Nicolas Peyrac, un nouveau siècle
Les cheveux plus longs et grisonnants mais l’éternel sourire aux dents du bonheur : Nicolas Peyrac revient avec son seizième album studio. Vice versa souffle la trentième bougie d’une carrière contrastée.
Vice versa
Les cheveux plus longs et grisonnants mais l’éternel sourire aux dents du bonheur : Nicolas Peyrac revient avec son seizième album studio. Vice versa souffle la trentième bougie d’une carrière contrastée.
C’est en 1975 que Nicolas Peyrac explose et des titres comme So far away ou Et mon père font désormais partie de la mémoire collective. Depuis, son parcours s’est fait bien plus discret. Mais malgré l’absence des médias et des tournées il a tranquillement enchaîné les albums, tout en s’exilant au Québec et en faisant fi des modes. "Je ne suis pas désenchanté mais lucide et j’essaie d’être honnête. Je suis très conscient, par exemple, que certains de mes albums n’ont pas été ce qu’ils auraient dû ou pu être. Aujourd’hui, les pièces du puzzle sont réunies. Il y a le fait d’être loin, d’être bien dans ma tête et ma vie, le fait que le best of sorti l’an dernier a été bien accueilli". Et puis il y a ce dernier né, Vice Versa, concocté avec la famille musicale habituelle, l’Australienne Anette Wyle, l’Américain Bruce Gaitsch, le Français Fabrice Gratien. Un petit monde qui a pris son temps pour fabriquer cette seizième galette, loin de toute maison de disques, juste l’envie.
L’album s’est au départ articulé autour de Ne me parlez pas de couleurs, une chanson qui clame l'indignation de Peyrac face au racisme. "Elle est sortie en avant-première l’an dernier et elle a été censurée sur certaines radios. J’ai même fait deux émissions de télé où la chanson a été coupée au montage. A mon avis, quand on dit 'Drôle de France que celle qui rejette / Qui condamne à priori' ça doit rester au travers de la gorge. On peut parler des droits de l’Homme mais pas nommer la France. J’ai même reçu un mail qui me disait que ma chanson était une honte absolue, que je voulais culpabiliser les Français."
Ce titre est rejoint par un autre, Laisser glisser qui enfonce le clou sur le thème du racisme. Quant au reste, le sujet préféré du chanteur est remis en avant : l’amour, mais cette fois avec un grand A, avec tranquillité et douceur. Comme Deux inconnus qui s’aiment, une chanson qui apparaît deux fois, dont une en duo avec la comédienne Mathilde Seigner. "Au départ je l’ai écrite en pensant duo et j’imaginais Mathilde Seigner. Mais comme je ne la connaissais pas, je l’ai enregistré tout seul, et pour moi, ça allait rester ça. Le hasard a voulu que l’an dernier je me retrouve à un dîner chez Mathilde. En arrivant, j’ai vu certains de mes disques. J'ai appris qu’elle m’aimait bien. Donc voilà, elle a enregistré en une demi-heure, on n’a pas changé la tonalité, c’était évident, enfantin, ça devait se faire."
Chanson pour Sarah
Et puis il y a cette chanson si touchante, ce Et je t’aimais déjà délicat qui parle de l’adoption, un titre discrètement dédié à Sarah, la petite fille d'origine chinoise que Nicolas Peyrac et sa compagne ont vu entrer dans leur vie il y a un an et demi. "C’est une des plus grandes expériences de ma vie. J’ai vécu un genre de maternité. On a attendu à deux, on a espéré à deux, on est allé la chercher à deux. Elle illumine mes journées du matin au soir, je fais tout en fonction d’elle. Il y a un conseil de Kipling que j’ai toujours cité : 'Si tu peux, reste digne en étant populaire', il était déjà vrai avant mais encore plus maintenant. Parce que maintenant ses yeux me regardent et que j’ai envie qu’elle ait de moi une image d’honnête homme, classe, digne."
Elle peut être tranquille la petite Sarah, son papa n’a pas à rougir. L’accueil de Vice versa se fait plus chaleureux, les médias semblent ouvrir leurs bras de pieuvre. "C’est parti pour marcher, je ne sais pas si ça va durer. J’ai reçu un mail l’autre jour d’un type qui disait : 'pour moi, Nicolas Peyrac, c’était ennuyeux voire emmerdant. Je retourne ma veste avec ce disque.' Aujourd’hui les journalistes me disent trouver cet album formidable et ça ne m’est jamais arrivé. Il doit y avoir un truc dans ce disque qui les a touché et qu’il n’y avait pas dans les autres. Mais quoi ? Je n’en sais rien. C’est peut-être le fait que l’on ait tout fait live…peut-être…ou que je chante moins haut, que j’ai tout baissé par rapport à ma tessiture, les gens retrouveraient la voix grave qu’ils avaient dans la tête."
Le chanteur s’interroge mais les illusions ne se fabriquent plus facilement. Il sait combien le succès est fragile et capricieux, combien il ne tient parfois à rien de vraiment tangible. A bien y réfléchir il s’en moquerait presque, sauf peut-être sur un seul point. Celui qui serait finalement sa véritable victoire : "J’aimerais vraiment que les gens dépassent leurs a priori, qu’ils cessent de se dire que Peyrac, ça sonne 70. Quand cette barrière sera dépassée, alors ce sera gagné."
Nicolas Peyrac Vice Versa (Warner Music France) 2006