Les Pyramydes du Tchad

Bien rares sont les groupes tchadiens à tourner à travers le monde. Parmi eux, il y a Pyramydes formé il y a 7 ans, un combo originaire de N'Djamena mélangeant sonorités acoustiques et électriques. Soleil d'Afrique, leur nouvel album qui vient de sortir risque d'être le dernier car la formation vient malheureusement de se dissoudre.

L'aventure éphémère

Bien rares sont les groupes tchadiens à tourner à travers le monde. Parmi eux, il y a Pyramydes formé il y a 7 ans, un combo originaire de N'Djamena mélangeant sonorités acoustiques et électriques. Soleil d'Afrique, leur nouvel album qui vient de sortir risque d'être le dernier car la formation vient malheureusement de se dissoudre.

L’aventure commence par la rencontre de Felki et Adams avec Didi Walker à N’Djamena, la capitale du Tchad. Didi était une sorte de grand frère pour tous les gamins du quartier Mardjandafa. Comme tous leurs camarades, Felki et Adams, après leurs journées d’apprentis menuisiers allaient traîner dans la cour voisine, attirés par le reggae de Didi qui y répétait avec son groupe. Les deux copains étaient plutôt branchés rap. Leurs idoles c’était les Kris Kros. Ils s’identifiaient à ces petits Américains portant casquette, t-shirt et jeans à l’envers. Les garçons d’Atlanta sont certainement le catalyseur qui les conduira à la musique.

      A l’époque, au tournant de la décennie 90, Adams et Felki se disaient : "ces Américains ont le même âge que nous, environ 12 – 13 ans. S’ils peuvent faire de la musique qui marche, pourquoi pas nous ?" Mais c’est par le reggae qu’ils passeront pour inventer leur propre style. "Un jour, je suis allé expliquer au "grand frère" Didi que je voulais devenir musicien. Il m’a tout de suite accepté comme danseur. J’ai tourné avec lui un an avant de proposer à Felki de me rejoindre dans mon aventure. Didi a également intégré Felki à la danse. Tous les deux, nous ne connaissions rien au métier, à part chanter quelques airs traditionnels et tâter des percussions comme tout Africain. On est ensuite passé choristes avant qu’il nous initie à la musique proprement dite. C’est à dire comment développer des accords, composer des textes ou arranger un titre... Son vrai nom, à Didi, c’est Adoum Guissengué Jean Momo, il est Tchado-Camerounais. En fait c’est lui notre véritable maître."

En prenant Adams et Felki sous sa coupe, Didi Walker les aiguille vers une musique substantiellement tchadienne. Il leur trouve un espace de répétition au Lycée Technique commercial de la ville. Le groupe s’étoffe avec l’arrivée de Ousmane, un autre copain de quartier, puis Manga, le neveu de Adams. Ainsi de suite jusqu’à huit membres. Musulmans et chrétiens unis par l’amitié et la même passion pour la musique. Ils adoptent le nom de Pyramydes, proposé par le "grand frère" Didi Walker.

Tous chantent, dansent et chacun joue de plusieurs instruments. Ils ont conscience de la quasi inexistence de la musique de leur pays sur la scène internationale. Mais alors, comment prétendre à la création contemporaine sans rompre le cordon ombilical avec ses racines ? Comme bon nombre de prédécesseurs africains, ils mélangent sonorités acoustiques et électriques. Calebasse, djembé, maracas assurent la rythmique, guitares et clavier des accords mélodiques.

 

 Les textes de leurs chansons soulignent les préoccupations majeures de leurs concitoyens : la tolérance, la réconciliation, la précarité aiguë des enfants contraints à la mendicité. "Au Tchad, explique Felki, les gens sont divisés par les religions. Dans notre groupe, il y a toutes les religions. Nous voulons montrer un modèle de tolérance et d’union. Nous chantons l’amour et la paix entre les fils du même pays. Nous puisons dans le répertoire national pour enrichir nos compositions originales. Parfois, nous reprenons intégralement certaines œuvres du domaine publique. Kounada par exemple se chante pendant les travaux champêtres. C’est une chanson a cappella qu’on retrouve dans plusieurs régions, chez les Massa, les Bananas ou les Kéras". Reprenant Kébéouando, une composition de l’ethnie Sarr au sud du pays, ils la remodèlent à leur goût pour souligner la détresse du Tchad, marqué par les divisions diverses, les années de guerre et de coups d’Etat.

L’enthousiasme et la rage de réussite de Pyramydes sont pénalisés par la précarité de l’industrie musicale. Et pourtant le pays compte des centaines de groupes, de rap, de world ou de tendance africaine. Mais il y a seulement deux studios pour l’ensemble du territoire : celui du Père Fabricio à Sar, au sud, et Electron Tchad à N’Djamena. Les salles de concerts ne courent pas les rues non plus. Le Centre Culturel Français et le Centre Don Bosco du Consulat italien restent les plus abordables financièrement. Le Palais du 15 Janvier est hors de prix. Quand à la Maison de la Culture Tchadienne, elle est tout simplement à l’abandon. En plus, tous ces lieux demeurent concentrés à la capitale.

Le Tchad ne dispose d’aucune société de reproduction mécanique de cassettes ou de CDs. Les artistes se tournent vers le Cameroun voisin ou vont au Nigéria. Ce qui implique des coûts supplémentaires de douane. Il n’y a pas non plus de Société de droits d’Auteurs. Il faut s’adresser à la SACEM ou s’inscrire dans des pays alentours qui en ont créés. Bien entendu, ce vide structurel laisse le champ libre au piratage tout azimut.

Malgré toutes ces difficultés, Pyramydes cultive l’optimisme et l’action : "nous tenons grâce à notre détermination, nos amitiés personnelles et au soutien du Service Culturel de l’Ambassade de France" dit Fekis. "Sans sponsors, nous organisons nos spectacles, nos tournées et assurons une bonne partie de notre distribution nous-même. C’est à ce prix que nous avons produit en 2004 Soleil d’Afrique, notre premier album qui occupe la tête du hit-parade des radios nationales. L’acharnement paie toujours. Sept ans après la création de notre groupe, nous avons quand même pu jouer au Festi-Bikutsi de Yaoundé au Cameroun et tourner en France, à Belfort, Lille et Paris. Notre deuxième album est en chantier. Et sa production sera largement au-dessus du précédent."