L’Acadie joue en nocturne à Paris

Depuis plusieurs années, l’Acadie est à la fête dans le cœur des amateurs de musiques colorées et enlevées. Durant trois jours, le festival des Nuits acadiennes, qui fête ses cinq ans cette année, propose à la Maroquinerie à Paris un nouvel éclairage passionnant sur six de ses musiciens ambassadeurs. Coup de projecteur sur la première soirée, qui réunissait ce jeudi 23  soir la chanteuse folk Suzanne Léger et le farceur Fayo.

Le festival des Nuits acadiennes dure jusqu’à samedi

Depuis plusieurs années, l’Acadie est à la fête dans le cœur des amateurs de musiques colorées et enlevées. Durant trois jours, le festival des Nuits acadiennes, qui fête ses cinq ans cette année, propose à la Maroquinerie à Paris un nouvel éclairage passionnant sur six de ses musiciens ambassadeurs. Coup de projecteur sur la première soirée, qui réunissait ce jeudi 23  soir la chanteuse folk Suzanne Léger et le farceur Fayo.

Voix lascive et délassante de Suzanne Léger

"Bonsoir et bienvenue, je m’appelle Suzanne Léger et j’vais vous jouer une couple de chansons. All right !" Elle n’a que 23 ans et une maquette de trois chansons (son premier album doit sortir en 2007), et pourtant c’est à elle que revient la responsabilité d’ouvrir ces cinquièmes Nuits acadiennes. Une centaine de personnes attend dans une ambiance bon enfant.

Pieds nus, cheveux bruns tombant sur les épaules, la chanteuse entre sur scène sans chichi et plaque immédiatement une guitare gironde sur ses formes généreuses. Elle ne s’en séparera que pour agripper une mandoline électrisante ou une guitare accordée à sa convenance ("Cela donne des sonorités surprenantes"). Au-delà du personnage mi-timide mi-mutin et de sa folk urbaine inspirée de la chanteuse et guitariste new-yorkaise Ani di Franco, ce qui frappe d’emblée, et une heure durant, c’est la voix puissante et ouatée de Suzanne Léger.

En français et plus rarement en anglais (mais pour un résultat tout aussi irréprochable), son timbre particulier tonne dans les graves, se développe avec un magnifique vibrato dans les gammes médianes et trouve des sonorités nasales toujours délicates dans les aigus. Sa voix tantôt lascive et délassante (sur La Mer), qui lui permet de rouler les "r" presque avec sensualité, tantôt aérienne et énergique, s’accorde bien avec les ruptures de rythme que la chanteuse multiplie et qui dynamisent ses morceaux concis (jamais plus de deux tours de sablier). Accompagnée de Jeff – Jésus à la contrebasse, long personnage austère qui doit sa fougueuse barbe sombre et ses longs cheveux noirs au rôle du divin Enfant qu’il interprète actuellement pour le cinéma, Suzanne Léger montre en moins d’une heure que les artistes francophones du Canada cultivent sans fausse pudeur un  héritage "franco-saxon" où le music-hall le dispute à un folk très roots.

Répertoire plus chanson-rock pour Fayo

Le peuple acadien se répartit majoritairement sur quatre provinces de l’Est du Canada : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l’Ile-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve. Comme Suzanne Léger et plusieurs des quatre artistes appelés à jouer d’ici samedi soir, Fayo vient du Nouveau-Brunswick, la seule des provinces à posséder un double statut francophone et anglophone. Sa musique s’en ressent également, née de cette culture à deux visages.

 

Comme les désormais célèbres Cowboys fringants de Montréal, Fayo de Moncton emploie un vocabulaire (le "chiac") qui fait du franglais une poésie à part entière. Situé davantage dans un registre chanson-rock, il cherche à mieux mettre en avant ses textes que ne le fait Suzanne Léger. C’est d’ailleurs un blagueur (efficace) qui aime parler entre deux chansons, pour présenter sa culture ou simplement ses morceaux, avant d’enchaîner sur des mélodies imparables (J’ai oublié ton nom, Cet été) qui vous trottent dans la tête pendant une semaine. Le public lui réserve un accueil chaleureux, quelques Acadien(ne)s font la claque et le public finit par reprendre en chœur son "tube" (dixit l’artiste) : "Je suis un Acadien / Je suis un Canadien / Je suis un être humain". Tout simplement.

Quatre concerts à venir

Qu’il s’agisse de Fayo (de son vrai nom Mario Leblanc, "Fayo" étant le surnom qu’on lui donnait enfant et qui signifie "la fève") ou de Suzanne Léger, ces Nuits acadiennes révèlent des traits communs qui font souvent défaut à ceux de l’Hexagone. Quand les artistes français privilégient l’habit au show, ceux-ci arrivent en jean et boots mais ont une solide culture du spectacle. Quand beaucoup de nos artistes semblent agripper une guitare pour ne pas rester bras ballants, Suzanne Léger et Fayo démontrent par A + B (leur façon d’appeler les accords) qu’ils sont passés maîtres dans l’art de la six cordes. Ou encore, on pense à regret que plusieurs Biolay, Delerm, Raphaël, etc, tiendraient aisément dans le gosier d’un Fayo ou d’une Léger ! Bref, les artistes acadiens présents jusqu’au 25 mars à la Maroquinerie montrent qu’ils ont su renouveler en profondeur leur répertoire folklorique, basé sur des rythmes celtes, pour l’ouvrir au monde. C’est leur plus grand défi et leur plus beau cadeau.

Les Nuits acadiennes à la Maroquinerie à Paris (23 rue Boyer, Xxe Paris)
Vendredi 24 à 20 h 30 : Joseph Edgar (chanson folk) et Les Païens (fusion jazz rock)
Samedi 25 à 20 h 30 : Kit Goguen (chanson) et Chuck et Albert (humour)