Redlegs, Kwal et Grand Corps Malade
Eclectisme musical au Grand Théâtre
Un peu de fraîcheur, enfin, sur les Francofolies. En ce jour où le mercure dépoussière encore allègrement le haut du thermomètre, Jeanne Cherhal et JP Nataf nous offre une petite heure de douceur dans le Grand Théatre de la Coursive. Kwal prend la relève avec son hip hop plutôt sombre. En guise de final, Grand Corps Malade pour un spectacle captivant.
Pour les deux musiciens, le but reste avant tout de se faire plaisir. Jeanne Cherhal et JP Nataf ont chacun leur univers mais des goûts musicaux communs. Gainsbourg, Kate Bush, Souchon, Nancy Sinatra… Seuls, avec juste une basse et une guitare, ils alignent des reprises malines et bien ficelées.
Le répertoire est large, des standards de la chanson française (Vesoul) au r’n’b anglais (Dy-na-mi-tee de Miss Dynamyte). Leur complicité fait plaisir à voir et à entendre. Chaque intermède tourne au ping pong verbal. JP n’arrive pas à voir les paroles des chansons, Jeanne se moque. "Toi t’es jeune !" lui lance-t-il. "Non je suis pro, rétorque-t-elle ; et puis arrête ça fait amateur !" Il conclut dans l’hilarité général : "Bon d’accord, on est semi pro alors." Symbole de cette prestation bon enfant : un avion en papier vient s’écraser sur la scène lors du final.
L’ambiance vire du tout au tout avec Kwal. Lumières tamisées, beats sombres. Le rappeur d’Anger propose une musique consciente mais pas franchement gaie. Un brin désarçonné, le public met du temps à comprendre le propos et se réveille malheureusement à la fin du set. Dommage, la musique et le propos valent le détour. Rares sont les formations hip hop à inviter des rappeurs maliens (Lassy King Massassy) ou à proposer des duos violoncelle - morin khuur (l’équivalent africain).
Celui que tout le monde attend, c’est Grand Corps Malade. Initialement prévu dans la petite Salle Bleue, le phénomène du slam a été déplacé dans le Grand Théâtre. Et franchement, il le mérite. Avec sa voix à rendre jaloux un gros fumeur et ses textes tour à tour drôles et graves, il propose une prestation bluffante. Son succès discographique lui permet d’amener en tournée, pianiste, percussionniste, guitariste et quatuor de cordes. La musique ne sert ici qu’à poser l’atmosphère, l’important étant de valoriser la richesse du langage et sa diction hypnotisante. Ces poèmes urbains sont des bijoux taillés dans la richesse de la langue française. Le public entièrement, acquis à sa cause, l’ovationne dès son entrée et se lève à l’issue du premier morceau. Fabien n’occulte rien : le handicap, sa vie d’avant son accident, il va même jusqu’à se peindre dans le rôle d’un misanthrope. On ne peux s’empêcher de vibrer à chacune de ses paroles. Attention le propos n’est pas que grave, on rie ici souvent. Mention spéciale à Ma tête, mon cœur et mes couilles, ou la description tellement vraie de l’Appartement d’un célibataire. En un mot : bravo !
Ludovic Basque