Francophonie survoltée

Trois villes de Chine ont accueilli ce week-end une série de concerts organisés à l’occasion de la semaine de la francophonie. Placé sous le signe de l’électro, le programme a offert au public chinois des prestations scéniques survoltées. Reportage à Pékin, la première étape de cette tournée très électrique.

Déferlante électro sur la Chine

Trois villes de Chine ont accueilli ce week-end une série de concerts organisés à l’occasion de la semaine de la francophonie. Placé sous le signe de l’électro, le programme a offert au public chinois des prestations scéniques survoltées. Reportage à Pékin, la première étape de cette tournée très électrique.

La langue française se s’est jamais aussi bien portée que branchée sur 100 mille volts et passée à la moulinette électro-magnétique. C’est ce qu’on retiendra du premier concert organisé en Chine pour la semaine de la francophonie. Cette séance de torture high-tech a fait les délices du public de la capitale chinoise. Cinq groupes se sont succédés sur scène pour donner un coup de fouet à la nuit pékinoise et soumettre les oreilles aux électrochocs les plus violents.

Stéréototal

Cette opération est en grande partie l’œuvre du duo franco-allemand Stéréototal. Il a fourni à Pékin un bel exemple de cette trituration de sons et de langue élevée au rang des beaux-arts. Ce couple déjanté, un des plus solides de la scène électro, n’a pas ménagé le public chinois, pour son plus grand plaisir. Le parterre, largement peuplé d’étudiants, a fait une plongée dans l’univers des Stéréototal. Il y a découvert une mosaïque d’ultrasons habités par les résonances les plus étranges et surtout portés très haut par l’énergie électrique de Brezel Göring. Avec sa complice, Françoise Cactus, il manipule des instruments de leur invention, de véritables boîtes à sons qui tiennent à la fois de la cuisine de science-fiction et du laboratoire. Pendant presque une heure, les sirènes d’ambulance saturent la salle et se télescopent avec les bruits de laser qui semblent tout droit sortis d’un dessin animé. Les Stéréototal appellent ça, tout simplement, de la musique automatique. Francophonie oblige, l’aimable Charles Trenet est au programme, mais soigneusement passé à la moulinette électronique. Même traitement de choc avec une reprise de Claude François, tombée dans un des robots mixeurs de ce couple infernal. Le public, lui, en redemande et quand il s’agit de chanter les joies de "l’amour à trois", la moitié de la salle monte sur scène pour se trémousser avec les Stéréototal. Rien ne dit alors que les jeunes Chinois ont bien compris le sens des paroles qu’ils reprennent en cœur. Rien ne dit le contraire non plus.

Ce public enthousiaste avait déjà pris son premier coup de jus quelques minutes plus tôt, avec les Delfes. Encore un duo cocasse et survolté, façon Laurel et Hardy. Sur scène, la chanteuse rousse montée sur ressorts et son grand bassiste flegmatique flirtent avec le cabaret pour donner vie à une pléiade "d’histoires électroniques". La musique est riche en basses et en réverbérations, les textes sont coulés dans la veine surréaliste et bombardés à un rythme d’enchaînement de boxe. Quelques morceaux de phrases parviennent à traverser le mur de sons électro, ils parlent de rage buccale, de ballade dans un Paris halluciné. La salle reste un peu groggy sous le choc de cette déferlante de décibels.

BBC Soundsystem

La musique électro a donc été sans conteste la reine de cette soirée, mais elle n’était pas seule. BBC Soundsystem, un trio hip hop très efficace est venu donner un dernier coup de fouet au public chinois. Fini les instruments électroniques, c’est la voix qui compte avec ces trois Sénégalais passés maîtres dans l’art de jongler avec le français, l’anglais et le wolof. L’ensemble est soutenu par des basses puissantes et une paire de platines agiles. Pour le répertoire, BBC Soundsystem glisse du hip hop au ragga, toujours à l’aise dans les démonstrations impeccables d’acrobaties verbales : des rafales de syllabes qui forgent sans cesse de nouvelles phrases musicales.

Pour compléter l’affiche de cette soirée francophone, le chanteur belge Marka et une formation malgache, Nogabe, sont venus en renfort pour remettre le public dans les chemins battus. Les textes de Marka l’invitent à de longues balades, métissées par endroits de rythmes africains. Les refrains sont repris en cœur par la salle, qui visiblement apprécie ces histoires au goût sucrée. Avec Nogabe, l’horizon s’élargit. Cette formation installée à Pékin, se place sous l’influence direct de Madagascar. Le continent africain lui souffle des accents ragga, illustrés par les couleurs chaudes de l’harmonica. Cette ambiance lascive fait naître des vagues de déhanchements dans le public.

Après cette première étape pékinoise, les Delfes, Stéréototal et BBC Soundsystem ont continué leur tournée chinoise pour mettre sous tension de nouvelles salles dans deux autres grandes villes du pays.