Akli D. dans la Cité.

A Paris, la Cité de la Musique a mis la musique kabyle à l’honneur ce week-end. Encadré par deux grandes pointures du genre, Takfarinas et Idir, Akli D."l’afro-rasta-kabyle", a convaincu, samedi 8 avril, avec une musique emprunte d’un bel humanisme.

Un Kabyle musicien du monde

A Paris, la Cité de la Musique a mis la musique kabyle à l’honneur ce week-end. Encadré par deux grandes pointures du genre, Takfarinas et Idir, Akli D."l’afro-rasta-kabyle", a convaincu, samedi 8 avril, avec une musique emprunte d’un bel humanisme.

Le public se masse devant l’entrée de l’amphithéâtre de la Cité de la Musique. Il faut encore attendre un moment avant de prendre place. La soirée Chanteurs kabyles : Métissages interroge l’ouverture sur le monde et le rapport à la Kabylie de ceux qui s’en sont exilé. Le public trans-générationnel et bigarré, prouve que la soirée porte bien son nom. Les portes s’ouvrent et l’on s’installe. La salle n’est pas pleine ; il y aura la place de danser. Bientôt, Massi, figure forte d’une scène très "dance", rythmée et très populaire en Algérie ouvre le bal sous les youyous des femmes. Puis, Iness Mêzel, dans un genre radicalement différent, distille son jazz-kabyle-funk-latino avec plaisir et énergie. Elle occupe tout l’espace, de son corps, de sa voix, de son sourire, saute, virevolte, danse... Une femme en robe traditionnelle, entre deux youyous et en tapant des mains, glisse : "elle a la pêche, cette fille là!". Le jazz enrichi aux vitamines latino, Iness Mêzel insère dans son répertoire une reprise du patrimoine kabyle et de fait ainsi lever une bonne partie de la salle. Enfin, on nous annonce "l’afro-rasta-kabyle", alias Akli D., l’artiste sans frontières.

"Je suis de la route"

Akli D. arrive, et donne le ton du concert avec le premier titre de son deuxième album Ma Yela, Salam, qui chante la paix entre les peuples. "alam aleikum, maleikum shalom", dit le texte. Puis Akli enchaîne avec le reggae quasi-Alpha Blondien Malik, en hommage à Malik Oussekine, assassiné en 1986 lors de manifestations étudiantes par des policiers. Le troisième morceau, Tabrats (Le Message), dans un style plus kabyle, fait lever l’intégralité de la salle et, sous les youyous, Akli D. improvise à la guitare. Passer d’un texte politique à un moment de dérision sur l’émigration comme C’est facile, ou mêler à quelques minutes d’intervalles les ambiances touarègues et irlandaises est pour lui plutôt évident. Arrivé en France dans les années 80 après son engagement dans le Printemps Berbère, Akli D. a joué dans les bars "apaches" du nord de Paris, avant de partir sur découvrir le monde. "Je suis de la route. J’aime voyager, aller à la rencontre. Je suis fier de pratiquer plusieurs sons dans ma musique parce qu’ils représentent des peuples, des gens et des cultures. On ne peut pas avoir tout le monde comme ami mais on peut regarder tout le monde comme des amis et c’est ce que j’essaie de faire".

La musique comme prétexte

Ainsi, si son précédent album, Anef-as Trankil était plutôt axé sur l’identité amazigh (berbère) et ses revendications culturelles et politiques, Ma Yela s’ouvre sur le monde et retranscrit les pérégrinations musicales réelles ou supposées d’Akli D. Concentré d’humanisme, Ma yela est le fruit de la découverte, de la rencontre, d’un regard d’exilé sur le monde : "Nous, les Kabyles, on est en pleine résitance. Partir, ce n’est pas de l’émigrance, c’est de l’exil ". Entre les notes, entre les mots, il faut comprendre des influences fortes : protest song américaine à San Francisco, rythmiques sub-sahariennes dans la bouche de sa mère et de sa grand-mère, souvenirs d’enfance avec les Touarègs dans le désert…Et des rencontres fondatrices, au hasard de la vie: avec Mohia, l’ami poète kabyle, le fils de Gandhi aux Etats-Unis, lors d’un moment beau et inattendu, ou Manu Chao, chez un ami à Paris. "On s’est rencontrés, ou a joué ensemble et très vite on est devenus proches. Certaines personnes, tu n’as pas besoin de les voir beaucoup de fois pour que ça soit des amis. Je le connais plus en profondeur que je connais sa vie". Manu Chao, le voyageur-engagé a d’ailleurs décidé, depuis, de réaliser ce deuxième album d’Akli D.

Sur scène, Akli donne tout, secondé par un déjanté choriste-percussionniste en combinaison orange vif. Sous les youyous, Akli revient pour une seconde version de C’est facile, c’est pas facile : l’ambiance prend alors des allures de grosse fête populaire. "Pour moi, la musique est un prétexte. Comme un cadeau pour dire à quelqu’un que tu l’aimes. La musique en elle-même n’est rien. On a besoin d’un peu de technique, mais le reste c’est du feeling. C’est les regards des gens dans la rue, c’est faire attention à des amis, c’est du soleil, c’est le fleuve, être spontané, et prendre certains engagements par rapport à l’Humanité".

A paraître le 24 avril : Akli D Ma yela (Because Muisc) 2006