Complet Mandingue
Dans une ambiance familiale, la neuvième édition du festival Complet’Mandingue à Saint Brieuc a proposé le 13 mai une jolie programmation autour de la musique mandingue entre traditions, métissages, et fécondes embardées hors des terres d’Afrique…
Ouvertures mandingues
Dans une ambiance familiale, la neuvième édition du festival Complet’Mandingue à Saint Brieuc a proposé le 13 mai une jolie programmation autour de la musique mandingue entre traditions, métissages, et fécondes embardées hors des terres d’Afrique…
Sous un soleil légèrement voilé, le public se masse devant la grande salle de Robien de Saint Brieuc dans une ambiance de fête populaire : sur le parking, des vendeurs proposent l’indétrônable galette-saucisse bretonne, tandis qu’à l’intérieur, des effluves de poulet-yassa et d’huile de palme se font sentir.
Cette neuvième édition du festival Complet’Mandingue a commencé le week-end précédent dans des villages alentours avec des groupes régionaux (Fatotié, Ouama…), mais c’est ce samedi 13 mai que se déroule le temps fort du festival. La programmation 2006 consacre toujours une grande part aux musiques traditionnelles d’Afrique de l’Ouest, mais s’intéresse aussi à leur évolution dans le temps, à leurs mutations urbaines ou à leurs fécondes embardées hors d’Afrique...
Dans l’ancien empire mandingue qui s’étendait au XIIème siècle du Sénégal à une partie du Nigéria, et dont le cœur se situait au Mali, les griots allaient de région en région, s’adaptaient aux rythmes locaux, se les appropriaient et les intégraient à leur propre musique. Aujourd’hui, semble raconter la programmation du festival, la musique mandingue voyage à l’échelle du monde et ose d’inédits métissages.
Enregistrement en brousse
En ouverture du festival, la création Farakala participe de cette belle épopée. Produite par le DJ Frédéric Galliano, l’aventure réunit plusieurs musiciens de la Frikyiwa Family et le percussionniste indien Trilok Gurtu pour un croisement d’ambiances, de regards et de rythmes. Pour la troisième date de leur tournée, les musiciens se mettent au diapason. Sur scène, Trilok Gurtu apporte une multitude de rares percussions du sud Mali, mais aussi ses tablas –dont il ne joue pas sur l’album. Le Sénégalais Ali Boulo Santo (kora et au chant), la griotte peule Aïssata Baldé et l’Ivoiro-burkinabé Bachir Sanogo dialoguent avec les percussions de Trilok Gurtu, et créent une musique intuitive, à la frontière de la transe et de l’improvisation. Le percussionniste frappe sur ses tablas, les tambours d’eau, la calebasse ou le shékéré, Aïssata Baldé danse et s’emporte. Le public se laisse aller et la foule devient de plus en plus compacte.
Mais avant de se retrouver sur cette scène bretonne, la rencontre entre Inde et Afrique de l’Ouest s’est faite en une semaine, dans le village de Farakala, au Mali. L’album du même nom s’est enregistré comme toutes les productions de Frédéric Galliano, en brousse, grâce au studio mobile de Frikyiwa. Ali Boulo Santo, membre actif de la Family raconte les extraordianires conditions de création des morceaux et d’enregistrement de l’album : "A Farakala, il n’y a pas d’électricité, on a donc enregistré avec un groupe électrogène. On a construit des cases et le studio avec de la paille. Une fois qu’on a terminé, on a pris la kora et on a commencé à jouer. Cela se passe toujours comme ça avec Frédéric Galliano. Pour cet album Farakala, on n'avait pas préparé les morceaux, j’ai amené mes compositions, Hadja Kouyate a amené ses compositions, Trilok donnait des indications sur la musique indienne. On l’a fait au feeling avec beaucoup d’improvisation". Cette liberté de création jaillit sur la scène du festival et donne une belle impulsion à cette soirée.
Arrivent ensuite sur scène les Ivoiriens de Yamo-Yamo, danseurs et percussionnistes, ou les frères Guinéens Konetakunda et Hamana Tolon, fils de Famoudou Konate, grand maître tambour du pays Malinké de Guinée, avec leurs rythmes endiablés et leur humour ravageur.
Afro-beat en bambara
Mais l’une des révélations de la soirée reste incontestablement Fanga, ce groupe d’afro-beat de sept musiciens à cheval entre l’Afrique et l’Europe, dont le quartier général se situe à Montpellier. Avec un premier album sorti en 2002, un second opus prévu pour l’automne, et surtout des scènes en France et en Europe, Fanga prend la relève, mais donne aux rythmes furieux de l’afro-beat une résonnance bien différente de celle de la fratrie Kuti.
Yves Khoury, l’un des fondateurs de Fanga, originaire de Bobo Dioulasso au Burkina Faso, provient de la scène hip hop et chante avec profondeur un afro-beat humaniste en bambara ou en français. Ce qui frappe surtout dans la performance de Fanga, c’est sa capacité à faire sortir l’afro-beat de ses rails et à en utiliser les codes –longueur des morceaux, rythmes de transe, puissance des cuivres et du discours, pour faire quelques chose de nouveau, de non-identifiable… On pense parfois à l’expérience déjantée mais ô combien réussie de l’alliance de Tony Allen, l’ancien batteur de Féla et de Docteur L, Psycho on da bus…
Sur son prochain album, Fanga a d’ailleurs invité Tony Allen, mais également une griotte malienne qui insufflera l’esprit du Mandé dans la musique dense et urbaine de Fanga. Dans le public l’ambiance est totalement électrique et l’afro-beat à la sauce française dope les corps et les esprits. Le festival Complet’Mandingue prépare sa dixième édition, nous a-t-on dit.