Hostile Records

Le label Hostile Records fête ses dix ans avec la sortie d'Hostile 2006 - Changer la donne pour les dix ans à venir. Un challenge à la hauteur de ce label précurseur qui s’est donné les moyens de défendre le rap sans dénaturer son essence révoltée. Retour sur la recette d’un succès annoncé par une première compilation coup de poing en 1996.  

Mi-90, alors que le hip hop a déjà explosé aux Etats-Unis, le rap reste encore globalement ignoré par les majors qui tremblent à l’idée de devoir pactiser avec la rue. C’est dans ce contexte que Benjamin Chulvanij, aujourd’hui président du groupe Capitol, entreprend de répondre à l’hostilité ambiante avec la création d’un label 100% hip hop en 1996.

Hostile Records, dont le logo n’est autre qu’une grenade prête à être dégoupillée, amorce l’explosion d’un rap riche et effervescent contraint au silence. "La ligne artistique du label a toujours été d’aller sur un rap français sans compromis, proche de la rue, sans avoir à entrer dans les formats dictés par les radios", atteste Antoine Benichou, directeur du label depuis août 2005 après sept années passées à la cellule hip hop chez Barclay. "Dès le départ, Hostile a été soutenu par la radio Skyrock et les deux ont un peu explosé ensemble".

La recette fonctionne aussitôt avec la sortie du premier tube de La Clinique et Doc Gynéco, Tout saigne, réalisé par Tefa et Masta – le duo Kilomaître, alias Kilo pour Tefa et Maître pour Masta. Ces deux-là entament dès lors une collaboration sur le long terme avec Hostile en produisant notamment les derniers succès de Diam’s et la réalisation de la compile Hostile 2006. C’est peut-être aussi un des atouts d’Hostile que de savoir rester fidèle.

Retour en 1996, Skyrock passe au 100% rap et la première compilation du label sort dans la foulée. Si Hostile Hip Hop volume 1 scotche les amateurs du genre et interpelle les novices c’est parce qu’elle répond à un public exigeant par un casting ambitieux. Directement inscrite dans la lignée de la première compilation de rap français, Rapattitude, sortie en 1990, elle révèle notamment les XMen, Arsenik, 2 bal, Sté, La Clinique et Lunatic. Ce dernier, composé du duo Booba et Ali, entonne Le crime paie, un classique qui a fait école depuis.

Une exigence à toutes épreuves

Avec 80000 copies écoulées et une première mission hautement réussie, Hostile Records se forge un nom est un label de qualité. Quatre ans plus tard, l’équipe remet le couvert avec un volume 2 qui s’avère trop timide et discret derrière les grosses productions en cours. Hostile enchaîne les succès avec les albums d’Arsenik, Pit Bacardi, les compilations Première Class du Secteur A, Diam’s, Rohff, Iam, Akhenaton, MC Jean Gab’1, la liste est longue, le succès toujours au rendez-vous, l’exigence tatouée.

Aujourd’hui, tout porte à croire que le label surfe sans mal sur la vague des téléchargements intempestifs. Une grande partie du milieu hip hop se reconnaît dans les productions du label et l’ensemble des médias a tourné ses projecteurs vers le rap. Mais si le label sort encore sa carte du jeu c’est aussi parce qu’il a su se positionner à temps sur les nouveaux médias et répondre aux attentes d’un public intransigeant, gourmant et majoritairement fauché. "Diam’s, notre gros succès de l’année, s’est fait au delà du lancement classique par le biais du digital, des partenariats MSM, des activités sur les forums et des mises en avant de sonneries" déclare Antoine Benichou. La rappeuse représente 50% des ventes de sonneries chez EMI. "On applique aussi une politique du prix bas, Hostile 2006 se vend à 9, 99 euros en magasin et on a tourné beaucoup d’images en studio pour vendre des petits épisodes sur le web."

Du sang neuf

Place à la nouvelle génération. "C’est une des raisons pour laquelle on a fait Hostile 2006, du sang neuf avec de nouvelles idées, plus de professionnalisme chez les rappeurs, une meilleure connaissance du marché et toujours une radio leader sur cette cible." Skyrock, bien entendu. Avec une sélection de dix-sept rappeurs dont Youssoupha, Bakar, Despo’Rutti et James Izmas, la compile Hostile 2006 n’a pas la prétention de révolutionner le rap comme sa grande sœur mais de changer la donne pour les années à venir.

Un challenge que Tefa et Masta ont tenté de relever en réunissant une large palette de styles et de couleurs musicales, peut être aussi pour pallier à l’uniformisation d’un discours de plus en plus réducteur. "Hostile est une alternative au rap commercial, mais, sur le plan des idées, j’aimerais que les rappeurs appellent à plus de respect et de tolérance. Je les engage à mieux connaître leur histoire au risque de passer pour un papy," reconnaît Tefa qui s’en remet aux valeurs de la Zulu Nation : "Peace, love, unity & havin’ fun". Reste à espérer que la relève opère un retour aux sources et que le label Hostile, au-delà de son rôle de défricheur de talent participe à l’émergence d’un rap pacificateur… À suivre pendant la prochaine décennie !