Jane Birkin en Russie

Concerts à Moscou et Saint Petersbourg

Jane Birkin, qui a longtemps refusé de venir se produire en Russie malgré les nombreuses demandes des producteurs russes, a donné deux concerts à Moscou et Saint Pétersbourg les 17 et 19 novembre derniers. Cette venue en Russie, chargée de sens à plusieurs titres, pourrait être le point final de la tournée du spectacle Arabesque, commencée il y a trois ans.

Jane Birkin, la "légende vivante", comme l’appelle la presse russe, avait prévenu les organisateurs : "Je ne viendrai en Russie que si l’on me donne la possibilité de rencontrer Memorial et le Comité des mères de soldats". Memorial et le Comité des mères de soldats sont deux associations indépendantes, chargées pour l’une de la défense des droits de l’homme, et pour la deuxième, de la protection des jeunes soldats notamment ceux envoyés en Tchétchénie.

 C’est accompagnée de la présidente du Comité des mères de soldats, Mme Valentina Melnikova, que Jane Birkin a donné son unique interview radio : une heure de direct sur les ondes de la radio d’opposition Echo de Moscou. Quelques heures avant son concert, elle a pu y exprimer tout son soutien pour l’organisation, et a également été interrogée sur les récents évenements dans les banlieues francaises, sujet largement couvert par les media russes.

Après avoir visité le musée de l’association Memorial, Jane Birkin a souhaité donner une conférence commune avec le président de Memorial, M. Sergueï Kovalev. Devant une quarantaine de journalistes réunis dans le petit café Krylov, sur l’étang des Patriarches à Moscou, Jane Birkin a de nouveau expliqué aux micros le sens de sa venue : "Si j’ai accepté de venir en Russie malgré mes convictions politiques, c’est parce que j’aime ce pays, j’aime sa culture, sa littérature, j’aime son peuple. Serge Gainsbourg était issu d’une famille juive russe, ce qui donne à ce voyage une charge affective supplémentaire". "Avec Arabesque, explique la chanteuse, nous avons parcuru le monde entier. Si la tournée se finissait en Russie, pays d’origine de Serge, j’estimerais que la boucle serait bouclée." En tant qu’Anglaise vivant en France, Jane Birkin a répété qu’elle ne venait en aucune manière "juger" la politique russe d’un oeil extérieur ; son seul souhait étant d’ouvrir le dialogue, et de donner une tribune aux deux associations qu’elle soutient. Elle a cependant avoué "être prête à recevoir des tomates pendant ses concerts".

Après avoir donné la parole au président de Memorial, Jane Birkin a clos sa conférence de presse par la lecture d’une lettre ouverte au Président russe Vladimir Poutine, devant des journalistes plutôt perplexes.

A Moscou, concert a guichets fermés

Jane Birkin est une légende vivante, connue en Russie, bien sûr pour avoir été l’épouse de Serge Gainsbourg, mais également pour ses rôles au cinéma, notamment dans les films où elle joue aux côtés de Pierre Richard... En dehors d’une escale a l’aéroport Sheremetevo 2 avec Serge Gainsbourg lors d’une tournée, Jane Birkin n’était jamais venue en Russie. Ses concerts dans les deux villes russes, pourtant très vivantes culturellement, représentaient donc un des événements majeurs de cette fin d’année. Plusieurs magazines moscovites ont consacré leur une à la plus française des Anglaises, une couverture médiatique a la hauteur de l’amour fidèle du public russe pour ce personnage mythique. La veille du concert au club B2, il ne restait plus une place en vente, malgré des prix allant de 60 a 170 euros. Du rarement vu.

Jeudi soir, sur la scène du B2, pas de politique, et pas de tomates. Jane Birkin apparaît en tenue simple, et de sa voix douce, commence à envoûter le public, écoutant dans un silence religieux les chansons de Gainsbourg interpretées par sa muse à la facon orientale. La grâce de ses mouvements, sa proximité physique avec le public, ses anecdotes sur Serge Gainsbourg racontées tour à tour en français et en anglais, avec parfois quelques phrases en russe, tiennent le public en haleine pendant presque deux heures, passées debout et compressé. Le concert s’achève avec la Javanaise, interprétée par Jane Birkin sans ses trois musiciens, mais accompagnée par le public murmurant cette mélodie ancrée dans les coeurs.

Après une très longue séance d’autographes donnés depuis la scène, Jane Birkin rentre dans sa loge. Elle retiendra de ce jour la bonté et la candeur des visages aperçus ce soir, et cette phrase de Lena, son habilleuse : "Merci d’être ce que vous êtes, merci de dire ce que vous dites".