L'aventure anglaise du Volume Courbe

Derrière Le Volume Courbe se cache la Française Charlotte Marionneau. Partie vivre à Londres en 1995, elle sort I Killed My Best Friend, un premier album de pop intimiste lo-fi publié sur le label de Damon Albarn, leader du groupe britannique Blur.

Rencontre avec Charlotte Marionneau

Derrière Le Volume Courbe se cache la Française Charlotte Marionneau. Partie vivre à Londres en 1995, elle sort I Killed My Best Friend, un premier album de pop intimiste lo-fi publié sur le label de Damon Albarn, leader du groupe britannique Blur.

RFI Musique : Est-ce pour faire de la musique que vous êtes partie à Londres ?
Charlotte Marionneau : À l’origine, je suis surtout partie pour chercher du travail dans des maisons de disques ou dans des discothèques. Je faisais déjà de la musique en France, mais je ne suis pas venue en Angleterre avec l’idée de faire un disque. J’ai chanté pendant deux ou trois ans dans un groupe qui s’appelait Toyns, on a fait une dizaine de concerts mais pas de disque.

Vous êtes partie outre-Manche à l’aventure ?
Complètement ! En juillet 1995, je suis arrivée à Londres toute seule, avec un sac à dos et l’adresse d’une personne que je n’avais rencontrée qu’une fois en France. J’avais envie de partir, donc je ne me suis pas trop posée de questions, ni trop inquiétée. J’ai trouvé un job dans une boîte de duplications de vidéos, cela m’a permis de prendre une chambre. J’habite toujours dans le nord de Londres, dans le quartier de Hampstead.

À Londres, comment avez-vous mis un pied dans le monde de la musique ?
Après ce job, je voulais organiser des concerts pour des groupes français. J’ai monté une petite tournée pour le groupe Autour de Lucie, je les avais faits venir, ils dormaient chez moi. Ils ont fait des concerts dans des pubs et des petites salles, et c’est là que j’ai fait la rencontre de Keith Cullen, responsable de Setenta, la maison de disques de Divine Comedy et Edwyn Collins. Il savait que je faisais cette tournée gratuitement, par passion, et que je voulais travailler dans un label. Il m’a dit “Viens lundi”, cela s’est fait en cinq minutes. C’est Keith qui m’a poussé à continuer ma musique. Il m’a fait rencontrer Simon Raymonde, des Cocteau Twins, avec lequel j’ai enregistré en 1997 le single In My Place.

Vous travaillez plutôt en solo…
Je n’arrivais pas à trouver de musiciens avec qui jouer, avec qui musicalement ça passe. Je commençais à faire un peu de guitare, donc je me suis dit que j’allais essayer de créer un morceau toute seule, pour voir ce que cela donnait. C’est le premier titre de l’album, Harmony. Un ami m’a présenté Alan McGee (le découvreur d’Oasis, ndr), du label Poptones. Après avoir écouté deux fois le morceau, il m’a demandé si je voulais que l’on fasse un album ensemble. Je ne m’y attendais pas du tout.

Comment est né cet album ?
Je n’aime pas trop les studios, parce que je les trouve froids. Et il y a toujours cette pression de devoir enregistrer vite car la location coûte cher. Je suis plus à l’aise chez moi, j’ai un enregistreur dix-huit pistes, un sampler et des enceintes, un matériel assez basique. Mais l’album a été mixé en studio pour que cela sonne un peu plus professionnel. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui travaillent ainsi, parce que c’est moins cher et parce que le matériel est plus accessible. Les musiciens sont venus enregistrer chez moi ou bien je suis allée parfois chez eux.

Et comment avez-vous été repérée par Honest Jons, le label de Damon Albarn ?
Un ami leur a fait passer mon CD pour demander conseil aux gens de ce label. Ils ont tout de suite aimé. C’est vraiment une chance car cela reste difficile d’être signé par une maison de disques en Grande-Bretagne. Désormais, il faut délivrer un produit quasiment fini, que le concert soit rôdé. Il y a dix ans, les groupes arrivaient avec un CD démo, si les maisons de disques entendaient qu’il y avait du potentiel, elles donnaient une chance au groupe.

Quel est le regard d’une Française à Londres sur la musique des deux côtés de la Manche ?
Depuis les Daft Punk et Air, les Anglais ont une autre image de la France. Et Serge Gainsbourg est très respecté ici, mais cela ne fait pas si longtemps. Dans l’approche de la musique, je pense que les Anglais sont plus productifs car ils se posent moins de questions que les Français, qui ont tendance à intellectualiser. Et à ce niveau-là, je reste bien française !

Vous chantez surtout en anglais, pourquoi ce choix ?
C’est naturel. Quand j’essaye d’écrire un e-mail en français, ce n’est pas super, alors pour écrire des chansons… Si une chanson me venait à l’esprit en français, je l’écrirais telle quelle. Je n’ai rien contre le fait d'écrire des morceaux en français, mais souvent, lorsque j’écris des paroles, elles me viennent en anglais.

Vous revendiquez une attitude punk…
Être punk, c’est faire ce que l’on veut, sans considérer ce que les autres font ou de ce qu’ils vont penser. Je me suis dit que j’allais faire ce que je pouvais avec ce que j’ai, sans formation musicale.

Le Volume Courbe I Killed My Best Friend (Honest Jons/EMI) 2006