AfricaVision
Il était inutile jusqu’à présent d’espérer avoir sous la main et à portée d’oreille le meilleur de la musique des films d’Afrique. Cela est possible désormais grâce à AfricaVision, une anthologie prévue en 10 volumes, dont le premier, consacré au cinéma de l’Afrique francophone vient de paraître. Entretien avec Catherine Ruelle, conceptrice de ce vaste projet réalisé avec la collaboration de RFI.
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Il était inutile jusqu’à présent d’espérer avoir sous la main et à portée d’oreille le meilleur de la musique des films d’Afrique. Cela est possible désormais grâce à AfricaVision, une anthologie prévue en 10 volumes, dont le premier, consacré au cinéma de l’Afrique francophone vient de paraître. Entretien avec Catherine Ruelle, conceptrice de ce vaste projet réalisé avec la collaboration de RFI.
RFI Musique : Faire une collection sur les musiques des films d’Afrique, à quoi cela sert-il ?
Catherine Ruelle : D’une part à faire connaître des musiciens et des musiques d’Afrique, leur grande diversité. Remettre également en valeur tout un patrimoine musical, des musiciens africains qui ont été complètement oubliés, comme [le Sénégalais] Lamine Konté, un maître de la kora, très connu dans les années 70. Tous ces musiciens ont travaillé depuis les débuts du cinéma africain (années 60) aux côtés des cinéastes, et ils ont chacun apporté leur pierre à l’édifice "musiques africaines". D’autre part, il s’agit de montrer aussi le lien entre musique et cinéma qui est très fort en Afrique. Les cinéastes africains, depuis le début ont quasiment toujours commandé des bandes originales. Ce qui m’intéressait, c’était de voir quelle était la relation d’un cinéaste avec la musique dans un film.
Y a-t-il des fidélités dans les collaborations entre cinéastes et compositeurs ?
Oui, par exemple Lamine Konté a fait beaucoup de musiques de films pour Idrissa Ouedraogo, un réalisateur du Burkina Faso primé à Cannes et aussi pour Souleymane Cissé. Wasis Diop a composé toutes les musiques des films de son frère Djibril Diop Mambety. Manu Dibango travaille de manière assez régulière avec certains cinéastes dont Flora Gomes, un cinéaste de Guinée-Bissau.
Quand on se lance dans ce genre d’entreprise, à quels obstacles se cogne-t-on ?
Nous sommes sur ce projet depuis cinq ans. Une première difficulté consiste à retrouver les musiciens. La plupart du temps en Afrique, même quand il y a des sociétés d’auteurs, les musiciens ne sont pas répertoriés. D’autre part, les cinéastes souvent n’ont pas fait de contrat avec eux. Donc il y a un problème de droits qui se pose. Parfois il faut arriver à localiser les ayants-droits car certains musiciens sont décédés. Ensuite, il faut retrouver les masters et si on n’y parvient pas, il est nécessaire de reprendre à partir des films et d’essayer de retravailler avec les musiciens, de faire un travail de remastérisation, remixage, etc. C’est un boulot énorme.
Quels axes avez-vous suivi pour concevoir cette collection ?
A travers ce travail, nous souhaitions également remettre en mémoire les films africains. Donc, nous avions plusieurs "carcans". D’abord, d’un point de vue géographique. Malgré quelques incursions dans le cinéma anglophone (Nigeria, Afrique du Sud), on s’est penché surtout sur l’Afrique sub-saharienne francophone, Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale. Nous voulions partir du début du cinéma africain, c’est à dire le premier court-métrage Afrique sur Seine, réalisé par Paulin Soumanou Vieyra en 1955 qui sera l’ouverture du deuxième CD de la collection. Nous avons dégagé plusieurs thèmes. Le volume 1 est consacré au "cinéma de l’Afrique francophone", c’est à dire le cinéma fait "par" et "sur" l’Afrique francophone. Beaucoup de cinéastes notamment belges, suisses ou français ont fait des films en utilisant de la musique africaine, et nous trouvions dommage de nous priver de ces musiques. Je pense par exemple à Thierry Michel, à qui nous avons pris Donka (Radioscopie d’un hôpital africain) ou à Laurent Chevallier et Laurence Attali qui sont des cinéastes travaillant beaucoup sur l’Afrique et jouent à "cloche-frontières".
Sur quels critères avez-vous opéré un tri pour séparer l’anecdotique de l’indispensable dans votre sélection ?
Nous avons travaillé à travers plusieurs prismes. Le prisme des musiciens eux-même pour être sûrs de n’oublier aucun musicien important de ces quarante dernières années. Cela peut être un musicien extrêmement important que l’on va retrouver dans un court métrage. Deuxième prisme : ne rater aucun des grands cinéastes, quel que soit le film pris (on n’a éliminé aucun format : court-métrage, long métrage, fiction, documentaire). Après, évidemment, vu le nombre de films (un petit millier) avec lequel on se retrouve, il faut faire un choix puisque la collection est prévue pour l’instant en 10 CDs qui ont chacun une vingtaine de titres. La sélection s’est faite un peu naturellement car il y a des musiciens ou des musiques que nous n’avons pas pu retrouver.
Ces musiques écrites pour les films peuvent-elles avoir une vie autonome ?
Au-delà d’une vie autonome, elles ont surtout une signification autonome qui n’est pas redondante par rapport à l’image et va plus loin. La musique apporte une deuxième dimension, une explication autre qui passerait par la sensation et la musique. Ce n’est pas de l’accompagnement.
Collection AfricaVision (Buda Records/Universal)
AfricaVision Vol.1 : 1975/2005 – Le Cinéma d’Afrique francophone
Prévisions : Vol 2, 50 ans de cinéma africain - Vol 3, Wasis Diop et le cinéma - Vol 4, 50 ans de cinéma africain. Les grands aînés - Vol 5, Spécial Manu Dibango - Vol 6, Les musiques de Sotigui Kouyaté - Vol 7 & 8, Les Comédies musicales - Vol 9 & 10, Francis Bebey (double CD)