L'âme de Padam
Des histoires qui nous rappellent quelqu’un, des petits instants poétiques, une teinte d’amertume et des clichés piochés dans les cafés de quartiers : Padam a extrait de cet univers une atmosphère brute et pleine d’émotion sur T’es Belle, son troisième album qui révèle des mélodies plus calmes et feutrées.
Humaniser la galère
Des histoires qui nous rappellent quelqu’un, des petits instants poétiques, une teinte d’amertume et des clichés piochés dans les cafés de quartiers : Padam a extrait de cet univers une atmosphère brute et pleine d’émotion sur T’es Belle, son troisième album qui révèle des mélodies plus calmes et feutrées.
Nader Mekdachi, la voix éraillée et chaude de Padam, écrit et compose tous les morceaux. Il a rencontré l’accordéoniste dans le métro, le bassiste sur les terrasses des cafés du 18e arrondissement de Paris, le batteur était un de ses copains, comme le pianiste qui les a rejoints il y a deux ans. “Il joue de l'orgue Hammond et du Rhodes et participe à cette envie commune d’ouvrir le répertoire vers un son plus abouti”, explique le chanteur. De ses premières inclinaisons tziganes et orientales portées par une java swinguante, Padam n’a gardé que quelques lampées dansantes pour passer à des sonorités plus intimistes. “J’ai décidé d’arrêter de faire de la musique pour danser, j’avais l’impression de m’enfermer dans un style alors que j’ai des influences musicales très diverses.” Fini les morceaux "à la manière de" – Khaled pour l’Orient ou Kusturica pour les Balkans – Padam trouve sa propre couleur musicale, tantôt orientale, tzigane ou africaine, toujours enivrante mais plus folk et intimiste. Sur T’es Belle, “on ne trouvera pas de refrains à reprendre en chœur ou de quoi faire chauffer les pistes de danses”, mais des mélodies léchées, des rythmes chaloupés et une invitation à se blottir au creux de la voix harponnante de Nader.
Belle comme le réel
“Pour écrire, je pars toujours sur des traits de caractère qui sont plutôt considérés comme des faiblesses. J’aime dépeindre les gens, leurs défauts, leurs fragilités, ça permet de faire ressortir l’humanité et la fragilité de chacun.” Toujours des histoires d’amour foireuses, l’esprit parigot, le bitume, les soirées arrosées, le cœur gros mais l’espoir toujours bien harnaché. Ses chansons sont comme des petites saynètes de films qui peignent des personnages pour la plupart inspirés de sa propre expérience. “Il y en a marre des winers bronzés aux dents blanches, corrects et bien rasés, j’aime aller dans les émotions fortes, vers l’humanité, la sueur, le pas beau.” Un penchant qu’il cultive pour raconter ses désillusions, ironiser le tragique et dépasser les frustrations. Une belle façon d’embellir le quotidien. Nader considère cet album comme un passage, une proposition intermédiaire. “Il y a encore deux morceaux avec des influences un peu world. Bye Bye et ses rythmes yougos et Les Rainures, une espèce de transe orientale,” qu’ils font durer un quart d’heure en concert. Car la transe, même si elle plus retenue, est toujours au rendez-vous. “Il faut que ça sente la terre, le roots, c’est pour ça que je m’inspire des musiques traditionnelles.”
Reculer pour mieux sauter
Libanais, célibataire, 32 ans, le sourire en coin et les cheveux en bataille, Nader raconte son parcours avec une distance ironique, la même qui imprime l’atmosphère sensible de T’es Belle. “Au début, on jouait dans les bars pour avoir la picole à volonté. On y allait à l’énergie. Ce qu’on voulait, c’était faire la fête avec les gens.” De bar en bar, il reprend les répertoires de Dylan et Nat King Cole avec un guitariste et un harmoniciste, entre deux mariages juifs au cours desquels il parfait son répertorie yiddish. Le groupe réalise une maquette de chansons acoustiques java rock dans une MJC de Créteil pour démarcher les cafés-concerts. C’était il y a huit ans. Une assistante du label Next Musique les repère et les signe illico pour un premier album éponyme. Un soir de concert, un tourneur leur propose de faire la première partie de Souad Massi à l’Olympia. “On était super excité, mais on s’est retrouvé sur une scène énorme à faire un concert pas adapté à l’espace qui nous était donné. Et puis on a enchaîné le lendemain dans un MJC devant un public soixantenaire, fini le champagne et le guacamole !” Retour à la réalité, les concerts se succèdent, mais leur album ne se vend pas assez. À côté de la plaque, un second opus plus world, sort en 2003 sur le même label qui fait faillite six mois plus tard. Nader décide de rebondir pour développer d’autres activité à travers RNW, un label monté avec ses deux frères. “J’ai pris le temps de mûrir mes envies rock et folk à travers des compos pour les autres et accumuler du fric pour continuer cette aventure.” Padam pause les jalons d’une musique érotique et tendre, sur fond de vies écorchées. Une sorte de nouveau western, des roses à la place des colts, une atmosphère surannée mais ancrée dans le réel.
Padam T'es belle (RNW/Pias) 2006