Watine, la Dame du rock

Un pied dans l’électro, l’autre dans la musique classique, Catherine Watine livre, avec Dermaphrodite,  un premier album d’une touchante sincérité. Entre mystère et évidence, sagesse et folie-douce, rencontre avec une nouvelle grande dame du rock’n’roll qui trouve tout naturellement sa place aux côtés de Marianne Faithfull, Nico ou Kate Bush.

Une nouvelle venue au royaume des grandes

Un pied dans l’électro, l’autre dans la musique classique, Catherine Watine livre, avec Dermaphrodite,  un premier album d’une touchante sincérité. Entre mystère et évidence, sagesse et folie-douce, rencontre avec une nouvelle grande dame du rock’n’roll qui trouve tout naturellement sa place aux côtés de Marianne Faithfull, Nico ou Kate Bush.

"Difficile de classer sa propre musique. Même si c’est une question presque obligée, je n’aime pas trop les étiquettes…" Cheveux cendrés, regard azur, Catherine Watine s’interroge en sirotant son Earl Grey. Férue de pop-music mais aussi de rock pur et dur, cette amoureuse de Bach aime également flirter avec les musiques électroniques. Pour parler de Dermaphrodite, son premier album paru cette année sur le label indépendant Catgang, elle a pris l’habitude de réunir quatre mots : folk dream pop électro. "Mon attaché de presse, lui, dit que c’est du rock alternatif. Un jour un journaliste m’a traitée de… Lou Reed au féminin. Un beau compliment !"

A peine maquillée, Catherine Watine a l’élégance naturelle des femmes mûres bien dans leur peau : talons plats, vêtements fluides, pas même une paire de lunettes noires pour se protéger des premiers rayons du printemps. On est loin des clichés du rock’n’roll. "Etre rock, c’est à l’intérieur, explique-t-elle, c’est se laisser la possibilité d’expérimenter la vie. Certains ont la mauvaise habitude de subir la vie. Ce n’est pas mon cas." Une pose et son sourire se teinte d’espièglerie. "Et qu’est-ce que vivre si on n’a pas la curiosité d’expérimenter les choses ?"

S’il s’agit de voyager aux quatre coins du monde, d’aller à la rencontre d’autres cultures, d’autres mentalités, de vivre chaque instant comme une nouvelle expérience, alors oui, Watine est une chanteuse de rock. Comme Marianne Faithfull, Nico, Kate Bush ou encore Bjork, "ces femmes qui osent être ce qu’elles sont." Plus que d’influences, elle parle de famille et l’on comprend qu’il s’agit de celles qui mettent leurs tripes sur la table, leur vie dans leurs chansons, celles qui laissent parler leurs émotions, en toute sincérité.

Sincérité, générosité, partage… autant de notions qui viennent directement à l’esprit à la première écoute de Dermaphrodite. Au-delà des sujets traités ("des choses ressenties mais pas autobiographiques"), c’est la musique qui parle, sans détours et avec passion. Car pour Watine il s’agit avant tout de partager sa passion, ses envies, son enthousiasme. Ces choses même qu’elle ressent sans vraiment pouvoir les décrire… autrement qu’en musique.

Enigmatique et pourtant si direct, le song-writing à la Watine se découvre comme une formule magique. D’une voix calme, la chanteuse tente une explication : "Je suis à l’écoute de ce que l’on pourrait appeler des signes. J’ai tendance à aimer laisser parler tout ce qui me traverse, tout ce qui passe à travers mon corps, mes bras, mes mains, pour finalement atterrir sur les touches du piano."

Au terme d’artiste, elle préfère celui de médiateur. On lui parle inspiration, elle répond instinct. Elle déplace doucement sa tasse de thé, pose ses mains sur la table, ses doigts sur un clavier imaginaire… Elle nous raconte alors les mélodies qui viennent toutes seules, puis les mots, les bouts de phrases qui collent à la musique, "comme une évidence". Le choix de l’anglais aussi lui semble évident, même dans un pays où l’on privilégie la diffusion des musiques francophones. "La musique que je compose est anglo-saxonne par son atmosphère", explique-t-elle, sans vouloir pousser plus loin un débat trop de fois soulevé. Une atmosphère à la fois mystérieuse et chaleureuse, servie à merveille par des arrangements électroniques délicatement agencés. Des envolées de cordes, des cliquetis à peine suggérés, des nappes envoûtantes, des percussions inattendues "comme des reproductions des bruits de la nature… "

On repense aux chansons, leurs bruits, leurs sons, leurs souffles. "Avez-vous entendu ce qui se cache derrière ?" Watine évoque alors les plages du Nord, le bruit du vent et de la pluie tant aimée, les mats des bateaux qui s’entrechoquent. Et on la voit déjà, marchant la tête haute sur une plage déserte, le nez au vent et le sourire aux lèvres. Elle se penche, ramasse un galet blanc, le met dans sa poche, griffonne quelques lignes sur un petit carnet, puis se penche à nouveau pour choisir un bout de bois rongé par les vagues. Elle ramasse, elle récolte, elle s’emplit de nature, de ces signes précieux qui feront danser ses doigts, plus tard, sur le piano droit. Elle s’inspire, elle respire, toujours à l’écoute, toujours consciente de tout ce qui l’entoure. "C’est une chose extraordinaire d’avoir une conscience éveillée, confie-t-elle, d’être juste là, les pieds enfoncés dans le sable, tellement reliée à la nature, consciente de faire partie d’un univers". Puis, comme un secret, elle nous offre quelques lignes griffonnées sous la pluie, une esquisse de chanson : "Et je me suis assise pour mieux voir la force de la vie /Me la mettre en mémoire pour les jours engourdis". Mieux voir la force de la vie… une belle définition du rock’n’roll.

Daphné Kauffmann

Catherine Watine Dermaphrodite (CATGANG) 2006