévu au début de l’année 2006. Un retour à une musique plus rock comme l’augure Secret, l’inédit qui ouvre XXY.
The Young Gods XXY (XX ans 1985-2005) (Pias) 2005