Sapho reprend Ferré Flamenco
La chanteuse Sapho revisite avec maestria le répertoire de Léo Ferré en concert. Accompagnée d’une guitare flamenca et de percussions, elle donne corps avec profondeur et humour aux textes et mises en musique de l’intemporel Léo.
Belle profondeur de chant...
La chanteuse Sapho revisite avec maestria le répertoire de Léo Ferré en concert. Accompagnée d’une guitare flamenca et de percussions, elle donne corps avec profondeur et humour aux textes et mises en musique de l’intemporel Léo.
La salle affiche complet. Plusieurs personnes sans ticket sont venues quand même dans l’espoir d’un désistement, mais en vain. Ce vendredi soir, un public hétéroclite se masse dans la salle et s’installe. Sur scène, Vicente Almaraz, guitariste flamenco, prend place. Sapho surgit de l’ombre. Elle chante les mises en musique de Léo Ferré des poèmes d’Aragon, de Verlaine, Rimbaud ou Baudelaire.
Poésie humaniste
Pour Sapho, chanteuse rock, diva orientale, écrivain et poète, chanter Ferré, c’est d’abord une réjouissance. "Léo Ferré m’a émue à l’adolescence. Aujourd’hui, je le lis avec maturité, mais disons que j’ai gardé cet élan naïf, cette sincérité dans mon rapport au texte. Et puis Léo Ferré était un homme intègre, qui avait une véritable posture humaniste, une éthique, c’était un homme qui disait non, C’est plutôt d’actualité quand la tendance générale est au cynisme mou."
Les poèmes, forts, profonds, étonnemment actuels et -donc- politiques, interrogent la guerre et ses absurdités (Est-ce ainsi que les hommes vivent ?) ou la différence (L’Etranger de Baudelaire et L’Etrangère d’Aragon). Pour Sapho, militante pour la paix sur les scènes des quatre coins du monde, "nous sommes dans un monde de guerres éclatées, l’état de guerre est là, horrible et insultant pour l’humanité, nous sommes otages de choses absurdes ... ". Ferré avait mis la poésie à la portée de toute une génération, Sapho et Vicente Alamraz revisitent par leur fine adaptation cette profondeur du verbe et des notes.
Mais après cette ouverture autour de Ferré et les poètes quasi dramaturgiques, on prend la route du Sud. "Ferré a beaucoup écrit de textes sur l’Espagne. Quand j’ai réflechi au spectacle, je ne voulais pas juste chanter Ferré, mais rajouter une couleur musicale, et le flamenco s’est imposé à moi très naturellement". Qu’à cela ne tienne, ce sera donc en terre d’Espagne que s’écriront les adaptations musicales.
Couleur flamenco
A partir de l’improvisation de guitare de Vicente Almarraz, qui fait figure d’interlude entre les deux parties du spectacle, on bascule côté gitan. Les arrangements et le sublime jeu de Vicente Almaraz incarnent l’esprit d’un Ferré andalou. Sapho, généreuse, emplit de son chant la salle. Voix, guitare flamenca, percussions, le tout est pourtant dépouillé : "je voulais quelque chose de nu, insiste Sapho, qu’on entende correctement la puissance de l’ensemble". Et la légère profondeur du légendaire duo Jean-Roger Caussimon-Léo Ferré avec des titres pleins de gouaille comme le Flamenco de Paris, l’Espoir ou le Bateau Espagnol. "Léo Ferré est un latin qui jette son chant, sans avoir peur. Il n’a jamais eu peur de se risquer, il n’a jamais fait deux fois la même chose".
On réalise qu’au-delà de la poésie ou de l’engagement c’est aussi cette volonté d’innover qui rapproche aussi Sapho de Léo, elle qui a tenté à peu près tout, et qui n’a pas fini d’essayer. "Oui, souligne-t-elle, d’ailleurs l’histoire du spectacle c’est aussi un peu l’histoire d’un défi, d’un coup de tête. J’avais plusieurs projets dont celui-là mais sans penser du tout que ce serait le premier à se réaliser. J’en parle à une copine, qui me met au défi de le réaliser. Je m’y suis mise, en pensant qu’on ferait une ou deux dates, et puis en fait, tout le monde prend du plaisir. C’est un vrai moment de luxe, un cadeau qu’on se fait". Une jouissance très lisible entre les musiciens, Sapho, et le public, qui circule dans la salle et donne au spectacle tant de cachet.
Un cachet parisien et tellement argentin avec un drôle et entraînant Temps du Tango, ou une farce désuète Monsieur Williams. Et puis viennent les grands classiques de Ferré, c’est Comme à Ostende, La Chambre ou Avec le temps, chanté en français, puis en arabe marocain. "C’est incroyable car je l’ai mieux chanté après la traduction en arabe. Pour bien incarner ce titre, j’ai dû passer par le chemin andalou". Une promenade à travers la Méditerrannée, Paris et la poésie qui se déclinera en disque dans les mois à venir, mais aussi en tournée dans plusieurs villes de France et selon Sapho, dans plusieurs "endroits improblables" du monde.
Jusqu'au 20 novembre à la Maison de la Poésie (157 passage Molière 75003 Paris)