Le trip hop raffiné de Mig

Après l’avoir laissé deviné en 2004 avec son premier album, le trio grenoblois Mig confirme sur Yamatna sa capacité à façonner un répertoire trip hop aussi enthousiasmant que celui des pointures anglo-saxonnes et auquel il apporte même des couleurs inédites, grâce à la voix de la chanteuse Djazia.

Nouvel album du trio grenoblois

Après l’avoir laissé deviné en 2004 avec son premier album, le trio grenoblois Mig confirme sur Yamatna sa capacité à façonner un répertoire trip hop aussi enthousiasmant que celui des pointures anglo-saxonnes et auquel il apporte même des couleurs inédites, grâce à la voix de la chanteuse Djazia.

Pas de cassure violente, pas de heurt. L’atmosphère que Mig s’attache à créer depuis quelques années, sur disque comme sur scène, dégage une douceur confortable pour qu’auditeurs et spectateurs puissent se laisser transporter. Pas à pas, le trio grenoblois affine l’alchimie entre les éléments de son univers planant, avec un certain sens de l’esthétisme confirmé par le nouvel album Yamatna. "Dans la création, on a toujours peur de tomber dans quelque chose de trop lourd ou de mauvais gout, peur d’enfoncer les clous, d’être grossier. Ça nous a toujours hantés", explique la chanteuse Djazia. "Du coup, on essaie de ne pas tomber dans des musiques trop codifiées et de trouver un équilibre dans la composition. On a cette envie de mélanger des sonorités, d’utiliser des machines en même temps que des instruments acoustiques, de sortir parfois les langues de leur carcan habituel – pour ce qui est de l’arabe en tout cas."

Si le groupe assume pleinement son appartenance à la mouvance trip hop dans laquelle Dhikrayat l’a inscrit en 2004, c’est presque par hasard que ses trois membres se sont retrouvés sur ce terrain musical. Invitée d’abord pour poser sa voix sur un morceau d’un CD quatre titres sorti en 1999 par les deux initiateurs de Mig, Djazia  n’écoutait pourtant pas du tout de musique down tempo. Pas même les Britanniques Portishead ou Massive Attack, qu’elle ne connaissait que de nom. A ce moment-là, la jeune femme évoluait au sein de Gnawa Diffusion, la formation d'Amazigh Kateb, et baignait plutôt dans les musiques du monde, le reggae...

Trip hop or not

Le trip hop n’était pas sa culture, et c’est justement par curiosité, parce que cette musique lui a fait l’effet d’une "inconnue totale"qu’elle a choisi de participer à l’aventure. "Ce qui m’a donné le plus envie, c’est de me demander ce que j’allais bien pouvoir faire…", raconte-t-elle aujourd’hui d’un air amusé. Sollicités à la même époque, Mathieu et Piero, respectivement à la batterie et à la basse, n’avaient guère plus de références dans le domaine du trip hop. Ils venaient du rock et de la chanson, même si tous deux s’étaient familiarisés aux sons électros et avaient commencé à travailler avec des machines. Comme Djazia, ils ont vite été fascinés par cette nouvelle matière sonore qu’ils découvraient et leur association avec la chanteuse s’est formalisé en août 2000, lorsqu’ils ont décidé de reprendre les commandes de Mig, abandonné par ses fondateurs.

Le joli succès obtenu avec Dhikrayat, dans les bacs et dans les salles, leur a permis d’aborder l’épisode suivant avec plus d’assurance. Pour concevoir Yamatna, près d’un an et demi leur ont été nécessaires. "Mais c’est sur les six derniers mois que tout s’est accéléré", confesse Djazia, qui ne cache pas que le groupe concrétise mieux certaines idées en travaillant dans l’urgence. "De toutes façons, on est systématiquement en retard pour rendre les bandes", plaisante-t-elle.

Une expérience collective

Avec l’expérience et la confiance, chacun a donné plus de consistance à sa collaboration. La place des egos a rétréci au profit de l’entité collective, enrichie également par la contribution de nombreux musiciens croisés en chemin. "On a appris à exprimer ce qu’on avait envie de faire et à écouter les autres", souligne le trio."On a vraiment beaucoup discuté des directions à prendre. On souhaitait garder cette couleur électro dans notre identité mais on l’a aussi beaucoup bousculée, on a essayé, ouvert des portes." Quitte à approcher un registre plus pop ? Djazia ne le nie pas catégoriquement mais refuse de parler de revirement : "Oui, beaucoup de titres sont moins lents et je peux entendre un aspect pop sur Butterfly ou la reprise de Jeff Buckley (Everybody Here Wants You, qui figurait dans une autre version sur le CD six titres de Mig sorti en 2001, ndr), mais c’est comme si on n’avait écouté que la première partie de l’album et pas la seconde qui comporte des morceaux un peu bizarres comme Smoke, Nirane ou Alf Lila."

Une nouvelle fois, la chanteuse alterne les textes en français, en anglais et en arabe. S’il arrive que le choix de la langue s’impose à elle comme une évidence après avoir entendu les bases instrumentales du morceau, c’est plus souvent sa volonté de jouer sur les contrastes qui anime sa démarche, à l’exemple de la chanson Yamatna, essayée en anglais mais finalisée en arabe "parce qu’on n’a pas forcément l’habitude de l’entendre sur ce type de musique, plutôt anglo-saxonne à la base avec une instrumentation pop." L’idée est séduisante, le résultat pleinement convaincant. Avec Mig, on commence à en prendre l’habitude.

En concert le 4 mai au Café de la Danse à Paris Mig Yamatna (Exclaim/Warner) 2006