L'année "Rock"
En matière de rock français, l’année 2005 restera dans les annales comme une année… de transition ! Une année sans exploit, sans stars émergeantes… Une année de retours programmés et de confirmations tranquilles. Une année avec des têtes de gondoles, certes, mais sans déflagration.
Une année creuse
En matière de rock français, l’année 2005 restera dans les annales comme une année… de transition ! Une année sans exploit, sans stars émergeantes… Une année de retours programmés et de confirmations tranquilles. Une année avec des têtes de gondoles, certes, mais sans déflagration.
Indochine, champion hors catégorie, catégorie longévité et popularité, a passé toute l’année à usiner son retour avec un double album, Alice & June, qui vient mettre un point final à 2005. Un disque sauvagement rock’n’roll où Nicola Sirkis duettise sur un morceau avec Didier Wampas, autre survivant des années 80. Car ce sont les valeurs sûres et les artistes confirmés qui auront finalement occupé tout le terrain. Ainsi des Louise Attaque, qui referment en 2005 la parenthèse de leurs deux divisions cellulaires (dont seul Tarmac restera en mémoire) pour retrouver avec succès leur entité initiale, avec un album serein et intelligent, A plus tard Crocodile, qui reprend les choses là où ils les avaient laissées, avec une maturité de bon aloi acquise dans l’expérience parallèle. Des concerts chaleureux, mais à dimension apéritive (L’Olympia, quand même !) annoncent pour 2006 une tournée complète et des retrouvailles massives avec leurs légions de fans. Ainsi de Dionysos, une des machines de scène les plus affûtées du pays, qui avec l’introspectif Monsters In Love mériterait de concrétiser sa domination live par un réel succès discographique.
Du côté des héritiers directs de Noir Désir, Luke et Deportivo ont poursuivi sur leur lancée un travail de terrain qui leur a valu une reconnaissance durement acquise. Mais de ce côté du rock "habité", l’événement indubitable de 2005 aura été, justement, la parution, retardée de près de deux ans par un destin aussi cruel qu’unique, du live En Public de Noir Désir. Un concentré d’incandescence qui prouve que le groupe-phare du rock français de ces quinze dernières années n’est en rien émoussé par le temps. Leur avenir, si on le mesure à l’aune de ce disque tellurique, devrait révéler de nouveaux trésors, si seulement, le destin, justement…
Au rayon confirmations attendues, l’emprise de Kyo sur les teenagers s’est vérifiée, le quatuor de rock propret a réussi la plus grosse vente de l’année, avec son deuxième album formaté pour la vente en supermarché ("dis maman, tu me l’achètes, 300 Lésions ?"), et s’est vu adoubé par le parrain Johnny Hallyday, à qui ils ont fourni le premier single de son nouvel album. Enfin peut-on parler de confirmation pour Jean-Louis Aubert et son ancien collègue de bureau Louis Bertignac ? Le second a sorti avec Longtemps son meilleur album solo, et le premier a connu un succès immédiat avec son sixième effort solitaire, Idéal Standard, encensé par la critique comme par le public.
Nouvelles tendances
De 2005, on retiendra plutôt deux tendances lourdes. La première est la renaissance du rock comme vecteur de fantasmes adolescents. Depuis plus de quinze ans, il se vendait moins de guitares électriques que de platines DJ ou d’ordinateurs avec programmes de composition intégrés. Hip-hop, house, electro avaient les faveurs des apprentis musiciens, le son des récentes générations était technologique, solitaire, souvent, et immédiatement consommable grâce au home studio. Mais voilà que le terrain labouré par les nouveaux groupes anglo-saxons, de Strokes new-yorkais en Libertines londoniens, se met à voir pousser d’innombrables groupes de rock teenagers, candides et énervés, qui s’inspirent le plus souvent de la relecture des sixties, seventies ou eighties de leurs aînés. Les looks sont d’un autre âge, appris dans les livres et les DVDs, les riffs sont encore brouillons, la bonne volonté et la passion tient lieu de viatique, plus que la maîtrise technique, mais qu’importe, de cette fièvre de nouveaux rockers (le Gibus, club rock parisien mythique, viré de force techno, s’est même remis à accueillir cette scène ébouriffée), l’année qui vient pourrait bien dénicher un talent ou deux.
La seconde tendance de l’année est la confusion des genres. En devenant une certitude populaire, la Nouvelle Chanson Française a été outrageusement commentée dans les médias, or dans ce tiroir pratique, on a rangé un peu tout et n’importe quoi. Si Vincent Delerm est héritier de Souchon, comme Bénabar, ou Jeanne Cherhal, il ne faudrait pas oublier qu’un M, large triomphateur de la période (il a tout raflé aux Victoires de la musique et rempli les salles) se réfère avant tout à Jimi Hendrix ou John Lennon ! Qu’un Cali ou un Daniel Darc, voire un Miossec ont de toute évidence leurs racines du côté de l’électricité et de la tradition rock plutôt que de la chanson française rive gauche. Quant à la délicieuse Grande Sophie, il suffit de l’écouter gifler sa guitare dans son épatant album La Suite pour comprendre que le rock, comme elle le chante dans J’aime le rock’n’roll, c’est son langage !