L'idéal d'Aubert

La voix de l'ex-Téléphone, celle qui rêvait d'un autre monde, porte à nouveau la beauté des "utopies réalistes" de Jean-Louis Aubert. Toujours entre deux émotions sur son nouvel opus Idéal Standard, elle habille de poésie le quotidien, à travers le spectre éclairé de M. Aubert. Trente ans de carrière mais pas une note amère, de la fraîcheur, des instrumentaux denses et épurés façonnés par l'arrangeur hors pair Gonzales. Sur le mode du tutoiement, Jean Louis rend l'intime universel en partageant sa notion de l'équilibre entre l'idéal et le standard.

Nouvel album de l'ancien chanteur de Téléphone

La voix de l'ex-Téléphone, celle qui rêvait d'un autre monde, porte à nouveau la beauté des "utopies réalistes" de Jean-Louis Aubert. Toujours entre deux émotions sur son nouvel opus Idéal Standard, elle habille de poésie le quotidien, à travers le spectre éclairé de M. Aubert. Trente ans de carrière mais pas une note amère, de la fraîcheur, des instrumentaux denses et épurés façonnés par l'arrangeur hors pair Gonzales. Sur le mode du tutoiement, Jean Louis rend l'intime universel en partageant sa notion de l'équilibre entre l'idéal et le standard.

 

 RFI Musique : Est-il possible qu’un idéal soit standardisé ?
Jean-Louis Aubert

: Derrière ce titre, il y a quelque chose de politique. Si on résume, il faudrait que la création reconnaisse qu’elle dépend du monde marchand mais que dans le même temps, on arrache a ce monde marchand le fait de nous donner des idéaux "standardisés" qui ne nous correspondent pas.

Et si on inverse la question du standard à l’idéal ?
Et oui, le trésor n’est il pas aussi à nos pieds ? D’ailleurs, c’est comme ça que j’ai eu l’idée du titre : Idéal Standard. C’est une marque de toilettes ! Ça fait dix ans que je me demande ce que je cherche entre ces deux mots en regardant la cuvette !
Et puis j’aimerais bien refaire des standards, d’ailleurs ceux qu’on a faits avec Téléphone, on pourrait les appeler des standards Téléphonique! (Il rit.) Pour le reste, seul le temps nous le dira.

Avez-vous peur de refaire les mêmes choses ?
J’ai peur de tout, mais tant que j’ai peur je n’arrive pas à faire. Lorsque je compose, je suis vide. Comme quand tu es dans un parc sur un banc, t’as mangé ton sandwich, observé les oiseaux mais tu ne te lèves toujours pas alors que pourtant tu veux y aller. Et puis vient un moment où tu te lève sans même y penser. C’est ce que je cherche à faire.

Pourquoi avoir convié Gonzales sur l’album?
C’est un océan de musique ce mec. Une espèce de Frank Zappa, il comprend très vite la structure du morceau, les harmonies. Moi je suis un peu brouillon, assez spontané et Richard Kolinka, c’est plutôt un chanteur de batterie. Gonzales a construit la charpente de l’album et moi les tuiles et la mousse ! Le résultat est très épuré, centré sur la voix et la chanson parce qu’il est très solide dans sa construction.

Avez-vous atteint votre idéal ?
Non, certainement pas mais comme j’ai tendance à idéaliser beaucoup, cet album est plutôt un point culminant du moment. Dès que je fini un album je ne l’écoute plus parce que je ne peux plus y toucher, le faire à mon idéal. Je préfère donc l’écouter à travers les impressions des autres.

 

    Le "tu" dans vos chansons est-il pour les autres ou à vous-même ?


La première personne à qui je m’adresse, c’est moi. La deuxième, c’est une forme d’alter ego, des amours et des amis et la troisième, c’est "il", une somme de rencontres que j’énumère dans la dernière chanson, A ceux qui passent. Je pense à un marin qui m’a touché en me disant qu’il écoutait mes chansons alors qu’il faisait le tour du monde en solitaire. Il y a aussi un veilleur de nuit à St Lazare que j’ai vu une seconde il y a trente ans. Je me demande toujours ce que ça lui ferait de m’écouter dans son parking. Et puis comme j’écris beaucoup entre 4 et 5 heures du matin, je pense aux gens qui écoutent seuls la radio la nuit. Je me dis, tout le monde dort, mais est-ce que toi dans ta chambre mansardé, tu m’entends ?

Vous considérez-vous comme un romantique ?
A la treizième chanson, je reprend un poème de Rimbaud Par les soirs bleus d’été, j’irais dans les sentiers... mais dans ma bouche on ne s’aperçoit pas que c’est du XIXe siècle. Je ne me sens pas romantique dans l’exacerbation des sentiments mais plutôt vagabond solitaire.

Proche de la romance alors ?
Oui, parce que j’ai une certaine tendresse pour les autres et en même temps un grand amour de la solitude. Plus je suis seul, plus je suis centré et moins j’ai de jugement, donc plus j’admire. J’aime regarder, observer, que chacun respecte son territoire. Je vais dire une bêtise mais quand Jésus disait "Aime ton prochain comme toi même", il ne disait peut être pas "Aime toi, toi-même, et tu aimeras ton prochain" mais plutôt "Tu aimeras ton prochain comme tu t’aimeras toi même". Le monde est ton miroir. Qu’est ce qu’est le plus important ? Le monde tel qu’il est ? Ou le monde tel qu’on le voit ? La deuxième m’intéresse plus, c’est ma façon d’être idéaliste.

Jean Louis Aubert parsèmera les routes de France de sa sagesse poétique à l’occasion d’une tournée de quatre mois qui débutera à la mi-février 2006.

Jean-Louis Aubert Idéal Standard (Virgin) 2005