Dans la peau d’Orange Blossom

Dans les coulisses du groupe nantais

75 minutes intenses où se mêlent chant arabe, violon, nappes techno et percus. Orange Blossom a délivré une des prestations les plus fiévreuses (et des plus atypiques) de ses Francofolies. Flairant le bon filon, RFI Musique a suivi les sept membres de l’équipe avant, pendant et après le concert. Dans les loges comme si vous y étiez.

19h : Vilnius, Londres, Le Havre. Tel est le menu des trois dernières journées d’Orange Blossom. La petite troupe est arrivée en camion sur La Rochelle, il y a un peu moins d’une heure. Les quatre musiciens se reposent à l’hôtel. Déjà sur le site de la Motte Rouge, Florent, le technicien lumière, attend le matériel. Il se sert un café long comme le bras.

19h : Vilnius, Londres, Le Havre. Tel est le menu des trois dernières journées d’Orange Blossom. La petite troupe est arrivée en camion sur La Rochelle, il y a un peu moins d’une heure. Les quatre musiciens se reposent à l’hôtel. Déjà sur le site de <?xml:namespace prefix="st1" />la Motte Rouge, Florent, le technicien lumière, attend le matériel. Il se sert un café long comme le bras.

19h30 : PJ, le violoniste, fait son apparition. Il se trimballe d’énormes valises sous les yeux. Première destination : la cafetière. Les trois autres le suivent au compte-goutte, dans le même état visible de fatigue. La balance (le réglage des instruments sur scène) se traîne au rythme des bâillements.

Les questions existentielles s’enchaînent : qui va partir à l’autre bout du site pour une interview ? Quand est-ce qu’on mange ? Est-ce qu’on aura le temps de prendre une douche ?

20h : PJ se sert son deuxième café. Leila, la chanteuse, seule volontaire, ira répondre aux questions de la radio partenaire du festival. Le planning est serré, on va lui livrer un plateau repas.

20h50 : La balance touche à sa fin. Carlos, batteur programmeur, peaufine les réglages de sa nouvelle console. L’ancienne s’est perdue sur un vol Air France quelque part en Allemagne. Il a dû à nouveau entrer toutes les séquences électroniques qu’il lance pendant le concert. Un travail de titan. Heureusement tout est maintenant revenu à la normal. Il se promet, sans conviction, qu’il fera maintenant des sauvegardes.

21h25 : PJ se sert son troisième café. Tout le monde sauf Leila, part au restaurant à deux pas.

21h28 : Mathias, le percussionniste, et PJ se mettent à table avec Patricia et Philippe, les deux responsables de la structure du Trempolino à Nantes. Le concert doit commencer dans moins d’une heure, les serveurs sont débordés, les deux musiciens intarissables sur leurs derniers voyages. Les filles de Vilnius si belles et nombreuses que tu attrapes très vite un torticolis. Le Yémen et son aéroport moyenâgeux, l’architecture hors du temps de la capitale. Ils aimeraient vraiment y retourner. Leur souvenir le plus fort ? La Palestine. Ils ont joué à Ramallah. "Un jour avant le concert, ça pétait, deux jours après aussi." L’accueil était mémorable, la soirée gigantesque. Une fois les instruments remisés, les habitants les ont emmenés faire la fête dans les collines. "Le plus fatiguant, c’était pas de voyager mais de se lever tôt pour visiter un bout des pays qu’on traversait vitesse grand V. "

21h50 : Le repas, des brochettes de poissons, est enfin servi. Ils ont dix minutes pour manger. PJ commande un café. Carlos s’éclipse à l’hôtel pour prendre une douche.

22h10 : La digestion même pas entamée, l’équipe repart vers la Motte Rouge. En cinq minutes tout s’est précipité. Mathias ne semble pas plus perturbé que ça : "ça fait trois mois que la tournée a commencé. Maintenant on se connaît par cœur. "

22h15 : Les yeux de Leila luisent de colère, la voiture qui devait venir la chercher pour l’interview n’est jamais arrivée. Elle a fait le pied de grue pour rien. PJ court dans la loge. Il revient avec une bouteille. Chaque technicien à droit à un petit bouchon du breuvage : du "999", un alcool lituanien, idéal pour digérer et donner un coup de fouet. Mathias s’écarte, il marche raide comme un piquet, les yeux dans le vague.

22h20 : "Il fait le coup à chaque fois !" Plus de résignation que de colère dans cette phrase lâchée par l’équipe technique, Carlos n’est toujours pas revenu de l’hôtel. Le concert devrait normalement commencer maintenant. Les temps de passage sont minutés. Quoiqu’il arrive Orange Blossom devra quitter la scène à 23h20.

22h25 : Toujours pas de Carlos. PJ se sert un nouveau café. Leila vocalise dans la loge.

22h35 : Enfin Carlos arrive ! En un rien de temps, les quatre sont sur scène. PJ se concentre, balance trois fois la tête en avant, se retourne face au public. Les premières notes filent de son violon. Il saute comme un cabri. C’est parti pour une heure sur les chapeaux de roue. Des bâtonnets d’encens enroulés par cinq embaument. Les quatre musiciens sont impressionnants de complicité. Le public, deux fois plus nombreux que la veille pour Pierpoljak, saute dans tous les sens.

23h17 : "Oh la belle bleue ! ", le feu d’artifice déchire le ciel au-dessus du vieux port. Devant la scène de la Motte Rouge personne ne s’en émeut. Carlos vient d’envoyer le gros son. Véritable transe sur et hors de scène.

23H30 : Déjà 10 minutes de retard, Enzo, le régisseur, fait les gros yeux. Le groupe salue un public qui aurait bien demandé une ration supplémentaire. Complètement vidé, Leila, PJ, Mathias et Carlos se retrouvent près des loges. Ils dégoulinent de sueur.

23h32 : Leila retourne sur scène, elle a oublié ses tatanes. Carlos se justifie : "C’est vrai que je suis toujours en retard, ça doit être mes origines mexicaines, personne n’est jamais à l’heure là-bas." L’ambiance retombe doucement. Pour Orange Blossom, la  fin du marathon approche. Ils vont avoir cinq jours de repos avant de repartir au festival des Vieilles Charrues. La tournée s’arrête le 19 août. Leila décompresse lentement : "On a fait soixante dates en six mois, il me faudra bien un mois pour m’en remettre…"

Ludovic Basque