Yann Perreau

Chanteur, musicien, auteur-compositeur… Et bête de scène. A 30 ans, Yann Perreau, artiste multiple et imprévisible, sévit au sein de la nouvelle garde de la chanson québécoise. Entre rock, pop barrée, chanson tendre et techno, il s’amuse. Avec, pour seul fil rouge, une énergie démente.

Un funambule made in Québec

Chanteur, musicien, auteur-compositeur… Et bête de scène. A 30 ans, Yann Perreau, artiste multiple et imprévisible, sévit au sein de la nouvelle garde de la chanson québécoise. Entre rock, pop barrée, chanson tendre et techno, il s’amuse. Avec, pour seul fil rouge, une énergie démente.

"Sur scène, je suis mon pire ennemi ! J’aime tellement jouer avec le déséquilibre, musicalement et physiquement, que je m’aventure souvent dans des zones dangereuses". Comme ce soir de concert, aux dernières FrancoFolies de Montréal, quand Yann Perreau a tourné sur lui-même trop longtemps, et qu’il a fini par se casser la figure… "Je me suis relevé tout de suite, ce n’était pas grave. Les musiciens se sont marrés, ça a créé une complicité avec le public."

Yann Perreau est ainsi : amoureux du risque et des frissons qu’il provoque. Conscient qu’en flirtant avec, il crée sur scène des moments uniques, à même de capter l’attention des auditeurs les plus frileux. Aux Déferlantes francophones de Capbreton, fin juillet, il n’a pas hésité à démarrer son concert par un a capella de Liberté de Barbara, chanson écrite par Georges Moustaki. Une façon adroite de tendre la main au public français et d’introduire La Cage en or, l’un des titres phares de Nucléaire, son dernier album. L’entrée en matière fut périlleuse, mais réussie : la salle en est restée bouche bée, fin prête à donner une chance à ce Québécois inconnu de (presque) tous - certains ayant déjà croisé l’énergumène à la Maison du Québec de Saint-Malo ou en prélude aux concerts de Jacques Higelin et de son fils, Arthur H.

L’indomptable

Pieds nus, le jean relevé sur les mollets et rejoint par ses musiciens (un bassiste, un guitariste, un batteur et un DJ multi-cartes), Yann a pu attaquer la suite. Une heure et demie d’ascension musicale ! De la voix dénudée, il nous a fait grimper sur des sommets techno. Avec une étape "bossa-nova psychédélique", une autre gentiment rock (Guerrière) et celle, à la pop tendue, de Grande Brune (titre écrit et offert par Arthur H).

Sans oublier des détours par la new wave, l’électro ou le piano-voix. "Ce n’est pas que je n’ai pas trouvé mon son, c’est juste que j’élargis au maximum, pour créer une magie et parce que je me suis forgé avec Richard Desjardins, Led Zepplin, Gainsbourg et la rock-country québécoise !", sous-titre l’intéressé.   

La scène a beau être "son  terrain de jeu", ce funambule ne rechigne pas à se frotter au public en descendant dans la fosse, caméra au poing. "Pendant un concert, je suis à la recherche de l’énergie effervescente. Pour la trouver, je sollicite le public, je fais des blagues et surtout, je bouge !". Vrai. La position statique, Yann Perreau ne connaît pas. Ses pieds sont toujours bien arrimés au sol ("des vieux restes de ma formation théâtrale"), mais le haut de son corps gesticule sans arrêt. Pour mimer un oiseau qui s’envole, danser ou souffler dans un tube relié à un mini-piano.

Pendant un an, après des études de lettres à Montréal, une expérience avec le groupe de rock Doc et les Chirurgiens et un voyage en solo à travers les Etats-Unis, Yann a été marionnettiste : "J’ai appris à faire parler et bouger un objet, jamais je n’oublierai que c’est possible."  Alors, même face à des spectateurs français "plus cérébraux et moins physiques que les Nord-Américains", il danse et vit son spectacle à fond. Finissant par transformer l’avant-scène en dancefloor, stroboscopes à l’appui. Pas étonnant qu’il compose en ce moment pour une troupe de danse contemporaine… On l’imagine aussi fort bien improviser, enfant, des mini show sur le zinc du bar tenu par ses parents à Joliette (Québec), devant une ribambelle de frères et sœurs dont il est le dernier-né.

Yann Perreau se dit pourtant timide dans la vie. Et c’est vrai que, hors projecteurs, il est calme, discret, attentif. Quand il sourit, les deux fossettes qui lui percent les joues trahissent même une âme sensible. Celle qui pond des paroles poétiques en diable ("J’t’ai aimée jusqu’à la corde/Triste poupée/J’en ai pleuré des cordes/La fonte des neiges éternelles/À épuiser la folie" sur Triste poupée). Mais la dérision reprend vite le dessus, avec le titre La vie n’est pas qu’une salope, qu’il scande sans se soucier du parler correct.

Ce mélange d’impertinence et de naïveté réussit pour l’instant bien au jeune talent de la "relève" québécoise : un premier disque en 2002 (Western Romance, avec Gilles Brisebois de la Sale Affaire de Jean Leloup à la réalisation), un prix Félix-Leclerc de la chanson en 2003, 7 nominations au Gala de l’ADISQ- l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo. Et pour Nucléaire, l’opus qu’il défend en ce moment en tournée, Yann Perreau s’est octroyé les services de Mathieu Ballet et Joseph Racaille, proches d’Alain Bashung et de Thomas Fersen… Il y a pire comme pedigree !

Yann Perreau Nucléaire (Fullspin Musique) 2005, pas encore distribué en France mais disponible sur http://www.yannperreau.com/