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Charlotte Gainsbourg revient à la musique. La fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin sort un album intitulé 5.55’, concocté avec Air… et en anglais.
Charlotte Gainsbourg sort son album 5.55’
Charlotte Gainsbourg revient à la musique. La fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin sort un album intitulé 5.55’, concocté avec Air… et en anglais.
"Révélée" par son duo Lemon Incest avec son père, Charlotte Gainsbourg avait poursuivi dans la chanson avec Charlotte For Ever, écrit et réalisé par le même. C’était en 1986. Depuis, elle est devenue une actrice respectée, Serge Gainsbourg a disparu, sa mère, Jane Birkin, a commencé à chanter d’autres œuvres que celles de son ancien pygmalion. Et voici qu’elle sort 5.55’, album écrit avec Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, le duo d’Air, réalisé par Nigel Godrich (producteur de Radiohead, Paul McCartney ou Beck), sur des textes de Jarvis Cocker (ex-Pulp) et Neil Hannon (Divine Comedy). Une intrusion inattendue dans une pop élégante et "classieuse", pour reprendre une expression de son père.
RFI Musique : La sortie de votre album est une surprise. Depuis Charlotte for Ever, il y a exactement vingt ans, on ne vous avait pas entendu manifester l’intention de revenir à la chanson…
Charlotte Gainsbourg : Je ne me sentais aucune obligation. Tant que le projet n’avait pas démarré, je n’en ai pas parlé, même à mes amis. Je ne me suis pas mis la pression. Je n’avais pas du tout l’impression d’être attendue, vu que je n’avais jamais dit que j’allais faire quelque chose dans la musique.
Tout au long de la préparation du disque, on s’est toujours donné le temps. J’ai rencontré Jean-Benoît et Nicolas de Air en 2003, à la sortie d’un concert de Radiohead, alors qu’ils travaillaient sur Talkie Walkie avec Nigel Godrich. Dans une première étape, on a vu qu’on avait tous envie de faire quelque chose ensemble. Puis nous avons commencé à travailler, à avancer petit à petit pendant un an de studio, entrecoupé de tournages.
J’avais un vrai souci par rapport aux paroles. J’ai vite formulé le choix de chanter en anglais parce qu’en français, c’était trop proche de mon père – et trop proche en moins bien. Mais je pense aussi que si on m’avait donné un texte formidable, je ne l’aurais pas vu. Nous formions une équipe tous les quatre, Jean-Benoît, Nicolas, Nigel et moi et il était difficile de faire venir quelqu’un de l’extérieur. Nous formions un noyau et avions envie que les choses fonctionnent entre nous. Nous avons tous essayé d’écrire des textes et tout ce qui était en français ne fonctionnait pas. Nigel est venu à la rescousse en disant qu’on pouvait demander à Neil Hannon pour nous dépanner sur certains textes. Il est venu mais il n’a pu rester que deux jours. Ensuite, j’ai eu un long tournage en Argentine et tout s’est arrêté pendant quatre ou cinq mois. Puis nous avons eu l’idée d’appeler Jarvis et, à ce moment-là, nous étions une équipe de cinq. Dès lors, il y a eu une vraie cohérence dans les textes et on a pu approcher du but.
Morning Song, la dernière chanson de l’album est créditée comme étant inspirée d’un poème de vous…
C’est un texte que j’avais écrit en anglais, dont j’étais très fière. Nigel m’a dit qu’il était fait pour être dit et non pour être chanté. Je parlais de manière très simple et, quand Jarvis l’a repris, il y a amené un petit vice qui rend la chanson plus intéressante. J’ai aussi compris l’importance de la sonorité des mots : ce n’est pas parce qu’un texte est joli qu’il peut être chanté. Ce sens-là, ce n’est pas un talent que j’ai, en tout cas.
Est-ce le même métier d’être actrice et chanteuse ? C’est très différent. D’abord, c’est une cellule tellement petite. Pour l’enregistrement des musiques, nous étions quatre dans le studio, cinq quand il y avait le batteur, ce qui est tout petit, comparé au cinéma. Et quand moi, j’ai chanté les chansons, j’étais seule Nigel. Et puis on n’a pas un rapport à la caméra comme on peut avoir un rapport au micro. On se sent plus caché, c’est plus intime. Les choses qui passent dans le micro ne sont pas les mêmes que devant la caméra. J’ai l’impression que, devant la caméra, on n’a rien à faire, elle perçoit plus de choses, même si on se tait. Avec le micro, il faut être plus intentionnel, plus volontaire. Pendant l’enregistrement, j’avais parfois l’impression de faire passer des choses et, quand j’écoutais, il n’y avait rien – enfin, pas assez.
Ce disque est-il le début d’une carrière dans la chanson ?
Je n’ai pas encore de recul par rapport à ça. J’ai eu envie de faire ce disque et ça s’est passé vraiment au mieux. Mais je n’ai pas du tout pensé à un deuxième ou à troisième disque après cela. Je sais que j’ai pris un tel pied dans la musique que je ne serais pas honnête en disant que j’ai envie d’arrêter là. Je voudrais que ça continue mais je ne sais pas encore comment.
Vous voyez-vous mener une carrière comme celle de votre mère, à la fois chanteuse et actrice ?
J’adorerais avoir toutes ces casquettes. Elle le fait tellement simplement, s’épanouit dans tous les domaines. Elle a une vraie boulimie de travail, ces dernières années – là, elle vient de finir de tourner son propre film, dans lequel elle joue elle-même. Dans la chanson, elle s’est construite avec mon père puis y a pris son indépendance. Je ne pourrais pas avoir le même parcours qu’elle, forcément. Mais je sais que j’adore jouer dans les films et j’ai adoré faire cet album. Peut-être n’ai-je pas à abandonner quoique ce soit.
Comptez-vous faire de la scène ?
Je ne sais pas encore. Je me laisse encore la possibilité de ne pas savoir. J’aimerais beaucoup parce que je vois bien que c’est un plaisir énorme, à entendre ma mère ou Etienne Daho en parler. Je veux avoir le courage de le faire. Je suis arrivée à chanter dans un micro derrière un rideau. De là à pouvoir chanter sur scène, je ne sais pas. Mais ça donne envie.
Avez-vous l’impression que ce disque fait partie d’un courant musical en particulier ?
Pas du tout. Ce n’est pas que j’ai envie de me considérer comme à part, mais je n’ai jamais fait partie du milieu de la musique. Ça a toujours été mon père et ma mère, et moi je n’avais pas vraiment ma place – mais je ne l’ai pas cherchée non plus. Je ne me considère pas comme chanteuse mais l’envie était vraiment là et j’ai eu envie de l’assumer. Et puis je ne sais pas quels sont les courants musicaux aujourd’hui. Je sais la place et l’influence qu’a mon père. Mais au-delà, je ne sais rien.
Charlotte Gainsbourg 5.55’ (Because-Warner) 2006