Henri Texier, Aldo Romano et Louis Sclavis

Pour ce troisième (et dernier ?) album consacré à ses impressions africaines, le trio mythique Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier s’est inspiré des clichés noir et blanc de l’ami et complice Guy le Querrec. Commentaire du premier sur le travail du dernier. 

African flashback

Pour ce troisième (et dernier ?) album consacré à ses impressions africaines, le trio mythique Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier s’est inspiré des clichés noir et blanc de l’ami et complice Guy le Querrec. Commentaire du premier sur le travail du dernier. 

Le Leica en bandoulière, on pouvait voir le photographe Guy Le Querrec un soir de novembre dernier, circuler à travers les rangées de la Cigale à Paris. Soudain, il s’arrête, regarde, déclenche. Encore et toujours, il photographie ses trois "frères" : Aldo Romano à la batterie, Louis Sclavis aux hanches et  Henri Texier à la contrebasse. Car lui, joue de l’appareil photo. Une expérience initiée il y a quinze ans. Pour rappel, Guy Maurette, créateur de La Semaine du jazz à Brazzaville, souhaitait monter une tournée de musiciens français en Afrique, lorsque Guy le Querrec lui a suggéré de réunir les trois "monstres sacrés". C'est ainsi que va débuter l'aventure de Romano, Sclavis et Texier. Ils vont sillonner six pays d’Afrique centrale pendant trois semaines. Au retour, ils composent un premier album Carnet de routes, enrichi de 50 photographies de Le Querrec, un disque qui rencontre un succès exceptionnel auprès du public. Trois ans plus tard, ils reprennent la route tous les quatre pour Suites africaines, cette fois en Afrique du Sud et en Afrique de l’Est, et c’est encore un formidable succès public, meilleure vente jazz de l’année 95.

 

Cette fois, ce n’est pas l’idée de reprendre la route qui a dominé, mais plutôt celle de clore le triptyque, sans se répéter. Et c’est encore Guy Le Querrec qui a trouvé le motif : ses trente ans de reportages photographiques en Afrique. Le photographe a sorti ses cartons de rouleaux et ses planches contacts, pour se plonger dans son Afrique en noir et blanc. Il a retenu et proposé quatre images à chacun des musiciens, sources d’inspirations pour autant de compositions. Pour Louis Sclavis, la question n’était pas de quel pays vient la photo et qui sont les gens, mais plutôt, quelle émotion exprime cette image, quelle atmosphère pouvait-il créer pour lui répondre musicalement ? Il nous explique comment il a abordé chacune de ces photographies.

Three children
"Lorsque Guy a commencé, il y a trente ans, à photographier les Africains, il faisait des plans larges, de loin... Peu à peu, il a vaincu sa timidité, noué des relations avec les gens, et fini par s’approcher. Aujourd’hui, il est surnommé "le griot blanc", c’est pour dire s’il a réussi à gagner la confiance de ceux qu’il rencontre régulièrement. Il a su appréhender et apprécier la diversité culturelle des Afriques. J’aime cette photographie de ces trois enfants qui partent sur le chemin. C’est gai et très mignon. On les voit marcher, comme s’ils sautillaient. C’est pourquoi je leur ai composé cette petite "chanson", qu’ils pourraient fredonner en se baladant..." 

 

    Dieu n’existe pas


"Cela n’engage que moi ! Mais parfois la détresse et la douleur de certains Africains qui manquent de tout m’amène à le penser. C’est l’image du désordre, d’un immense cloaque, de l’abandon, du bidonville boueux... Un chien qui passe, un enfant de dos... Une immense tristesse et l’envie d’écrire une mélopée d’une mélancolie infinie comme dans Fort Alamo m’envahit. Avez-vous vu le documentaire Le cauchemar de Darwin qui dénonce l’exploitation implacable de la population tanzanienne, le commerce de la perche du Nil et le trafic d’arme, c’est ce même sentiment."

Le long du temps
"C’est un ensemble thématique de photographies consacrées aux rails, aux routes et aux fleuves. Ce sont des paysages désertiques, calmes, qui nous transportent dans un temps parallèle au nôtre. C’est aussi une évocation de ce que je ressens quand je suis au bord de l’eau, d’un lac ou de l’océan : une douce sensation de torpeur. Encore une fois, c’est moins la géographie du lieu que l’atmosphère qui en émerge qui m’intéresse. C’est le temps...suspendu."

Derrière le sable
"Là aussi, il y a un ensemble de photos dédiées au travail en Afrique. Des images un peu à la Salgado, le photographe brésilien "concerné". On voit tout un tas de gens en train de suer dans un nuage de sable avec ces énormes machines qui tournoient comme un personnage diabolique. Le morceau est effectivement très "scandé" par la batterie d’Aldo Romano, et par la contrebasse de Henri Texier. Moi aussi dans ma manière de souffler, je ne suis que pulsion. On sent le mouvement des corps qui doivent y aller, qui transpirent. C’est le mouvement des corps, des moteurs, appuyés par le son des trompes. C’est un peu...violent. "

African flashback est donc un album à écouter et à regarder. C’est aussi Romano, Sclavis, et Texier à retrouver en tournée, en corps à corps avec leurs instruments, dans une telle communion avec le public...qu’une fois encore, ça va cartonner !

Henri Texier Aldo Romano Louis Sclavis African Flashback (Label bleu) 2005