Thiéfaine plonge la Cigale dans les ténèbres
Jonglant en équilibriste kamikaze entre les perles les plus vénéneuses de son répertoire et les titres les plus sombres de son excellent dernier album, Scandale mélancolique, Hubert-Félix Thiéfaine entame son Suicide Tour à la Cigale à Paris, dans la noirceur absolue. Celle qui lui va le mieux.
Rock'n roll attitude
Jonglant en équilibriste kamikaze entre les perles les plus vénéneuses de son répertoire et les titres les plus sombres de son excellent dernier album, Scandale mélancolique, Hubert-Félix Thiéfaine entame son Suicide Tour à la Cigale à Paris, dans la noirceur absolue. Celle qui lui va le mieux.
Celui qui ignorerait tout du trublion jurassien, de ses névroses autodestructrices et de sa poésie torturée, se sentirait sans doute perdu au milieu de la foule qui prend d’assaut la Cigale tous les soirs jusqu’à samedi. Il pourrait se demander quel est ce gourou hargneux qui provoque une telle dévotion et parle un sabir surréaliste garni de références qui vont de Virgile à James Bond.
Depuis près de trente ans, Thiéfaine fascine. En concert, c’est encore plus flagrant. Pourquoi ? Dans une lumineuse biographie de l’artiste sortie à l’automne, son quasi-homonyme Jean Théfaine avance des explications à cette ferveur : "parce qu’il est totalement sincère, parce que son grain de folie n’est pas une posture, parce que la souffrance et la solitude ne sont pas pour lui des compagnons de circonstance." De douleur et d’abandon, d’exil et d’araignée dans le plafond, il est donc question sur scène. Le chanteur y exhibe un tee-shirt "Suicide HFT Tour" et simule une pendaison avec le fil de son micro. Les mots "gothique", "macchab’" et "ténèbres", reviennent en écho d’un titre l’autre.
Pour accompagner son spleen, l’auteur de L’Eloge de la tristesse dispose heureusement de quelques atouts de maître. D’une part, une voix vibrante qui gagne en puissance et en velouté avec le temps, grâce à des centaines de concerts donnés ces dernières années. D’autre part, un rock abrasif qui ne s’embarrasse plus ni de chœurs ni de saupoudrage électro, et qui va à l’essentiel – tirant ainsi un trait sur la production musicale du chanteur dans les années 90. Le chanteur est accompagné d’un combo guitare-basse-batterie-synthé efficace, même si le groupe n’est pas encore tout à fait rodé (ce n’est là que le quatrième concert de la tournée).
Dernier atout, le plus beau : le répertoire. Celui de Thiéfaine compte, mine de rien, des chansons qui, mises bout à bout, écrivent un des plus beaux chapitres de l’histoire du rock français. En enchaînant ici Soleil cherche futur, Les Dingues et les Paumés, Lorelei Sebasto Cha, Narcisse 81 ou Alligators 427, dans des versions ré-arrangées et souvent survoltées, en jouant un chassé-croisé dynamique avec ses derniers titres (Confessions d’un never been, Gynécées), Thiéfaine nous montre que ses postures suicidaires l’ont mené à la plus belle des renaissances.
Hubert-Félix Thiéfaine à la Cigale jusqu’au 18 mars, puis en tournée dans toute la France