Hip Hop Deconstruction

Alléchante affiche réunie par le contrebassiste-encyclopédiste Daniel Yvinek sur la scène parisienne du Point Ephémère. L’édition 2006 du festival Jazz à la Villette lui a laissé libre improvisation deux soirées de suite. Pour la première, il a convié le slammeur Dgiz, Marco Prince (chanteur de FFF) et Cyril Atef (batteur de -M- et Bumcello). De grands moments de communion…dyvinek !

Yvinek improvise en quatuor

Alléchante affiche réunie par le contrebassiste-encyclopédiste Daniel Yvinek sur la scène parisienne du Point Ephémère. L’édition 2006 du festival Jazz à la Villette lui a laissé libre improvisation deux soirées de suite. Pour la première, il a convié le slammeur Dgiz, Marco Prince (chanteur de FFF) et Cyril Atef (batteur de -M- et Bumcello). De grands moments de communion…dyvinek !

Ultime recommandation à la fin du réglage son en fin d’après-midi : "Je veux qu’on se regarde tout le temps", précise Daniel Yvinek, "Je vais vous faire des signes mais je ne sais pas quand !" Le pari est de taille, le quatuor n’a jamais joué ensemble. Le contrebassiste se voit d’ailleurs plus comme chef d’orchestre que musicien sur ce coup là.

Le soir venu, les ténèbres baignent encore la scène quand Dgiz se fait entendre. Ce rappeur-slammeur entremêle son et sens, la bonne vanne au bon moment. Premier succès. Yvinek lance une nappe à mi-chemin entre ambient et dark house. La voix aussi douce que des caresses, Marco apparaît, soul sur un sample de cordes. Derrière ce terme inquiétant de "Hip-Hop Déconstruction", rien d’intellectualisant ou de purement expérimental, l’hôte de la soirée n’a qu’une envie : utiliser les techniques du rap (boucles, éléments funky) pour amener ses convives sur des terres inconnues.

Le directeur est coulant, les musiciens se laissent le temps de la découverte. Chacun essaie les instruments de l’autre. On teste ce qu’on trouve : guimbarde, sifflets, cendriers. Frissons garantis quand Atef et Marco se livrent à un duo de batterie.

Feu-follet farceur, Dgiz s’affirme vite comme le véritable maître de cérémonie. En équilibre sur le bord de la scène, il apostrophe l’assistance, se lance dans des improvisations bluffantes, le débit toujours aussi élastique.

D’abord bien cadrée, la scène se transforme en auberge espagnole, un clarinettiste, un slammeur, une trompettiste, un autre slammeur apparaissent. Yvinek s’y perd, ne sait plus qui présenter. Après un nouveau moment de flou, le temps pour tout le monde de prendre ses marques, le groove reprend le dessus. Le contrebassiste-chef d’orchestre prend Cyril Atef à partie dans une véritable démonstration d’électro-jazz, signe avant coureur d’un épique combat de cuivre. Les trois slammeurs se la donne à cœur joie, dépassant le simple plaisir des mots au profit d’une fusion musicale et rythmique. Deux heures sont passées, les lumières se rallument. Comme des enfants trop gourmands, beaucoup auraient aimé plus. Toujours plus.

3 questions à Marco Prince

Comment cette soirée t’a été présentée?
On ne me l’a pas présentée, c’est certainement pour ça que je suis là ! Je suis ce qu’on appelle un "party coupeur", je n’aime pas du tout les jams [faire tourner un morceau ou une mélodie pendant longtemps]. C’était connu comme le loup blanc avec mes camarades de FFF qui étaient des jammers fous. Je n’y prend pas de plaisir. Je l’ai déjà fait mais, ça va être un peu prétentieux, s’il n’y a pas possibilité de création, d’élever un petit peu, de construire, je m’emmerde. C’est peut être aussi parce que je suis chanteur. C’est une place un peu particulière, tu te retrouves à faire make that funk ou des vocalises pendant une heure, ou alors tu essaies de faire lever le poil. Ça met du temps et ça ne réussit pas à tous les coups. Donc c’est un peu périlleux et c'est ça qui m’excite. Je n’ai pas fait de scène depuis 5 ans.

FFF, ça en est où ?
FFF est en grandes vacances ! Mes camarades sont éparpillés un peu partout sur la planète : Espagne, Etats Unis, Sud de la France et nous sommes deux à Paris. On s’envoie des mails, on se fait un peu peur en se disant : "La semaine prochaine on se réunit" puis il y a toujours un truc qui meurt dans l’œuf. C’est dans nos cœurs et dans nos têtes, l’endroit principal.

Tu as des projets en solo ?
Pour le moment parlons de cette soirée, on verra plus tard. [10 minutes après la fin  l’interview, il nous glissera] Ici je suis invité. Par politesse je ne vais pas faire ma promo mais je sors un album de jazz, chez Blue Note en janvier prochain. On aura le temps d’en reparler…