Ariane Moffatt, la nouvelle scène québécoise
Célébrée au Québec, la jeune chanteuse néo-folk de 26 ans arrive en France auréolée de trois Félix (l’équivalent des Victoires de la Musique), avec dans ses bagages un deuxième album réjouissant. Frais et coloré comme Montréal au printemps. M et Camille ont déjà succombé. Pour gagner le public parisien, elle chante trois semaines à l’Européen.
Un disque et une tournée française
Célébrée au Québec, la jeune chanteuse néo-folk de 26 ans arrive en France auréolée de trois Félix (l’équivalent des Victoires de la Musique), avec dans ses bagages un deuxième album réjouissant. Frais et coloré comme Montréal au printemps. M et Camille ont déjà succombé. Pour gagner le public parisien, elle chante trois semaines à l’Européen.
RFI Musique : Votre premier disque, Aquanaute, est sorti en France à Noël (trois ans après sa sortie canadienne) et le second arrive dans les bacs le 15 mai. Deux disques qui sortent coup sur coup et dans la foulée trois semaines de concert à l’Européen. Vous tentez une razzia sur la France ?
Ariane Moffatt : C’est pour faire croire que j’ai une inspiration très prolifique ! Ce que j’aime dans la sortie très rapprochée de mes deux disques ici, c’est que ça met en valeur ce que j’ai fait jusqu’à présent, en présentant toutes mes chansons en même temps. Ensuite, jouer mes chansons au public français qui ne les connaît pas, ça me rend un regard neuf. Je vais pouvoir tenter de nouveaux arrangements. Je me redécouvre moi aussi.
Le public français vous découvre aussi. Comment vous êtes-vous fait connaître au Québec ?
J’ai commencé à aimer le chant avec un professeur au collège qui nous faisait chanter des comédies musicales comme Starmania. Plus tard, à l’Université de Montréal, je me suis spécialisée en chant et jazz avec piano. Puis j’ai suivi des cours en chant populaire avec une formation plus classique. Dans la pratique, je n’ai pas fini mes études. Le chanteur québécois Marc Déry est venu me tirer des bancs d’école pour partir en tournée avec lui. Ensuite Daniel Bélanger, qui est très célèbre chez nous, m’a engagée à son tour comme clavier. Il m’a permis de faire ses premières parties, puisque parallèlement je travaillais à mon premier album avec un petit groupe. Daniel Bélanger m’a vraiment parrainée, il m’a permis d’accéder à un public extraordinaire.
Vous vous êtes fait connaître en France grâce à M, avec lequel notamment vous avez repris La Bonne étoile. Comment avez-vous fait connaissance ?
Notre rencontre a eu lieu aux Francos de Montréal en 2004. J’étais très fan, j’avais à ce moment-là en fond d’écran de mon ordinateur une photo de lui extraite de Qui de nous deux, qui l’a bien fait rire ! Suite à cela, on m’a proposé de faire un remix d’une de ses chansons. J’ai choisi La Bonne étoile, je l’ai réarrangée sous la forme d’un duo dub, qu’il a beaucoup aimé. Comme il revenait à Montréal, on a pu la chanter tous les deux sur scène. Plus tard, il m’a invitée à faire La Musicale sur Canal + et j’ai commencé à bosser les maquettes de mon deuxième album avec lui. Il m’a présentée beaucoup d’artistes de sa clique. J’ai retrouvé une sorte de légèreté à être dans cette famille, à pouvoir faire de la musique en toute simplicité avec des gens que j’estime comme Albin de la Simone ou Mathieu Boogaerts. J’ai appris beaucoup grâce à M, je le considère un peu comme un coach, au même titre que Marc Déry ou Daniel Bélanger au Québec, qui m’ont les premiers, fait confiance.
Vous vous êtes fait une identité musicale en piochant dans de nombreux genres musicaux, qui vont de l’électro au jazz, de la chanson au rock en passant par le r'n'b. Vous n’avez pas peur de vous perdre un peu ?
Pour définir mon style, j’ai inventé le concept "rhythm & grunge", sur la base du r'n'b, dans le sens où les guitares sont assez "dry", où le côté groovy est important, avec des basses un peu dub. Je joue une pop pleine d’influences, qu vont de Camille à M, de Ben Harper à Tori Amos en passant par Nick Drake ou le jazz norvégien ! Peut-être que je me cherche encore. Mon deuxième disque est certes dispersé, mais je crois lui avoir donné un enrobage sonore qui relie les chansons entre elles. Je vois mes chansons comme quelqu’un que l’on habille. Je compose un morceau très nu, que j’ai tout de suite envie d’habiller au mieux. Mes arrangements sont comme une garde-robe très variée, élaborée entre Paris, Montréal et mon chalet de Sutton, dans les Cantons de l’Est.
Sur des textures musicales variées, vous posez des textes très personnels, souvent autobiographiques. D’une manière générale, on remarque depuis quelques années un renouveau de la chanson québécoise, avec des artistes comme Marie-Jo Thério, Pierre Lapointe ou vous…
Les artistes québécois mettent plus leur univers en avant, ont davantage confiance en leur singularité. En même temps, ils sont très ouverts, très solidaires aussi, il y a une belle générosité. La qualité des artistes québécois, c’est d’être à la fois unique et de garder le sens du collectif. Ça donne une force, ça permet à tous les artistes de faire leur chemin en même temps. Je suis contente qu’en France il y ait un phare qui s’allume pour cette nouvelle scène-là, comme au début des années 2000 avec vos artistes. Ça permet de donner leur chance à des chanteurs qui ont vraiment une plume personnelle et qui défendent leur singularité culturelle. On n’est plus dans une formule pré-établie, chacun chante et écrit à sa façon.
Ariane Moffatt Le Cœur dans la tête (Labels/Virgin) 2006
En concert jusqu'au 20 mai puis du 23 au 26 mai et du 30 mai au 3 juin à l’Européen à Paris