Les Rendez-vous de Terres Neuves
Du 25 au 27 mai derniers, se déroulaient dans une cité de Bègles - banlieue bordelaise -, les Rendez-vous de Terres Neuves. Un festival entre musique et engagement, organisé au cœur d’une cité par les membres du groupe Noir Désir. RFI Musique était présent pendant les trois jours. Reportage.
Noir Désir organise un festival citoyen
Du 25 au 27 mai derniers, se déroulaient dans une cité de Bègles - banlieue bordelaise -, les Rendez-vous de Terres Neuves. Un festival entre musique et engagement, organisé au cœur d’une cité par les membres du groupe Noir Désir. RFI Musique était présent pendant les trois jours. Reportage.
Yves-Farge est une cité HLM comme les années 60 en ont beaucoup produit. Il y a des tours, recouvertes par des tuiles bicolores, des jeunes qui jouent au foot sur les parkings, et un supermarché. A Yves-Farge, ou du moins juste à côté, il y a aussi une friche industrielle : Terres Neuves. En fait, d’anciens ateliers militaires avec barbelés sur les murs d’enceinte et vitres cassées, que l’on transforme peu à peu en studios d’enregistrement. "Les Hurlements (d’Léo) viennent désormais répéter ici", assure Pierre, photographe et ancien batteur du groupe bordelais. Logique donc que Denis Barthe et Jean-Paul Roy, le batteur et le bassiste de Noir Désir, aient choisi cet endroit pour implanter Les Rendez-vous de Terres Neuves. Trois jours de concerts et "d’agitation citoyenne" dans l’esprit d’Un Jour à Bordeaux, le show géant donné par Noir Désir en juin 1997, et de Septembre Ensemble. Ce festival co-organisé par Zebda et prévu pour septembre 2003 qui n’a jamais vu le jour, en raison du drame de Vilnius. Récit de trois jours de musique in cité.
Jeudi 25. Le rap et la cité. Seize heures trente, premier débat. Le thème proposé est vaste. Il s’agit de s’interroger sur la place des contre-pouvoirs, face au pouvoir des politiques. Pêle-mêle, on parle critique des médias, Contrat Première Embauche (CPE), usine aéronautique qui doit fermer. Hamé, chanteur du collectif rap La Rumeur, polarise la conversation sur l’embrasement des banlieues Françaises de novembre 2005. "J’ai été bouleversé par cette explosion, par la durée et l’intensité de ces révoltes", précise-t-il avant de pointer du doigt sur les mesures "répressives" prises par le gouvernement. Le second débat peut commencer, même si côté scène, Wahrehouse 99 Project déverse déjà son flot de rock qui débouche les artères.
19h30. ADN entre en scène. Dans le public, les jeunes lèvent les bras au ciel. Ici, tout le monde connaît Nadir, le lutin d’Yves-Farges qui, avec son association La Spirale organise des ateliers d’écriture et d’apprentissage de la musique assistée par ordinateur. La prestation est carrée. Pour les jeunes de la cité, qui reprennent en chœur le titre phare du chanteur (L’Union fait la force), c’est le moment fort de la soirée. Une demi-heure plus tard, aux suivants : La Rumeur. Avec leur rap engagé, et balancé dans un flow maîtrisé, les Parisiens arrivent même à surprendre les amateurs de rock. Entre deux titres, ils évoquent la cité : "On dit que c’est à cause de nos textes que les jeunes brûlent les voitures. Mais au contraire, c’est en nous empêchant de mettre des mots sur nos maux, qu’il y a de la violence." Et pour terminer, ils saluent "les habitants de cette cité dortoir". Après ça, Thiéfaine n’a plus qu’à confirmer qu’il se présente aux présidentielles. Puis à envoyer, dans une orchestration électrique ses titres phares, dont La fille du coupeur de joints ou le récent Confessions d’un Never been.
Vendredi 26. Rock around Noir Désir. Aujourd’hui, pas de débats, pas de rap non plus. La soirée commence avec la Bordelaise Mélanie Valéra (alias Tender Forever) et sa pop à l’américaine. Sur scène, elle est seule. Mais elle occupe l’espace comme quatre. Elle mime, elle danse, elle s’accroupit et au final, elle scotche le public. Suivent Deportivo et la Grande Sophie.
Il est aux environs de 22h30. Cali déboule, accompagné de Denis Barthe et Jean-Paul Roy. D’emblée, il attaque avec Elle m’a dit. La section rythmique de Noir Désir se fait plaisir, Cali aussi. Ça se sent, ça s’entend. Il interprète son premier tube C’est quand le bonheur , puis enchaîne avec God Save the Queen des Sex Pistols et I wanna be your dog, des Stooges. Public extatique. Un rappel : A ton étoile, l’un des plus beaux titres de Noir Désir. Sur scène comme dans le public, l’émotion se lit sur les visages. En coulisse, l’entourage du groupe en a des frissons. Nous aussi. On aurait pu sans problème en rester là. Mais Dionysos et son leader, le trublion Mathias Malzieu en ont décidé autrement. Leur concert, parsemé d’hommages à Noir Désir (le medley Song For JLP, Song for a Jedi, Tostaky), est comme à l’habitude, tout en énergie. Mais ce soir, il y a quelque chose en plus.
Samedi 27. La classe de Didier Wampas. Pour les festivaliers, la dernière journée est souvent mi-figue, mi raisin : on sent la fin, on veut déjà tirer les bilans... Ces rendez-vous de Terres Neuves ne font pas exception à la règle. Certes, comme les deux soirées précédentes, il y a du monde aux balcons des tours, pour voir les concerts. Mais rien n’est vraiment comme la veille. A part la démonstration des Wampas, et surtout celle de son chanteur, Didier Wampas. "Bonjour mes chéris, bonjour mes amours", lance-t-il. Puis, c’est parti. Vêtue d’une tenue léopard, il saute dans tous les sens, parcourt la scène de long en large, traverse le public, va rendre visite aux techniciens, revient pour une interprétation de Petite Fille sur laquelle il fait monter les femmes des quatre -ou cinq- premiers rangs et envoie tout ses tubes dont le fameux Chirac en Prison. Après une telle performance, Louise Attaque peut juste essayer de faire de son mieux en alternant ses succès (Amours, J’ t’emmène au vent, Léa) et les titres de son dernier album : A plus tard Crocodile.
Le bilan de ces trois jours, alors ? Peu de public sur le site (entre 1000 et 1800 personnes chaque soir alors que les organisateurs en attendaient entre 4000 et 5000), beaucoup de monde sur les balcons, une volonté de faire avancer le débat citoyen malgré une coupure nette entre le village associatif et les concerts, mais aussi de beaux moments de musique.
A voir et à écouter sur le Festival des Terres Neuves