Banlieue Rythme 2006

Quatre jours de concerts, un plateau de choix et un public jusqu'alors jamais enregistré : le 6e festival Banlieue Rythme, organisé du 4 au 7 mai 2006, a tenu éveillée la populeuse Guédiawaye, à la périphérie nord-est de Dakar. Avec, derrière l'affiche, de belles histoires durant cet évènement visant à créer sur place "un espace interculturel de rencontres et d'expression artistiques."

Un festival, 6 éditions, de belles histoires

Quatre jours de concerts, un plateau de choix et un public jusqu'alors jamais enregistré : le 6e festival Banlieue Rythme, organisé du 4 au 7 mai 2006, a tenu éveillée la populeuse Guédiawaye, à la périphérie nord-est de Dakar. Avec, derrière l'affiche, de belles histoires durant cet évènement visant à créer sur place "un espace interculturel de rencontres et d'expression artistiques."

Il y avait bien deux centaines d'artistes, en comptant ceux qui ont été sélectionnés pour la programmation officielle et ceux qui ont ajouté des sons et des couleurs au carnaval ayant rassemblé au deuxième jour de l'évènement, le 5 mai, des rolleurs, musiciens-acrobates peuls, ballets et la fanfare française Tarace Boulba. Deux centaines d'artistes sans compter ceux qui ont greffé leur spontanéité à l'affiche, car de ce côté-là, il y a eu "une participation open", expliquait Ousmane Faye, directeur artistique de Banlieue Rythme et responsable de l'association Katiciaka Communication qui organise le festival lancé en 2001.

Après l'extinction des lumières, Faye levait son chapeau au public de l'édition 2006. En dépit d'un budget revu à la baisse et toujours non bouclé (de 80 à 50 millions de FCFA, de 122.000 à 76.000 euros), "ça a été la plus belle de toutes les éditions", se réjouissait-il, en indiquant qu'environ 71.000 personnes avaient fait le déplacement sur les quatre jours de concerts. Nettement mieux, donc, que celle de 2005 à l'issue de laquelle 40.000 spectateurs avaient été comptés, selon le comité d'organisation.

Le non-habitué n'aurait pourtant pas parié sur une telle participation, en se fondant sur la faible affluence du public - timide et surtout occidental - au concert d'ouverture, le 4 mai à l'Institut français Léopold Sédar Senghor (IFLSS, centre-ville), avec à l'affiche Moustik, jeune rappeur de Pikine (banlieue), ensuite Tarace Boulba, fanfare lancée en France il y a 13 ans par deux ex-membres de Négresses Vertes et aujourd'hui devenue un collectif de musiciens sans frontières. Venaient ensuite le ballet Yengoulène, avant les Capverdiennes Paulette, adepte de "cabo love", et son aînée dans la musique Mariana Ramos, au répertoire plus large, allant de la morna à la coladéra. Mais on comprend pourquoi il y eut peu de monde, quand on considère le prix du ticket d'entrée (3.000 FCFA, plus de 4,5 euros), et le lieu du concert, situé à 1h00-1h30 de trajet du cœur de la banlieue.

Concerts gratuits

Le public s'est décuplé dès le deuxième jour, lorsque le festival a pris ses quartiers avec des concerts gratuits à Guédiawaye, cité-dortoir d'environ 500.000 âmes - certains avancent même le chiffre d'un million d'habitants, soit le 1/10e du total national. Ici, l'évènement s'est fait une place dans le cœur des populations. Les occasions de voir des spectacles à zéro franc sont rares, et la plupart des gens n'ont pas les moyens de payer un ticket de concert. Alors, "tout le monde vient, quand c'est Banlieue Rythme", dit Fallou, un jeune parmi la cinquantaine de personnes impliquées dans l'organisation du festival.

Les spectacles donnés les 5, 6 et 7 mai notamment sur l'Esplanade de la Cité des Enseignants de Guédiawaye le confirment : malgré la fraîcheur nocturne accentuée par la proximité de la mer, l'heure tardive et les bousculades, il y avait des enfants aux pieds nus, des garçons vêtus de T-shirts et jeans extra-larges, des filles au nombril découvert, des mères de famille drapées dans un voile, tapant des mains ou donnant de la voix.

A Guédiawaye, et sur d'autres scènes, sont passés entre autres artistes Madson Junior, petit chanteur burkinabè d'une dizaine d'années et ses compatriotes, les Soeurs Doga ; les Ideal Black Girls de Guinée, quatuor féminin d'audace et de provocation ; leurs collègues sénégalaises du rap Fatim et Ndiaya ; Bonvelela Dance Company (Brésil) ; DJ Jacob (Côte d'Ivoire), le rappeur Fata et Omar Pène, l'un des maîtres du m'balax-roi au Sénégal et parrain du festival.

Retrouvailles et découverte

Au chapitre des belles histoires, Banlieue Rythme 2006 a signé les retrouvailles de Mariana Ramos avec Dakar, ville où elle est née mais où elle n'avait pas remis les pieds depuis qu'elle en était partie à l'âge de trois ans. La petite fille a grandi, elle a oublié la plupart de son vocabulaire en wolof, sa maison natale aussi a changé. "C'est devenu un parking. Ça m'a fait tout drôle de le voir en allant sur les lieux", a confié la chanteuse, fille du guitariste Antonio Ramos dit Toy de Bibia, membre du célèbre groupe capverdien des années 1960-70, Voz de Cabo Verde. Sur scène, Mariana Ramos a montré qu'elle n'avait, en revanche, rien perdu de sa passion pour la musique et pour la danse à travers des morceaux puisés dans son répertoire fort pour l'instant de deux albums solo (Di dor em or et Bibia).

Moustik, Abdourahmane Mamadou Pam de son vrai nom, lui, n'a pas encore d'album dans les bacs, mais il n'en est pas loin. Découvert lors de l'édition 2005, ce jeune ex-danseur de 28 ans, fils de berger qui déroule son flow en couinant et zézayant par moment et se dit "fier d'être peul et banlieusard", a séduit le directeur artistique. Résultat : plusieurs mois de travail, et une production en vue pour l'été prochain sous le label "Banlieue Rythme Musique", indique Ousmane Faye. Banlieue Rythme Musique ? C'est "un projet de studio, de salle de répétition et de catalogue. Nous y travaillons depuis 3 ans", toujours à Guédiawaye et pour la banlieue, précise-t-il.