Tiga, des clubs au studio

Marqué par les groupes new wave des années 80, Tiga s'est fait aujourd'hui un nom dans le cercle des DJ réputés en jouant de son image et de sa voix. Ce Montréalais publie son premier album, Sexor, après quelques années passées à secouer les pistes de danse d’à peu près tous les clubs.

Le son et l'image

Marqué par les groupes new wave des années 80, Tiga s'est fait aujourd'hui un nom dans le cercle des DJ réputés en jouant de son image et de sa voix. Ce Montréalais publie son premier album, Sexor, après quelques années passées à secouer les pistes de danse d’à peu près tous les clubs.

DJ, sinon rien. “Je n’ai jamais pensé faire quelque chose d’autre”, explique Tiga, entre deux avions et trois soirées. Pour être cet artiste que l’on s’arrache aux quatre coins de la planète, le jeune Canadien a touché un peu à tout. D’abord, bien sûr, il y eut la révélation, à Genève, à l’âge de dix-sept ans, alors que sa famille partageait sa vie entre l’Inde et le Québec : “Il y avait un reportage à la télévision sur une soirée organisée par le DJ allemand, Sven Väth. C’était une vidéo très simple d’une rave, mais la musique me semblait révolutionnaire et dingue. Lorsque je suis retourné à Montréal, j’en voulais plus.” L’adolescent est également allé faire un tour au vénérable club new-yorkais Limelight, où il découvre le DJ américain Jeff Mills. Il en sort “ impressionné par la musique et son énergie. C’était comme tomber en amour”. Plutôt que d'acheter des machines et de se lancer dans l’électro, comme tant d’autres, le jeune homme balise sa quête du Graal : pouvoir officier en tant que DJ. “J’ai fait beaucoup de choses pour atteindre ce but. Par exemple, pour créer mon public, j’ai été promoteur de soirées et je jouais dans certaines. J’ai aussi créé mon magasin de disques, une discothèque, un label…”

Déferlante techno

À Montréal, il devient rapidement un des piliers de la scène électronique locale. A la fin des années 80, la ville québécoise est sous influence new-yorkaise et danse sur de la house ou du garage, des musiques mélodiques et chantées. La techno, les raves et l’ecstasy déferlent vers 1992. “C’était une petite révolution, tout était possible”, se souvient Tiga. A cette époque, il passe pour la première fois derrière les platines. “Cela se déroulait dans un petit entrepôt et je n’avais que vingt disques. Donc, pendant la soirée j’ai dû jouer toutes les faces !” Peu à peu, les ravers se rangent et le business reprend le dessus. Le jeune homme prend le chemin du studio, d’abord pour enregistrer un mix, puis pour remixer un morceau de Bran Van 3000. En 2001, il signe son premier titre, Sunglasses At Night, une reprise de Corey Hart (1983).

Aujourd’hui trentenaire, il reste un fan inconditionnel des années 80. Papa écoutait de la new wave, le fiston lui piquait ses disques et achetait Duran Duran, Yazoo, Depeche Mode, Nine Inch Nails ou The Cure. New wave et pop synthétique ne l'ont plus quitté. “Depuis le milieu des années 90, je me suis un peu ouvert en écoutant autre chose que de la techno. J’achetais beaucoup de choses différentes… C’est ma grande résolution pour 2006 : trouver le temps de retourner dans les magasins de disques.”

Relier la musique à un personnage

Son agenda ne lui en laisse guère l'occasion. Stakhanoviste, il enchaîne les prestations, passe ses nuits dans les clubs et ses journées dans les avions. Alors que le danseur était le dernier à squatter la piste, le DJ est le premier à quitter une soirée. Quand il voyage d'une ville à une autre, Tiga n’est pas penché sur son ordinateur portable avec un casque. Non, il lit des romans, qu'il préfère aux magazines qui “sont là pour vous pousser à consommer”. Pourtant, le Montréalais aime la mode et joue beaucoup de son image qu'il soigne particulièrement. Pour illustrer ses interviews ou ses pochettes de disques, il se fait habiller et maquiller comme un vrai mannequin. Jeans années 80, veste à la Travolta ou costume vintage. Au début, c’était pour s’amuser, comme un déguisement. “Un peu comme dans la musique, je sample, je fais des emprunts, je mets des sons ensemble… Puis, je me présente au public. Je crois que les gens aiment ça comme moi, ils veulent relier la musique à un personnage. Je me sens bien habillé comme ça et plutôt sexy.”

Se prend-t-il pour une pop star ? Il pourrait. C’est même un peu sa marque de fabrique quand il pose sa voix sur ses compositions. En anglais, il vante son plaisir des basses ou chante des histoires de cœur. Sexor est un recueil de chansons techno habilement calibrées pour les pistes de danse. Sa voix un peu distante épouse les rythmes froids de sa musique électronique, ce fameux genre étiqueté électroclash. Pour ce premier album, il s'est rendu en Belgique chez les 2 Many DJ’s, alias Soulwax, et dans le studio du Suédois Jesper Dahlbäck. “Je trouve mes idées à la maison, mais j’enregistre dans d’autres studios. C’est mieux, car je n’ai pas mon chien ou ma tortue, mon téléphone ne sonne pas, je peux davantage me concentrer.” Après une intensive tournée des clubs, c’est dans un studio parisien que l’on pourra bientôt croiser Tiga, en compagnie d’Étienne de Crécy et Philippe Zdar. Sera-t-il en mesure de tenir sa bonne résolution ?

Tiga Sexor (Different/Pias) 2006