La déferlante québécoise
Dobacaracol & Pierre Lapointe à la Coursive
Après les valeureux Cowboys Fringants, qui ont su insuffler leurs airs de fête à la grande foule du Saint-Jean d’Acre, d’autres Québécois viennent de nouveau d’allumer le feu des Francos : Dobacaracol et Pierre Lapointe. Rien à voir pourtant entre leurs deux univers : les premières sont deux filles à l’énergie époustouflante, qui revendiquent une « chanson métissée » faite de voyages, d’africanité et de percussions ; quant à Pierre Lapointe, il est en train de s’imposer comme la nouvelle valeur sûre de la chanson québécoise, chanson classique ou pop, à l’écriture toujours très soignée. Les unes font dans la danse, voire la transe ; l’autre fait dans la subtilité mélodique et textuelle. Ils se sont succédés avec le même succès sur la scène de <?xml:namespace prefix="st1" />la Salle Bleue. Ambiance confinée et surchauffée.
Il y a moins d’un mois, elles avaient fait vibrer d’autres Francos, celles de Montréal, où elles n’ont plus grand-chose à prouver : chez elle, ces deux filles là ont leur public, fidèle, fervent, qui se laisse aller sans compter au plaisir de leurs morceaux endiablés. Mais en France, il faut bien dire que personne, ou presque, ne les connaît encore. Le pari n’était donc pas gagné d’avance : deux jeunes femmes parfaitement blanches qui se comportent sur scène comme des Africaines, vus avouerez ça peut dérouter… Pourtant, elles n’auront pas mis longtemps à conquérir les curieux venus tenter l’expérience. Difficile de résister : nos deux chanteuses-danseuses-percussionnistes font une musique terriblement entraînante, vivante et dansante. Leurs sourires et leurs voix mélangées dérideraient les plus grincheux. Spectacle aussi visuel que musical. Les diablesses ne cessent de bouger. Et le public des Francos, un peu ébahi par tant d’énergie, s’est très vite laissé gagner par cette déferlante de sons et de gestes. Le thermomètre a failli exploser, l’applaudimètre aussi.
Pierre Lapointe en pointeAvec lui, autre allure, autre tempo… mais même passion dans la salle ! Le chanteur n’a donné ici qu’un aperçu de son dernier spectacle (50 minutes tout rond), en mettant en avant des morceaux plutôt mélancoliques, mais en finissant avec le titre le plus remuant de son dernier disque (« Deux par deux rassemblés »). Résultat : l’écoute longtemps très attentive du public s’est subitement muée en une cascade de bravos et de cris, aux franges de l’hystérie collective ! On comprend. Si vous ne connaissez pas encore ce grand jeune homme de 25 ans, élégant et surdoué, il est temps de retenir son nom. Pierre Lapointe est sans conteste la nouvelle étoile de la chanson québécoise - lui aussi d’ailleurs était à l’affiche des dernières Francos de Montréal. Au piano, au micro, très sombre ou plus pop, il livre des chansons sophistiquées, petits bijoux de mots et de notes. Un régal pour les sens et le sens. Il est même tellement doué, l’animal, qu’il est capable de passer d’un instant d’un registre à l’autre, quitte à brouiller un peu son image (il adore ça), le tout avec une belle voix souple et chaleureuse. En septembre, son deuxième album sortira en France, suivi d’une série de spectacles. C’est sûr, on en reparlera.
Valérie Lehoux