Label Bleu, 20 ans
A l’occasion des vingt ans de Label Bleu, Pierre Walfisz, l’actuel directeur qui a remplacé en 2000, le fondateur Michel Orier, choisit dix disques emblématiques de cette autre maison bleue basée à Amiens. Juste avant le concert anniversaire, avec de nombreux musiciens du label, ce 25 avril au Cirque d’hiver de Paris.
Jazz, musiques du monde et cross over
A l’occasion des vingt ans de Label Bleu, Pierre Walfisz, l’actuel directeur qui a remplacé en 2000, le fondateur Michel Orier, choisit dix disques emblématiques de cette autre maison bleue basée à Amiens. Juste avant le concert anniversaire, avec de nombreux musiciens du label, ce 25 avril au Cirque d’hiver de Paris.
2 Daniel Goyone (1986)
C’est le tout premier disque signé sur Label Bleu, un label monté par une maison de la Culture. Une étrangeté dans le paysage du disque, d’autant que tout de suite, Michel Orier a souhaité prendre un vrai distributeur, pour vendre vraiment des disques. En clair, même s’il s’agissait d’un label financé par l’institution, il y avait intrinsèquement l’état d’esprit d’une économie mixte. Ce qui a permis au label de perdurer, alors que la plupart des labels indépendants de l’époque ont disparu vingt ans plus tard. De plus, cet album résume l’idée qui a présidé à la création : publier des musiciens de jazz qui n’avaient aucun débouché face aux productions jazz-rock d’un côté et au jazz américain de l’autre… Enfin, le jazz de Goyone résume l’esthétique du label : ça chante tout le temps ! Il y a un côté pop, malgré tout.
An Indian’s Week Henri Texier (1993)
C’est en même temps le premier succès commercial, avec un artiste emblème de Label Bleu, et le premier disque que j’ai acheté de ce label. Il s’agit donc de mon premier contact avec cette histoire. Pour moi, c’est une claque ! Du Texier à l’état pur, avec les photos de Guy Le Querrec ! Dessus, on retrouve des sociétaires : Bojan Z y est incroyable, Michel Portal formidable…
Carnet de route Romano-Sclavis-Texier (1995)
Un disque doublement symbolique. Tout d’abord, un cap économique est franchi : 80000 exemplaires vendus à ce jour. Au départ, il s’agissait de faire plaisir au photographe Guy Le Querrec, et le succès fut totalement inattendu. C’est un peu notre Louise Attaque à nous, ce qui rend modeste face aux soi-disant recettes du succès. En outre, il s’agit d’un symbole fort de la valeur de l’objet, avec un livret épais, à l’heure où l’on brade du Mozart.
The Woman Next Door Rita Marcotulli (1997)
Un disque splendide d’une pianiste italienne qui rend hommage à François Truffaut…. Ce fut un échec commercial, mais cela reste l’un de mes albums préférés, qui continue de me bouleverser. Il s’agit d’un projet lourd, qui n’aurait pas pu exister sans le soutien de l’institution. Le spectacle, lui aussi hors norme, n’a été monté qu’une seule fois sur scène, à la maison de la Culture d’Amiens.
69/96 Magic Malik (2001)
Ma première signature. Un artiste ultra emblématique de ce que j’ai envie de faire avec ce label : quelque chose de vivant, en phase avec les musiques actuelles. Malik, c’est l’explosion au bazooka des frontières entre musiques populaire et savante. Il résume les désirs de ma génération. Et puis, cerise sur la gâteau, il y a un titre, Madness, un tube qui devrait tourner en boucle sur toutes les radios.
T-Bone Guarnerius Vincent Ségal (2002)
En dehors de la qualité du projet, de l’idée originale de cette méthode – enregistrer sur un an des duos dans des lieux improbables –, Vincent Ségal représente le passeur pour le redéploiement de Label Bleu. C’est à cette occasion qu’il m’a branché sur Sébastien Martel, que je signerai plus tard avec Las Ondas Marteles, Piers Faccini… Et c’est ainsi qu’avec une bande de musiciens border line, je vais créer une déclinaison de Label Bleu, après Indigo dédié à la musique du monde : Bleu Electric.
Bowmboï Rokia Traoré (2003)
Notre premier Disque d’or ! Synonyme de reconnaissance du métier. Le label devient un acteur à part entière de cette industrie. Et pourtant, Rokia Traoré est l’objet d’un grand malentendu : ce n’est pas de la world music, mais de la folk faite par une Malienne. C’est d’ailleurs ce que j’aime chez elle, cette faculté à totalement brouiller les pistes, en enregistrant par exemple avec le Kronos Quartet.
Leave No Trace Piers Faccini (2004)
Bubbemeises David Krakauer (2005)Un disque très "couillu". En plein renouveau klezmer, cet artiste new-yorkais est le meilleur. Et là, superbe joueur, il décide de faire tapis, comme il l’avait déjà fait quand il était le clarinettiste virtuose avec le Kronos Quartet. Cette fois, au lieu de rejouer la même partition gagnante, il prend le risque de produire une espèce de trip hop avec le DJ So Called. Rien ne l’arrêtera ! Il veut même enlever l’appellation "Klezmer" à son projet ! J’aime ce type de musicien qui se remet constamment en danger.
Tomora Ballaké Sissoko (2005)
L’héritier d’une grande lignée, qui aurait pu lui aussi se contenter de son fonds de commerce. Mais non, Ballaké Cissoko bat en brèche bien des idées reçues, même si sa musique instrumentale reste cataloguée comme de la musique ethnique. Pourtant, la manière de phraser de ce joueur de kora est d’une modernité incroyable ! Il explose les limites de l’instrument, avec une vraie volonté artistique de faire avancer les choses. Un modèle.