François Hadji-Lazaro tout en nuances

Personnalité forte de la scène rock des années 80, François Hadji-Lazaro a affiné cette silhouette presque caricaturale, sans rien perdre de ce qui faisait sa force de caractère. Aigre-Doux, son nouvel opus, allie avec fraîcheur et humour, saveurs d’un autre temps et techniques de production très actuelles, textes poétiques et points de vue polémiques.

Un album Aigre-Doux

Personnalité forte de la scène rock des années 80, François Hadji-Lazaro a affiné cette silhouette presque caricaturale, sans rien perdre de ce qui faisait sa force de caractère. Aigre-Doux, son nouvel opus, allie avec fraîcheur et humour, saveurs d’un autre temps et techniques de production très actuelles, textes poétiques et points de vue polémiques.

"J’ai toujours un peu mélangé les influences, toujours un peu mélangé les musiques, toujours été un peu à côté de la plaque" rappelle celui qui fut Los Carayos, Garçons Bouchers et Pigalle avant de signer ses albums de son propre nom. "J’ai toujours été très intéressé par le folk, le folk américain, mais je n’ai jamais pu me limiter à un seul style car je m’ennuie vite" ajoute François Hadji-Lazaro, précisant au passage que ce n’est que pour satisfaire les habitués des petites cases qu’il a créé quatre entités (Boucherie Prod, Chantons sous la Truie, Abathrash, Acousteak) au sein du label Boucherie Productions qu’il a fondé au milieu des années 80. "Je ne comprends pas pourquoi, alors qu’on a redécouvert la world il y a plus de 20 ans, on soit encore obligé de procéder de la sorte. Boucherie a été pendant 15 ans le seul label indé multi-directionnel" s’emporte-t-il, fustigeant au passage l’industrie musicale et son conformisme.

Des chansons courtes aux titres longs

Aigre-Doux est son 23ème opus, le troisième sous son nom si l’on excepte François detexte Topor, un album paru en 1996 sans autre référence patrimoniale. Aucune de ses 13 nouvelles chansons ne dépasse le cap des 3 minutes 30, même si leurs titres s’étalent parfois sur deux lignes. "Je n’aime pas les morceaux long et ai horreur des solos" confie-t-il. "Mes musiques sont généralement courtes dès le premier jet. De plus, au fur et à mesure du travail, elles ont plus tendance à fondre qu’à s’étoffer. C’est pour les textes que j’ai parfois plus de difficultés. Mais je n’ai pas besoin de sortir la tronçonneuse pour autant. Je préfère manier le rasoir."

Précis comme un barbier, il taille des textes réalistes, engagés (Libéral) replongeant au cœur de la Grande Guerre et de sa barbarie (En cet Hiver de 1915, il m’avait dit qu’il vous aimait très fort) ou traînant ses guêtres en usine (40ème Jour de Grève, A la Chaîne). Plus légers dans leurs formes, les textes d’A y’est Le Monde est en Cul de Sac, Ce que je perçois depuis le Ventre de Ma Mère… ou Moi, Je suis Cannibale et Je suis Un Petit Cochon sont affûtés à l’humour, tandis que Ma Petite Grande, écoute-moi ou Tu ne reviendras plus sont plus sensibles, intimes. "Que mes chansons soient tristes ou rigolotes, j’aime qu’elles disent quelque chose sur le monde dans lequel on vit. Avec les Garçons Bouchers, on était expert dans l’art du quinzième degré. Moi, Je suis cannibale et Je suis un Petit Cochon est une chanson dont la problématique est gastro-philosophique. Je ne fais pas de différence entre une secte et les religions “officielles”. Si je n’ai rien contre quelqu’un qui croit, j’exècre les idéologies qui entourent tout cela. Je suis sûrement trop con, mais je ne comprends pas comment ces idéologies peuvent véhiculer autant d’images niaises."

Bientôt sur scène

Tel un homme orchestre, il joue sur Aigre-Doux d’une multitude d’objets sonores : voix, vielle à roue électro-acoustique, guitare acoustique et électrique, violon, percussions vocales, samplings, accordéon chromatique et diatonique, oud, guitare portugaise, cornemuse du centre, clarinette, flûte traversière, mélodéon, banjo 4 et 5 cordes, cavaquinho, percus, harmonica, mandoline, cromorne, basse électro-acoustique, claviers, dobro, lap steel. "J’aime apprendre à me servir des instruments quels qu’ils soient. J’ai autant de plaisir à aborder un instrument ancien qu’à travailler sur un sampler. En 89, pour Le Bar-Tabac de la Rue des Martyrs, j’en avais déjà utilisé un. A l’époque, il fonctionnait presque à la manivelle" sourit-il.

Actuellement enfermé avec son groupe en studio, il prépare la tournée qui va démarrer au mois d’octobre. "Pour moi, la scène est aussi importante que le studio. C’est pourquoi on retravaille, on réarrange tout le répertoire afin d’être le plus à l’aise, afin de ne pas rater ce contact direct avec le public. En plus de 20 ans de scène, j¹ai joué dans toutes les configurations possibles : dans des théâtres devant un public assis, dans des salles rock ou sur les podiums des festivals trads. Mais à chaque fois, je suis comme un boy-scout, content et impatient. Ce n’est jamais pareil. Je me refuse à enfiler 15 concerts en 15 jours. Je suis plutôt du genre à apprécier les tournées qui durent dans le temps, 3 jours par-ci, 3 jours par-là, avec des retours à la case départ entre chaque fois" commente-t-il.

Et dans les salles obscures

Beaucoup moins trépidant, le monde du cinéma a su lui ouvrir ses portes. "C’est un autre plaisir. Beaucoup moins éprouvant que celui de musicien. Au cinéma, je suis un bébé. Je suis pris en main par le metteur en scène. C’est lui qui me dit ce que je dois faire. C’est son truc. C’est son œuvre. De plus, tu es payé cher pour attendre. Pendant Dante 01, le prochain film de Marc Caro, dont la sortie est annoncée pour cet hiver, j’ai pu apprendre le texte des chansons d’Aigre-Doux" avoue celui qui a déjà été à l’affiche d’une trentaine de long-métrages et de nombreux court. "Avec Caro, tu n’as pas trop le temps de souffler" ajoute-t-il précisant que c’est un film de science-fiction, une histoire de prison spatiale qui dérive dans l'atmosphère suffocante de Dante, une planète hostile. "Au générique, on retrouve Lambert Wilson dans le rôle principal ainsi que Dominique PinonLinh Dan Pham ou Bruno Lochet".

François Hadji-Lazaro Aigre-Doux (AZ/Universal) 2006
En concert à Paris au Café de la Danse du 1er au 3 novembre et en tournée en France