Concert en blanc pour le Liban

Un concert de soutien au Liban s'est tenu le 5 septembre dernier au théâtre du Ront-Point des Champs-Elysées, à Paris. A cette date, devait en fait avoir lieu la troisième édition du Liban Jazz Festival. L’actualité de ces dernières semaines en a décidé autrement... Karim Ghattas, organisateur de cette manifestation a rassemblé des grands noms du jazz français et international pour une soirée pleine d’émotion et de symboles.

Jazz solidaire

Un concert de soutien au Liban s'est tenu le 5 septembre dernier au théâtre du Ront-Point des Champs-Elysées, à Paris. A cette date, devait en fait avoir lieu la troisième édition du Liban Jazz Festival. L’actualité de ces dernières semaines en a décidé autrement... Karim Ghattas, organisateur de cette manifestation a rassemblé des grands noms du jazz français et international pour une soirée pleine d’émotion et de symboles.

Deux heures avant le début du concert, un homme élégant aborde les passants devant le Théâtre du Ront-Point des Champs-Elysées à la recherche désespérée d’une place. Au guichet, on est formel : "C’est complètement complet". Des femmes s’en retournent, déçues. A 20 h environ, une foule hétéroclite de spectateurs se masse devant le théâtre. On y parle joyeusement arabe, français, ou les deux à la fois. La soirée s’annonce pour le mieux.

Le Liban Jazz festival, qui devait se tenir à Beyrouth du 5 au 20 septembre, est concentré en une soirée de soutien au Liban, dont les recettes seront reversées à la Croix Rouge libanaise. Une belle affiche de musiciens a répondu à l’appel. Certains, comme Julien Loureau ou Bojan Z devaient jouer à la même date, à Beyrouth, en ouverture du festival.

D’autres entretiennent un rapport fort avec le Liban, et se sont proposés tout simplement, pour participer à cette soirée par sympathie pour le symbole ou pour Karim Ghattas, le fondateur du Liban Jazz festival. Pour lui, qui a hésité à quitter le Liban, "imaginer ce concert à Paris, c’était une manière, l’espace d’un moment, de faire taire les bombes. C’est aussi montrer que la vie culturelle au Liban ne s’est jamais arrêtée. L’essentiel est là : que la musique continue".

Jazz, musique de liberté

Entre le blues twenties de Camille, de Sébastien Martel, et d’Ibrahim Maalouf, le oud virtuose des frères Joubran, ou le jazz revigorant d’Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier, le concert a témoigné de la belle vitalité du jazz. De sa réactivité aussi. Pour plusieurs musiciens, que le Liban Jazz festival ait lieu aujourd’hui à Paris était une évidence. Mina Agossi raconte une expérience forte et intime du Liban à travers ses concerts de la seconde édition du festival, ainsi que sa rencontre avec un public libanais "qui grignote la vie". Elle insiste : "Dans le jazz, chacun s’exprime sur un sujet : ainsi le jazz permet cela, se mettre à l’écoute des autres, écouter le monde... " Et donc de se mobiliser.

Julien Loureau moins prolixe, garde cependant un souvenir ému de ses 24 heures passées à Beyrouth en 97, après une tournée à Damas et Alep. "Beyrouth est une ville surprenante, plus ouverte que je ne l’avais imaginée. Et j’en garde un souvenir de ville méditerranéenne, vivante, pleine de sons... Je suis là parce que si je ne pense pas que la musique peut changer le monde, elle peut soigner les maux. Et puis le jazz n’est pas qu’une musique, c’est aussi une philosophie de la vie, c’est une musique de liberté, voire même libertaire, pacifiste et guérisseuse ... " La quasi totalité des artistes présents oscillent d’ailleurs entre une musique en forme de cri, d’utopie, d’apaisement ou de révolte.

Jazz, musique de liberté

Car au delà des belles rencontres entre musiciens, certains moments étaient vertigineux d’émotion. Cette reprise a capella de Mina Agossi  du titre Il y avait une ville de Claude Nougaro, ou le morceau tout en fragilité de Magic Malik, visiblement très ému, montraient effectivement que malgré la douleur, le pays du cèdre respire encore.

Pour Ibrahim Maalouf, seul artiste libanais présent,"symboliquement, c’est très fort. Quand on parle de destruction tous les jours, monter cette soirée au pied levé, en un mois, était un vrai défi. Et le fait que tous ces artistes aient répondu présent est une réussite très enthousiasmante". Chacun était solidaire à sa manière. Ainsi, lorsqu’Archie Shepp, invité à la première édition du festival, chante de sa belle voix soul le dernier morceau de la soirée : "Je ne peux pas rentrer chez moi, rentrer chez moi, à la Nouvelle Orléans", les gorges se serrent en même temps que les pieds battent la mesure.

Et l’on bascule grâce à un ouragan de cuivres, à la précision de la contrebasse et au piano libertaire de Cheikh Tidiane Seck, dans les valeurs universelles qui ont fondé jazz. "I say peace", clame Archie Shepp, superbement entouré par ses musiciens. Exhortant chacun d’entre nous à transformer nos espoirs déçus en "révolution", Archie Shepp incarne véritablement l’objectif de cette soirée. Et la nécessité de rester debout, la tête haute, malgré tout.