L'année "World"
De l’électro-world à la chanson métissée en passant par le reggae et les néo-traditions d’ici et d’ailleurs, les musiques du monde ont apporté leur lot d’agréables surprises en 2005, malgré un marché du disque toujours sinistré. Petit tour de France discographique, à travers quatorze coups de cœur à écouter sans modération.
Les quatorze albums de l’année
De l’électro-world à la chanson métissée en passant par le reggae et les néo-traditions d’ici et d’ailleurs, les musiques du monde ont apporté leur lot d’agréables surprises en 2005, malgré un marché du disque toujours sinistré. Petit tour de France discographique, à travers quatorze coups de cœur à écouter sans modération.
En ce mois de décembre, l’heure est au bilan des sorties discographiques qui ont marqué cette année. Même si le CD semble aujourd’hui dépassé dans les pays développés au profit d’autres supports comme le DVD musical, le téléchargement…, il reste encore des compact discs de bonne facture dans les bacs dignes d’être signalés. Pour retracer ces douze mois de productions françaises au rayon des musiques dites du monde, à l’exception des musiques africaines, faisons un petit tour de France métropolitaine et d’outre-mer, à travers une sélection non exhaustive de quatorze albums incontournables.
Electro-world, chanson bigarrée, néo-traditions, jazz ethnique, reggae, mélodies tziganes… Toutes ces couleurs reflètent cette composante française multiculturelle que certains de nos politiques ont tant de mal à comprendre. Mais en cette période festive, gardons l’espoir et débutons ce voyage sonore qui ne peut que réconforter nos oreilles. Première étape : Marseille. Ville métissée par excellence, c’est ici que le groupe Watcha clan a élu domicile. Collectif méditerranéen dissident, il offre une savoureuse mixture de ragga-dub-électro-jungle planétaire sur son quatrième album Le Bastion. Sorte de dancefloor débridé, la musique de ce clan phocéen mérite d’être vécue en live pour en percevoir toute la dimension. Autre groupe marseillais prometteur : Dupain. Sur sa troisième production, Les vivants, il a troqué le provençal pour le français, histoire de mieux faire passer son message nettement plus revendicatif qu’auparavant. A deux pas du Vieux-Port, l’agglomération de La Ciotat a révélé, en solo, Moussu T. Fondateur du célèbre Massilia Sound System, cet artiste a signé en trio Mademoiselle Marseille. Un disque cosmopolite ou le chant occitan "avé" l’accent flirte avec le blues afro-américain dans une parfaite osmose.
Remontons vers la ville rose, Toulouse, autre vivier artistique assez actif dans l’hexagone, pour s’arrêter sur le duo féminin franco-brésilien, les Femmouzes T. Exemple d’une mixité culturelle réussie, ces deux filles ont publié Tripopular, un troisième CD à la frontière des musiques du monde et de la chanson française. Les saveurs du Brésil à la sauce catalane des Femmouzes T, nous incite à quitter le Vieux Continent.
Envolons-nous donc pour la Guyane française. Région méconnue sur le plan musical international, elle vit une véritable effervescence depuis quelque temps grâce au festival Les Transamazoniennes. Un rendez-vous à Saint-Laurent du Maroni, qui a permis de voir émerger, entre autre style, une scène reggae des plus efficaces. Dans cette dernière, Koloni, jeune chercheur d’or sur le fleuve Maroni, reconverti en rasta. Symbole, à lui tout seul, des Noirs marrons (descendants d’esclaves africains, ndlr), il a gravé, avec les musiciens d’Energy Crew -groupe également remarqué pour son album No More War-, une production novatrice en terme de beat Jah man, titrée Introducing Koloni.
Quittons le continent sud-américain pour rejoindre, à quelques encablures, la Caraïbe et plus précisément la Martinique et ses rythmes. Dans le foisonnement rythmique martiniquais, il y en a un particulier nommé chouval bwa (chevaux en bois des manèges) que défend Dédé Saint-Prix, depuis les années 80. Un patrimoine que le chanteur-flutiste-percussioniste perpétue sur son dernier enregistrement Fruits de la patience.
Après cette escale caribéenne, rejoignons la métropole en terre bretonne avec un arrêt sur la ville de Nantes. Autre bastion créatif, la cité nantaise s’est illustrée avec Orange Blossom. Formation atypique, elle a sorti un excellent deuxième disque d’obédience électro-orientale, nommé Everything must change. Un CD marqué par la recrue Leïla Bounous, chanteuse algéro-bretonne qui a donné un nouveau souffle au groupe. Toujours à Nantes, Mukta a confirmé son sens des rencontres improbables sur le subtil opus Haveli. Alliant jazz et traditions indiennes, cet ensemble, fondé il y a dix ans, est au croisement de l’Occident et de l’Asie. Autre valeur sûre dans la région du Pays de la Loire, l’Angevin Titi Robin. Joueur de guitare, de oud et de bouzouk, ce musicien renoue avec l’esprit gitan de ses débuts sur Ces vagues que l’amour soulève, un album plus intimiste, enrichi par la présence de ses deux filles.
Rejoignons la capitale pour le quartier populaire de Belleville ou sévit Tchavolo Schmitt. Virtuose de la guitare manouche, cet artiste, considéré comme le plus grand depuis la disparition de Django Reinhardt, a fait paraître Loutcha. Toujours à Paris, Souad Massi, la jeune chanteuse algérienne néo-folk installée en France depuis 1999, met a profit son exil. Elle vient de sortir Mesk Elil, un troisième CD pétri de nostalgie. Eternel troubadour berbère, l’autre parisien Idir dresse un bilan de ses trente ans voués à la cause kabyle à travers un premier cd enregistré en public associé à un double dvd intitulé Entre scènes et terres.
Terminons ce périple avec une dernière escale à la Réunion. Contrée créole de l’Océan indien, cette île est marquée par le maloya. Véritable ambassadrice du moment de ce rythme identitaire du terroir, Nathalie Natiembé revient avec Sankèr, une belle pépite discographique à la fois poétique et énergique. Idéale pour pimenter vos fêtes de fin d’année…
À lire : L'année "Variétés" et L'année "Électro"
Watcha clan, Le bastion (Vaï La Boot/Mosaïc Distribution)
Dupain, Les Vivants (Label Bleu/Harmonia Mundi)
Moussu T, Mademoiselle Marseille (Le Chant du monde/Harmonia Mundi)
Mukta, Haveli (Up Music/Warner)
Tchavolo Schmitt, Loutcha (Le Chant du monde/Harmonia Mundi)