L'année "Électro"

Les Daft Punk n’ont pas fait la révolution musicale, mais la relève est bien là. Les mélodies et les guitares s’invitent dans l’electro qui se métisse désormais sans complexe avec le rock (Soulwax, M83), la pop (Sébastien Schuller) ou le dub (Le Peuple de l’Herbe).

Place aux enfants de la French Touch !

Les Daft Punk n’ont pas fait la révolution musicale, mais la relève est bien là. Les mélodies et les guitares s’invitent dans l’electro qui se métisse désormais sans complexe avec le rock (Soulwax, M83), la pop (Sébastien Schuller) ou le dub (Le Peuple de l’Herbe).

L’electro attendait à nouveau les Daft Punk comme ses messies. Et Human After All (Labels/EMI), le troisième album du duo, a plutôt déçu la critique et les fans. Beaucoup ont trouvé que ce disque reprenait un peu trop les ficelles du précédent album, Discovery, avec son hommage au rock FM des années 80. Les Daft Punk ont quand même vendu un demi million de ce troisième opus à l’étranger. On ne peut pas faire la révolution musicale à chaque album… En revanche, une chose est sûre, depuis son deuxième album, le duo a introduit sans complexe des mélodies et des voix dans sa musique. Un phénomène qui s’est généralisé depuis trois ou quatre ans dans la techno avec les Allemands Ellen Alien, DJ Hell ou les Nord Américains Fischerspooner et Tiga. Avec ce troisième disque, Thomas Bangalter et Guy de Homem Christo ont mis les machines de côté et sorti les guitares de leur jeunesse, comme quand ils s’appelaient Darlin’ et pas encore les Punks Nuls.

Ce même goût pour les mélodies et les instruments, on le retrouve chez Vitalic, qui avait justement commis quelques titres sur le très à la mode label International Deejay Gigolos basé à Munich. Le premier album de Vitalic, OK Cowboy (Different/Pias), a surpris à la fois par sa puissance mélancolique et festive, et par sa richesse instrumentale… alors que tout y est électronique. Cet autodidacte de l’ordinateur a placé Dijon, la capitale de la moutarde, sur la carte de la France techno. Et son live musclé confirme aux quatre coins du monde tous les espoirs placés en lui.

À la conquête de la planète

Autre Français habitué des scènes étrangères et des guitares, M83 a conquis cette année le public anglo-saxon, en se produisant souvent à guichets fermés aux Etats-Unis. Le troisième album du duo devenu solo (Anthony Gonzales est M83), Before the Dawn Heals Us (Labels/EMI) atteint à l’export les 50.000 ventes.

Connu à l’étranger surtout par quelques bandes-son de publicités, on attendait Télépopmusik (Catalogue/EMI) au tournant, après le premier album Genetic World. Avec Angel Milk, le groupe s’est permis quelques petits luxes en conviant une chanteuse supplémentaire et un orchestre, tout en conservant ses univers mélodieux et éthérés.

Dans un univers pas si éloigné mais plus pop, Sébastien Schuller est arrivé sans prévenir avec Happiness (Catalogue/Wagram), aérien, majestueux et d’humeur changeante. Les comparaisons avec Radiohead, Pink Floyd ou Air sont flatteuses mais justifiées pour ce premier disque.

Autre Parisienne, Émilie Simon a composé la bande originale du documentaire La Marche de l’Empereur, manchot Empereur s’entend. Le succès du film dans l’Hexagone a poussé les ventes de ce second disque (Barclay/Universal), qui atteint 60000 ventes. En revanche, Émilie Simon n’a pas pu accoster les Etats-Unis où ce documentaire a battu tous les records, car remonté, le film a également changé au passage de B.O.

Année du Brésil sans doute, Salomé de Bahia, fidèle chanteuse de Bob Sinclar, a publié son premier album, Brasil (Yellow/Warner), florilège de reprises de classiques. Sur F Communications, la maison de disques de Laurent Garnier, le projet São Paris est un mariage impressionniste de sonorités électroniques et de portugais.

Le Peuple de l’Herbe lorgne plutôt du côté de la Jamaïque pour son dub et de Londres pour la jungle. Cube (Pias), troisième album du groupe lyonnais, a été défendu par une tournée de concerts plus énergiques que jamais. Le groupe a continué de parfaire sa réputation internationale par une grande tournée dans de nombreux pays, conquis par ce mélange réussi de voix, de samples et d’instruments live.

Les DJs sont partout

Côté DJs, les francophones ont toujours la cote. Révélés en 2002 par leur mix ébouriffant As Heard on Radio Soulwax Pt. 2, les 2 Many DJs ont délaissé les platines pour s’emparer de guitares. Les deux frérots belges David et Stephen Dewaele ont créé leur groupe : Soulwax. Et les 2 Many DJs ont remixé Soulwax pour des Nite Versions (Pias), adaptations pour les clubs.

Sur les pistes de danse, les Français Miss Kittin, Jennifer Cardini, Chloé, Ivan Smagghe ou DJ Zebra et le Montréalais Tiga ont également été très sollicités cette année tout autour du globe.
Ambassadeur historique de l’electro made in France, le DJ Laurent Garnier poursuit son bonhomme de chemin de producteur, avec The Cloud Making Machine (F Communications), un quatrième album post-techno à la vision œcuménique et sombre.

Son compère Mr Oizo, l’auteur du célèbre Flat Beat avec sa peluche jaune, n’a pas déchaîné les passions avec son second album intitulé Moustache (F Com), expérimental et sans concession. C’est un petit nouveau, Jackson qui fut la sensation electro de la rentrée. Adepte du couper-coller, ce jeune homme fracasse tous les sons dans un maelström débridé, comme l’indique le titre de son premier opus, Smash (Barclay/Universal), repéré par le label britannique très pointu Warp.

Aux antipodes, Bob Sinclar, lui, enchaîne les tubes. Son dernier single Love Generation (Barclay/Universal), hymne de l’émission Star Academy dépasse en France les 230000 ventes. Les Britanniques en raffolent également. Plus lounge, mais aussi grand ambassadeur français, Stéphane Pompougnac a publié la huitième (!) compilation Hôtel Costes (Pschent/Wagram), dont les deux tiers se vendent comme des petits pains à l’étranger.

Parmi les secrets bien gardés de l’electro francophone, parce que beaucoup plus confidentiels, signalons pour terminer Musique pour 3 femmes enceintes (Mutek/La Baleine) du Montréalais Marc Leclair alias Akufen ; dans le Nord de la France Principles of Geometry (Tigersushi/Discograph), héritiers de Boards of Canada ; le trio Smooth (Mini Strong/Wagram), qui se construit une bonne réputation par la scène, ou encore Wax Tailor Tales of the Forgotten Melodies (Undercover/Naïve), digne successeur des Troublemakers dans le mariage du cinéma et du downtempo. Bref, si la French Touch est morte, la relève electro est pleine de promesses.