Les Têtes raides
Après plus de quinze ans de vie commune, les Têtes Raides reviennent avec un nouvel album Fragile. Coproduit par Denis Barthe, le batteur de Noir Désir, Fragile est un album éclectique à l'image du nombre d'intervenants : Didier Wampas, Rachid Taha, le groupe Punk néerlandais The Ex, Romain Humeau. Les Têtes Raides s'amusent, essayent des pistes inexplorées et n'hésitent pas à casser leur image de groupe rock-musette.
Fragile
Après plus de quinze ans de vie commune, les Têtes Raides reviennent avec un nouvel album Fragile. Coproduit par Denis Barthe, le batteur de Noir Désir, Fragile est un album éclectique à l'image du nombre d'intervenants : Didier Wampas, Rachid Taha, le groupe Punk néerlandais The Ex, Romain Humeau. Les Têtes Raides s'amusent, essayent des pistes inexplorées et n'hésitent pas à casser leur image de groupe rock-musette.
Ce soir-là, c’était à leur tour de monter sur la scène du chapiteau. Les Têtes raides étaient au Festival du Vent à Calvi en octobre, gracieusement comme tous les artistes qui soutiennent ce festival hors du commun, axé sur les droits de l’homme et l’écologie. Des prises de conscience et des débats qui conviennent à l’engagement citoyen des huit compères qui avaient déjà été à l’origine du mouvement Avis de K.O. social, fin 2003. Dans les coulisses, Christian et Grégoire sont allongés à même le sol, concentrés et détendus à la fois. Sur une table basse traîne la pochette de Fragile, ce nouveau-né qui sortira quelques jours plus tard, illustré comme tous les précédents par le collectif des Chats Pelés.
Un neuvième album studio donc pour des vieux routards du métier. Mais cela n’empêche visiblement pas l’appréhension. "La sortie d’un disque, c’est à chaque fois un moment excitant, explique Grégoire. En même temps que l’on se dépossède, on écrit une nouvelle histoire..." Et le chanteur Christian de renchérir : "Pendant six mois on a fait pratiquement que de la musique pour enregistrer ce disque, c’était devenu une nécessité. Et aujourd’hui on arrive au moment inverse, on a envie de retrouver les concerts et le public." Un public qui risque d’être surpris. Fragile ne contient pas une seule note d’accordéon et l’univers plus dur, plus rock, accueille à bras ouverts, les guitares mis de côté un peu trop longtemps.
Christian sourit : "A l’écriture déjà il y avait cette envie. Reprendre les guitares, rechercher une autre énergie. A un moment donné, on jette les premiers mots, la mélodie, et on prend la guitare parce que physiquement c’est plus ça, parce qu’on va chanter différemment. Et puis comme par hasard, c’est Denis Barthe (ndlr : le batteur de Noir désir) qui co-réalise le disque. Il bossait sur des chansons d’Arno et on a passé deux jours chez lui à Bordeaux. On ne s’en était jamais parlé avant et en sortant de studio, on s’est dit que ce serait bien de bosser ensemble." Mais que l’on ne s’y trompe pas, l’étiquette rock serait trop étriquée pour qualifier cet album. Les ambiances sont multiples : la chanson, la scène réaliste et le punk sont passés par là. L’ensemble sonne très éclectique et Christian acquiesce : "C’est vrai qu’à chaque titre tu changes d’univers. De Latuvu où on ne va pas tarder à tourner dans les boîtes de nuit, tu passes à Boris Vian ou au rock’n roll. C’est un peu les montagnes russes au niveau de l’ambiance. Il y a une singularité à chaque titre qui nous met dans une situation différente au départ." La cohésion est pourtant le fil rouge. Les mixages de Jean Lamoot, la voix de Christian, les cuivres, autant d’éléments qui permettent de ne pas se perdre dans tous les chemins proposés. Sans compter ces trois courts interludes essaimés tout au long du disque et successivement intitulés Je préfère, Je préfère comprendre, Je comprends.
Les Têtes raides ne seraient plus tout à fait les mêmes sans diverses collaborations, et Fragile en propose de nombreuses. Le paroxysme est atteint par le titre Latuvu qui compte l’intervention de cinq autres chanteurs : Rachid Taha, Didier Wampas, Mika Pusse, Jasmine Vegas et le chanteur de The Ex. Ce groupe punk néerlandais est d’ailleurs au grand complet sur plusieurs chansons et souligne un paradoxe quand arrivent les arrangements cordes de Romain Humeau (L’oraison). Un mélange de spontané et de ciselé. "Il y a le quatuor et en parallèle les deux guitares de The Ex, explique Christian. J’aime l’équilibre de ces deux choses, deux univers, deux sons. Le côté dentelle des cordes et The Ex qui arrache des guitares très improvisées puisque c’est une prise jetée comme ça. On est sur des contrepoints, une écriture précise et une interprétation avec une performance. C’est une nouveauté chez nous, on est super content de cette expérience. Le titre De kracht c’est une seule prise aussi, c’est live dans le studio."
Le Fragile des Têtes Raides a donc la force d’oser. Il y a comme une volonté inavouée ou inconsciente de casser les images, de revenir aux sources, de mélanger les étiquettes. Tout en restant eux, reconnaissables mais plus loin, harmonieux et surprenants. "On est assez libre sur tout le disque, on laisse les choses se faire. Il y a quelque chose de plus électrique, plus rock et en même temps il y a de la respiration, de l’air. On se promène, il n’y a pas de stress. Il y a même des gens qui nous ont dit sur des chansons : ouais, c’est pas Têtes Raides !" Christian sourit et on imagine bien que cette exclamation lui fait presque plaisir. "C’est carrément un super compliment ! Je suis content quand on me dit ça. Pour la personne qui le pense, c’est bizarre... la musique c’est large et ça va partout. Il n’y a pas de règles". Tellement peu de règles que les Têtes Raides tiennent à les pousser encore un peu plus loin en lançant un appel à tous les DJs. Ils déclarent haut et fort être preneurs des remixes de Latuvu et attendent avec impatience les résultats proposés. Mais pour l'heure, le groupe est en tournée avec Fragile, à la rencontre du public, comme de bien entendu.
Les Têtes Raides Fragile (Warner Music France) 2005