Saïd, pour l’amour du r’n’b

Premier album

Très belle voix du hip hop phocéen repérée au sein du Prodige Namor ou comme choriste du Troisième Œil ou d’Akhenaton, Saïd publie De Swing et de Soul, son premier opus solo. Conçu et réalisé avec la complicité de Shurik’N (IAM), De Swing et de Soul réévalue à la hausse l’image du r'n'b à la française.

Portée par un bouche-à-oreille favorable, la sortie du premier opus de Saïd n’est pas "gagnée" selon l’expression même du chanteur. "Aujourd’hui, ce n’est pas simple. Un clip ne suffit pas à tirer tout un album. Pour vendre des disques, il faut absolument que les radios suivent et de ce côté-là rien n’est encore joué" avouait avec simplicité Saïd au début de l’été. Si De Swing et de Soul est son premier opus solo, Saïd connaît tout de même bien les arcanes du bizness de la musique et celui du hip hop en particulier.  

Au milieu des années 80, il approche l’embryon de mouvement marseillais par la danse. En 93, il intègre Le Prodige Namor, combo hip hop indé cornaqué par Namor, l’un des pionniers de la scène marseillaise. "En 99, j’ai préféré passer à autre chose. Avec Namor, nous n’avions plus tout à fait les mêmes envies" explique-t-il, sans aucune animosité à l’égard de son ancien collègue. Devenu choriste du Troisième Œil, il accompagne la formation marseillaise pendant 3-4 ans tout en plaçant quelques featurings singuliers comme ce Perfect Love de Blackfeet. Cette tentative sans suite de balayer sur le dancefloor les frontières entre house et hip hop a été publié par Chicayork, le label de Fafa de Superfunk et Def Bond, un ex-Soul Swing & Radical.

Naturellement dans un milieu où tout le monde se connaît, où IAM fait figure de grand frère qui a réussi, Saïd connaît Shurik’N depuis des années. "Le courant est passé est très rapidement, mais il a fallu attendre 2004 avant de se lancer tête baissée dans ce projet" ajoute celui qui a durant un an retrouvé pratiquement tous les jours son mentor pour permettre concevoir ce répertoire. Depuis, signé sur 361 Records, le label d’Akhenaton, Saïd a inscrit son nom dans la mémoire du public comme choriste sur Les Murs de ma Chambre, le dernier single de son patron.

Un hommage au rhythm’n’blues

Tranchant par bien des égards avec les prods hip hop habituellement déposées aux pieds de la Bonne Mère, De Swing et de Soul est né du désir de Saïd et Shurik’N de retourner aux racines du rhythm’n’blues d’antan, de lui rendre hommage. "C’est la matrice, là d’où tout vient : le jazz, le reggae, le gospel et le hip hop." Personne n’ira le contredire. Surtout pas Shurik’N qui peut là exprimer tout son goût pour le vieux son, pour la soul et le rhythm’n’blues des grandes années.

"La différence entre ce nouveau projet et la masse des productions hexagonales de r’n’b entendues ces dernières années réside dans le fait que les instrus sont des instrus hip hop, des instrus plutôt dépouillés, mais des instrus de hip hop réalisés par Shurik’N, (à l’exception de J’y Crois, un titre envoyé aux radios avant même la sortie et signé par Faf Larage, le frère de Shurik’N et autre membre du feu Soul, Swing & Radical – NDR). On ne cherche pas à plagier les Ricains, juste à produire un son d’aujourd’hui capable de parler aux anciens, un son avec du fond, avec un passé. Sur cette quinzaine de plages, c’est la voix qui impose la mélodie !". 

Une voix qui chante des textes aux registres très variés écrits avec Shurik’N. "Il n’y a pas photo, Shurik’N a une plume plus fine que la mienne. 20 ans d’écriture, ça forme un style" reconnaît  en toute humilité le chanteur qui a apprécié la collaboration. "On a beaucoup parlé, échangé et surtout beaucoup travaillé pour que l’album soit à la hauteur de nos envies. On avait placé la barre haute."

Impatient de monter sur scène

Humble, il reconnaît que "beaucoup de gens vont découvrir Saïd avec ce premier opus." C’est pourquoi, il l’a souhaité multiple. De Swing et de Soul, le titre éponyme pose le décor en ouverture d’album. Chaud devant, plus destiné à la scène, précède un Je vous dit merci, où Saïd s’amuse des moqueurs, des colporteurs de ragots qui lui ont permis de se blinder, d’aller plus loin  car "ce qui ne te tue pas, te rend plus fort." Maudite bouteille, Y’a un tas de choses, Laisse-moi faire ce que j’aime, seul sans elle ou Quand j’vous regarde sont plus intimes, personnels ou traitant de sujets graves. Narratifs, descriptifs, C’est ce qu’on est, Tu me prends la Tête ou Charlie sur fond de blues élargissent la palette du chanteur au fil de peintures sociales précises. Dans mon Monde qui revient sur ses rêves d’ado et le très festif Ça me soule pourrait réconcilier sur le dancefloor les différentes tranches d’âge de son public. A vérifier sur scène dans les mois à venir, puisque le chanteur proposera dans un premier temps quelques dates accompagné d’un clavier, d’un DJ et de danseurs, avant de revenir avec un spectacle plus abouti. "Je ne suis pas un MC, mais un chanteur. J’ai besoin d’un vrai show, de live" affirme-t-il impatient.

Saïd De Swing et de Soul (361 Records/Naïve) 2006