Le phénomène Booba

Booba, un des plus gros vendeurs de disques hip hop en France revient avec Ouest Side, un album au son ciselé, aux beats carrés, seize morceaux qui sentent la poudre et qui explosent dans les baladeurs numériques de nombreux ados français. Un album violent et doux à la fois,  que sort ces jours-ci le rappeur, roi de la provoc.

Ouest Side, nouvel album

Booba, un des plus gros vendeurs de disques hip hop en France revient avec Ouest Side, un album au son ciselé, aux beats carrés, seize morceaux qui sentent la poudre et qui explosent dans les baladeurs numériques de nombreux ados français. Un album violent et doux à la fois,  que sort ces jours-ci le rappeur, roi de la provoc.

Booba, est né au rap dans les années 90 au sein du duo Lunatic avec Ali. Le groupe est membre du collectif Beat de Boule, un posse majeur de la scène hip hop, avec entre autres les Sages Poètes de la Rue. Booba et Ali, auteurs de quelques démos très sûres, se retrouvent sur la mixtape (compilation de raps mixés par un DJ) Cut Killer. Le duo y est à son avantage, le succès est au rendez-vous. S’ensuit la création d’un label underground très crédible dans le milieu rap, 45 Scientific, puis une fâcherie avec ce même label. Le résident de Boulogne-Billancourt devient alors une bête redoutable du business rap, où la notion d’amitié et de fidélité est secondaire.

Dans Ouest Side (la calligraphie utilisée sur la pochette rappelle le titre West Side Story), le nouvel album de Booba, on ne peut s’empêcher de penser au rap américain. Boulbi, single efficace en est le parfait exemple. Dans le clip, quelques phrases ont été coupées au montage. Le hit diffusé à l’heure du goûter peut heurter, tellement les salves en dessous de la ceinture fusent, la plume de Booba n’a jamais pu dissimuler un contenu explicite. C’est du premier degré, bien ficelé, tranchant, choquant comme des balles à blanc, drôle aussi, "si je traîne en bas de chez toi, je fais chuter le prix de l’immobilier". Il y a un air de 50 Cent dans le Boulbi, une référence indirecte à l’efficacité froide des productions de Curtis Jackson (In Da Club son premier tube sur Get rich or die tryin’), le leader new-yorkais du G-Unit, découvert par Eminem et DR.Dre.

Le racisme, traumatisme récurrent, est présent dans les textes de Booba, qui est métis et qui ne semble pourtant pas gêner de balancer quelques remarques homophobes (dans le rap, c’est classique) et de laisser planer l’ambiguïté sur les juifs ("c’est l’humanité qui m’attriste, comment leur faire confiance, ils ont tué le Christ"). Dans Je me souviens, Booba, de son vrai nom Elie Yaffa se rappelle la période où "les négros n’étaient pas à la mode… avant Michael Jackson. Paraît qu’on puait… qu’on était pauvres..."

Industrie de la rime

Le flow des mots est précis, direct, énergique, saccadé sur certains titres de Ouest Side. Booba dit à ses congénères de Garder la pêche, clin d’œil par le trou de la serrure de la cellule où il fut enfermé pour s’être écarté du chemin, il avait 20 ans. Et l’artiste de Boulogne continue d’encourager ses potes de galères à ne pas lâcher l’affaire. Cet artiste solo continue de rouler à 200 à l’heure ("à prendre la vie dans les bras et de la serrer si fort…") sur une autoroute au bitume lisse et bandes blanches immaculées. Booba est devenu un industriel de la rime qui accroche, du verbe qui décoche quelques croquettes surtout à droite,  ("toute l’équipe à Sarko, j’la verrais bien tapiner…"). Le Boulonnais empile sur Ouest Side, les chansons efficaces sur ce qui constituera certainement un de ses albums de référence.

Le public apprécie, Booba est déjà le meilleur vendeur de disques en France en début d’année avec pour objectif de dépasser les chiffres de vente de Temps Mort et Panthéon réunis, c’est bien parti. Ouest Side n’est pas spécialement ancré dans l’actualité. Le chanteur évite de jouer avec ce sentiment de panique qui se faisait sentir dans le rap français après la crise des banlieues. Booba a de toutes façons construit ce qu’on appelle une street credibility, il n’a pas besoin de faire référence à la rue tout au long de son album. Après plusieurs années passées à rapper dans des locaux pourris, au milieu des dealers, il se retrouve aujourd’hui aux côtés de quelques-uns des meilleurs compositeurs de la planète rap (Animalsons, Kore, Phrequincy, DJ Medhi, 20cent et Médi Med).

Phénomène

La Nouvelle Revue Française salue le travail sémantique de l’artiste, cherche à décrypter dans l’enchaînement des sentences pleines d’egotrip (de la mise en valeur de son ego) et les critiques assassines à l’encontre d’un système à la française, où discrimination et vexation sont monnaie courante, une manière d’écrire très contemporaine. Booba est un phénomène. Il attire pour la toute première fois des médias qui autrefois le snobaient. Son contrat avec Barclay-Universal y est certainement pour quelque chose dans l’implication plus efficace de ces média de masse.

Autre signe des temps, l’ex-chantre du côté obscure du rap, est devenu une star. Booba fait de l’argent. "B.2.O." comme il se surnomme, a récemment été invité par le héros du basket franco-américain Tony Parker à l’occasion de sa sélection au premier All-Star Game NBA pour faire le MC (Maître de Cérémonie) devant un parterre de starlettes de la pop et du hip hop (Beyoncé ou Jay Z), de la mode et du show-biz US. Pas à pas, Booba se fait un nom, en dehors des sentiers sous-terrains du rap en français.

Booba Ouest Side (Barclay) 2006