Claire Diterzi enfin seule

Vingt ans que Claire Diterzi partage sa voix et ses textes. Vingt ans à exister au pluriel, au sein du groupe Forguette Mi Notte à la fin des 80, puis avec le trio Dit Terzi. Avec son premier album solo, Boucle, affiche enfin ses ambitions à la première personne.

Un premier album solo

Vingt ans que Claire Diterzi partage sa voix et ses textes. Vingt ans à exister au pluriel, au sein du groupe Forguette Mi Notte à la fin des 80, puis avec le trio Dit Terzi. Avec son premier album solo, Boucle, affiche enfin ses ambitions à la première personne.

"J’ai longtemps refoulé une forme de narcissisme, chose que l’on considère souvent comme un défaut" confie sans faux fuyant Claire Diterzi du haut de son néo-statut d’artiste solo. "Mais pour faire ce métier, on est, je trouve, obligé d’être comme ça : c’est ce qui nous tient en haleine, ce qui nous rend endurant". Qu’on se rassure néanmoins : il n’y a dans Boucle, premier album au singulier de la Tourangelle, aucun refoulement d’ego. Pas plus que de péché d’orgueil ou de vanité mal ordonnée. Juste une manière pour l’ex-rockeuse de groupe d’avancer enfin en première ligne. D’assumer seule sa propre partition. D’accepter sa règle du "je".

De Forguette Mi Notte à Dit Terzi

C’est qu’elle aura mis le temps, Claire Diterzi, avant de quitter le cocon collégial. Vingt ans tout juste que celle qui se dit aujourd’hui "obsédée par la sensualité" a trouvé sa voix, en jouant les têtes chantantes chez les défunts Forguette Mi Notte. L’heure est alors à l’adolescence. A l’énergie, à la fougue des riffs alternatifs. Au collectif rock’n’roll, version bière tiède et tournées épiques entassés dans fourgon de location. L’aventure durera neuf ans, deux albums et quelques six cents concerts, avant que les deux filles du groupe ne cessent leur chant à l’unisson. L’une, Julie Bonnie part former Cornu tandis que Claire passe en formule trio sous le nom de Dit Terzi. Une réduction d’effectifs qui se conjugue toujours au pluriel.

Suivent une sélection Découverte au Printemps de Bourges et un album sur le label indé Boucherie Production. Lequel finira par mettre la clé sous la porte, et précipitera la fin des destins collectifs.

"Le problème qu’ont pas mal d’artistes qui évoluent dans des groupes, c’est que c’est très réjouissant, mais à un moment aussi un peu étouffant. Je n’en avais pas forcément marre des autres, mais j’avais besoin de me retrouver face à moi, et de creuser un petit peu plus mes idées", explique Claire Diterzi, aujourd’hui tête d’affiche à part entière. "Et puis il faut aussi savoir s’avouer que parfois, on aime bien la solitude, le silence. Tout simplement s’écouter soi. Ça fait partie des plaisirs de ce métier que j’ai découvert en franchissant ce cap du solo".

Une découverte tardive ceci dit pour la trentenaire mutine, qui confesse que la maturation de Boucle fut lente. Voire laborieuse. "J’avoue que ça va faire peut-être cinq ans que je suis sur cet album !". Claire Diterzi a, à sa décharge, joué durant cette période les artistes buissonnières. En 2003, son entreprise est déjà entamée quand, plutôt que de se concentrer sur ses maquettes, elle répond à l’appel du chorégraphe Philippe Decouflé. "Il  est venu frapper à ma porte, et m’a demandé de partir avec lui au Japon pour la création de son spectacle, Iiris. J’ai commencé par dire "non"… mais il m’a dit " vient avec tes chansons". Donc j’ai dit "oui  ! Je ne sais pas si c’est une chance, ou quelque chose qui m’a éloigné de ma vocation première, qui était vraiment le désir profond et la nécessité de réaliser ce disque."

De Découflé à Diterzi

Exit donc la retraite studieuse dans sa cave de Touraine : Claire Diterzi part tourner aux quatre coins du globe. Avec certes guitare, cahier de musique et ordinateur portable, mais aussi de nouveaux collègues avec qui partager la scène. La parenthèse dure deux ans, mais profite largement aux compositions de l’album à venir. " Les chansons ont été mûries dans ce spectacle de danse : je n’avais plus de musiciens, mais des danseurs pour m’accompagner. Ce sont des sensations qui m’ont vraiment confortées dans l’idée d’écrire sur le corps. Les danseurs ont une approche de l’art très proche de ce que je voudrais faire avec des mots. Et c’est ce que j’essaie de faire avec une guitare électrique".

Le résultat de ces rencontres, détours et autres heureux incidents de parcours se retrouvent donc couché sur Boucle. Un titre transparent, écho à cette faim de projet solo finalement satisfaite, aux contours sonores finement esquissés au sampleur. Mais aussi parce la chanteuse-guitariste se dit "obsédée par l’idée de tourner autour de quelque chose, de tourner en rond. On est obsédé par une chanson tant qu’on en est pas fier, qu’on a pas envie de la montrer à tous les gens qu’on a sous la main…La boucle, c’est aussi tourner autour de quelque chose pour le rendre abouti, comme une cible". Avec ou sans cible, la Boucle de Claire Diterzi tourne on ne peut plus rond. Et pour l’aboutissement, on n’y trouvera rien à redire.

Claire Diterzi Boucle (Naïve) 2006