Bénabar

Bénabar, le clown mélancolique livre plus d’intimité qu'auparavant dans ce nouvel album intitulé Reprise des négociations. Plus touchant, mieux orchestré, l’enfance est au centre. Sa paternité récente le plonge dans les souvenirs de l’époque où tout se décide, où rien n’est anodin. Musicalement décomplexé et abouti, ce quatrième album fait les comptes.

Reprise des négociations

Bénabar, le clown mélancolique livre plus d’intimité qu'auparavant dans ce nouvel album intitulé Reprise des négociations. Plus touchant, mieux orchestré, l’enfance est au centre. Sa paternité récente le plonge dans les souvenirs de l’époque où tout se décide, où rien n’est anodin. Musicalement décomplexé et abouti, ce quatrième album fait les comptes.

 

 Pourquoi ce titre ?
Ça m’amusait d’emprunter un peu au vocabulaire syndicaliste. J’aime le décalage pour parler d’un album. C’est aussi une façon d’admettre que la sortie d’un disque est une négociation avec les gens, pour qu’ils aiment les chansons. Par rapport aux chansons plus sérieuses, j’étais content de ce titre déglingué.

Certains morceaux sont épurés. Vous parlez pour la première fois de mélancolie à la première personne dans Triste compagne, Bénabar aujourd’hui s’assume ?
C’est vrai, certains morceaux sont plus légers, aérés. Les contrastes plus importants que sur les précédents, notamment au niveau des cuivres. Ils ont plusieurs couleurs relatives à des époques différentes. Les Beatles par exemple. Dans mes textes, j’ai essayé aussi de ne pas me réfugier systématiquement derrière un second degré ou clôturer par une pirouette. Parler à la première personne sans s’abriter derrière une autre, c’est sans doute un signe.

Les thèmes sont plus personnels, notamment celui de l’enfance. Il vous a été soufflé par votre récente paternité ?
C’est vraiment venu comme ça. Je ne m’en rends pas compte à l’écriture. Je traite chanson après chanson, sans recul. Ce ne sont pas des questions que je me pose.

 

    Les arrangements sont référencés, vous empruntez des accents aux chanteurs français des 60’s ... C’est une façon de s’inscrire dans la tradition ?
J’ai un rapport assez complexe avec la modernité. Je ne crois pas par exemple qu’un accordéon soit passéiste et une boucle électro moderne. Bien au contraire parfois. Musicalement, je l’aime quand elle est techniquement discrète.

Dans les textes vous regardez beaucoup en arrière, être père vous a-t-il rendu nostalgique ?
Oui mais je ne crois pas du tout que c’était mieux avant, par exemple. Au contraire, je suis très heureux aujourd’hui.

Avez-vous peur de l’oubli ?
Je crois beaucoup à la mémoire, c’est très important. J’adore l’histoire par exemple. La chanson Maritie et Gilbert Carpentier est une façon de rendre à César ce qui lui appartient, à Joe Dassin aussi. Il ne faut pas toujours de grands mots pour exprimer d’où l’on vient. Ce quatrième album est un bilan, l’occasion de renvoyer des ascenseurs. Cette nouvelle chanson française que je ne défends pas tellement sert aussi à rappeler qu’il y en avait d’autres avant, pas si loin et encore vivants.

Comme l’image, la chanson sert-elle à la mémoire?
Je crois qu’elles marchent ensemble. Sur Maritie ... C’est évident de voir des rouflaquettes, des chemises ringardes. Avec Hendrix, c’est le Vietnam qui te saute aux yeux. La musique peut parfois être la BO des actualités, elle marque la conscience ou l’inconscient. Je me suis d’ailleurs aperçu que le titre, Maritie et Gilbert Carpentier, est comme une madeleine de Proust, un nom que j’avais retenu. Au même titre que Leonid Brejnev, il fait partie de mes noms incantatoires. C’est une sorte de clef à ouvrir des souvenirs.

 

 Maritie ... parle de télévision en chanson, c’est une façon de réunir vos deux passions, image et musique ?
C’est vraiment une façon de voir les choses et de les raconter. Les chansons peuvent évoquer quelque chose de sensuel ou d’animal. Ecoute Bashung et sans pour autant comprendre la phrase, des choses apparaissent. Il y a un jeu entre l’abstrait et le figuratif. Pour l’instant, je suis dans le second. Je trouve agréable d’être pris par la main et se laisser raconter une histoire. J’aime me mettre en perspective des grandes chansons françaises, académiques, narratives.

Le Cahier de solfège clôt l’album sur une note de folie, on vous sent perdre pied parmi vos souvenirs ...
La mettre en clôture du disque est venu naturellement. C’est parti d’un exercice de style un peu littéraire que je n’ai pas l’habitude de faire. Après on en a profité pour faire une chanson psychanalytique autour du passé. Toutes ces choses pourtant issues du passé qui composent le présent, dont on sent encore les répercussions.

Pour le coup, le morceau caché Christelle est un exutoire ...
C’est vrai que ça manquait un peu de légèreté. En même temps je n’assume pas vraiment ce que je j’y dis parce que c’est décalé par rapport à l’album. Mais j’ai cédé à mon côté potache, le genre de truc rigolo qui sort de nulle part.

 

Bénabar Reprise des négociations (Sony-BMG) 2005
En tournée à partir de février 2006